L’achat public est-il condamné à passer au coût à l’usage

Publié le 5 avril 2018 à 7h20 - par

Si le particulier a souvent penché vers l’acquisition, tant la France est un pays de « propriétaires », les personnes publiques et au premier plan d’entre elles, les collectivités territoriales et les établissements de santé, ont également toujours considéré l’investissement comme un dogme.

L’achat public est-il condamné à passer au coût à l’usage

Une démarche quasi culturelle… amenée à évoluer ! En effet, l’investissement se voit de plus en plus ébranlé et ce pour des raisons réellement objectives : accélération des technologies, contexte budgétaire de plus en plus contraint ou encore nécessité d’intégrer et déployer des innovations parfois disruptives au sein du secteur public.

L’investissement, un dogme de plus en plus « ébranlé » dans la sphère publique ?

L’achat, au sens de l’investissement, est une pratique traditionnelle et quasi « culturelle » dans le secteur public. Il repose sur un certain nombre de fondamentaux : approche patrimoniale, récupération de la TVA pour les collectivités territoriales, budget d’investissement privilégié au risque de le voir remis en cause mais aussi des équipements jusqu’à présent encore fortement sujets à l’amortissement.

Pourtant, la pertinence de l’investissement est de plus en plus discutée dans un contexte où les équipements à obsolescence rapide (3 ou 4 ans) se multiplient, cachant de plus des coûts de maintenance ou de remise à niveau difficiles à évaluer et surtout à financer le moment venu. L’investissement, alors trop privilégié, risque alors d’enfermer le décideur public dans un fonctionnement rapidement obsolète et dans une dégradation du niveau de performance du service public. Cette politique alors de court termes peut être de nature à dégrader son efficience en coût complet et son attractivité notamment au regard de l’offre du secteur privé.

Il n’est donc pas surprenant qu’au sein de la fonction publique, les établissements de santé soient ceux qui s’orientent depuis plusieurs mois et de manière très significative vers le financement locatif voir à termes le paiement à l’usage.

Un contexte technologique et économique plus que favorable à changer son fusil d’épaule

L’avènement des nouvelles technologies portées par une digitalisation croissante touchent tous les secteurs d’activité et pas uniquement ceux traditionnellement liés à l’informatique.
Développement de la télémédecine, véhicules à termes autonomes, mobilier urbain connecté ou encore dispositifs d’accompagnement au bien vieillir à domicile sont autant d’exemples amenés à se multiplier.

De nouvelles technologies, voire parfois des innovations de rupture, dont le secteur public ne peut et ne pourra se passer car seules celles-ci lui permettront, dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint, de répondre à des enjeux de transformation et modernisation du service public.

Les achats publics reposent en effet traditionnellement sur des fournitures, des services et des travaux. Seules les fournitures (y compris les logiciels) se prêtent au financement ; les consommables en étant au même titre que les travaux ou encore les services exclus sauf si ces derniers sont « accessoires » au projet de fourniture.

Les fournitures les plus couramment acquises au sein de la fonction publique et susceptibles d’entrer dans le champ du financement sont donc les suivantes : télécommunications (équipements), matériel informatique, équipements d’imprimerie/reprographie, mobilier à usage intérieur, mobilier urbain et équipements associés, équipements techniques à caractère industriel (restauration, blanchisserie…), équipements médicaux, véhicules de service ou encore véhicules de transport en commun.

Le financement locatif se prête ainsi tout particulièrement aux biens à obsolescence rapide (3 à 4 ans). Il semble également se prêter par expérience à tous les biens à caractère innovant induisant un retour sur investissement dans la durée.

À termes, d’autres familles de produits pourraient entrer rapidement dans ce champ d’intervention tels que le mobilier de bureau ou mobilier d’accueil, ces équipements commençant également à intégrer des éléments numériques ou digitaux et concourant aux enjeux de productivité et d’attractivité.

Le financement par crédit-bail, un succès croissant mais des possibilités limitées

Le crédit-bail est un dispositif équivalent à un marché de financement en raison de la faible valeur résiduelle levée lors de l’option d’achat. La valeur de rachat dépend en effet des loyers déjà payés et est connue dès la contractualisation.

D’un point de vue comptable, les loyers constituent des charges de fonctionnement et ne grèvent donc pas le budget d’investissement de la personne publique. Ces charges se répartissent sur plusieurs exercices comptables permettant ainsi d’étaler la charge financière de cet « achat différé ». Seule la levée de l’option d’achat se comptabilise en investissement.

Le crédit-bail, bien que de plus en plus couramment utilisé, présente certaines limites : exclusion de la maintenance, faible intégration de logiciels, part de service limité.

Enfin, l’évolutivité périodique des équipements et des installations rendue de plus en plus nécessaire par les évolutions technologiques est fortement contrainte dans le cas du crédit-bail puisque l’équipement est propriété du bailleur et toute modification nécessite donc son accord au préalable.

Le financement locatif, un pas de plus vers l’usage du bien

Le financement locatif semble, de plus en plus, être la solution la plus adaptée au contexte technologique déjà évoqué et ce pour plusieurs raisons : vision en coût complet, intégration de la maintenance et de nombreuses prestations de service, intégration des logiciels parfois jusqu’à 100 %, répartition de la charge d’usage sur plusieurs exercices.

En outre, les prestataires proposent souvent des services associés d’accompagnement stratégique et de pilotage financier et administratif.

D’un point de vue comptable, les loyers constituent des charges de fonctionnement, seul point de nature encore à en limiter quelque peu l’usage tant les budgets dans le secteur publics favorisent mais pour combien de temps encore, la partie investissement au détriment des charges de fonctionnement.

En conclusion

L’acheteur public est aujourd’hui confronté à une équation de plus en plus complexe :

  • achat de produits voir de solutions de plus en plus technologiques et complexes ;
  • passage progressif du modèle de l’investissement à celui du financement voir de l’usage ;
  • approche en coût complet en lieu et place de la simple approche « prix » ;
  • mise en œuvre de solutions plus innovantes voir disruptives nécessitant davantage d’échanges avec les prescripteurs en amont et avec les utilisateurs en aval (formation, conduite du changement, évolutions technologiques en cours de contrat).

La pression budgétaire croissante, la nécessité d’atteindre rapidement une performance achat significative sans que les gains dégagés soit annihilés par un coût prohibitif de l’organisation achat, l’obligation de suivre un marché toujours plus innovant, et la pression de l’usager sont autant d’éléments devant conduire toute organisation à arbitrer clairement la notion de « faire » ou « faire faire ».

Si pendant longtemps par exemple le recours aux centrales d’achat a été justifié par des retards dans la réalisation d’un plan d’équipements ou encore par opportunité, celui-ci tend à se faire désormais dans un cadre beaucoup plus défini, conduisant d’ailleurs de nombreux acheteurs publics à nouer des partenariats avec celles-ci à des fins de collaboration mais également à des fins économiques (optimisation des conditions de recours).

Ainsi, la tendance qui se dessine semble être d’externaliser les achats à caractère nationaux, qui plus est lorsque ceux-ci nécessitent une forte expertise et un financement locatif, et à internaliser les achats à caractère territoriaux notamment lorsque l’acheteur public dispose en propre de l’expertise et de leviers de performance achat autres que les volumes. Par exemple, la proximité d’un site de production ou de distribution, une capacité logistique en propre ou encore une capacité à conduire et animer un groupement de commandes à l’échelle du territoire.

Dans ce contexte, il n’est ainsi pas surprenant de voir l’UGAP, centrale d’achat public, proposer depuis un mois, un accès à des solutions de financement locatif sur l’ensemble de son catalogue à des conditions uniques. Une offre qui a déjà engendré sur cette période plus de 25 M€ de cotation pour les seuls établissements de santé et plus de 2 M€ de biens financés.

Une approche qui devrait au final nous conduire au coût à l’usage.

Sébastien Taupiac,
Directeur Santé à l’UGAP