Législatives : les hauts fonctionnaires pensent à la suite, pas forcément à la fuite

Publié le 3 juillet 2024 à 10h15 - par

« Prise de renseignements » plutôt qu’« exode spectaculaire »: si certains hauts fonctionnaires inquiets de la possible arrivée au pouvoir du Rassemblement national (RN) songent à se replier vers des postes où leur indépendance serait protégée, une vague massive de départs semble improbable.

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© Par Laurence Soulez - stock.adobe.com

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« Je suis dans une perspective où de toute façon, le RN, s’il ne passe pas en 2024, passera à un moment donné », témoigne auprès de l’AFP une haute fonctionnaire en poste dans un ministère, qui va tenter d’intégrer la Cour des comptes. « C’est un organisme totalement indépendant, autonome et protégé par la Constitution », rappelle-t-elle, à l’inverse des postes de l’administration centrale des ministères ou de conseiller ministériel.

Mais le projet de cette haute fonctionnaire est bien antérieur à l’annonce début juin 2024 de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron.

« Indépendamment de la situation nationale (…), ma stratégie de carrière est d’entrer dans un grand corps » de la fonction publique d’État pour pouvoir y retourner « lorsqu’un gouvernement qui ne colle absolument pas à mes valeurs » est au pouvoir, développe-t-elle.

Pour autant, cette haute fonctionnaire ne croit pas à un « exode spectaculaire » de ses pairs vers des fonctions moins exposées. Car la dernière réforme de la Haute fonction publique a nettement réduit le nombre de grands corps. La Cour des comptes ou le Conseil d’État ont conservé le leur, au contraire des inspections générales, des préfets ou des diplomates.

En outre, « il y a une voix majoritaire qui s’est exprimée en faveur d’un mouvement politique », en l’occurrence le RN arrivé en tête du premier tour des élections législatives, rappelle la haute fonctionnaire, et pour les cadres de l’État, « partir, c’est quelque part refuser ce jeu démocratique ».

Même prudence du côté de la prestigieuse Inspection générale des Finances (IGF), historiquement pourvoyeuse de conseillers ministériels.

Questionnée sur l’attitude de ses membres passés ou actuels en cas d’arrivée du RN au gouvernement, l’IGF répond que « le service n’a pas à encourager ou pas les choix de carrière. »

« Rien d’extraordinaire »

« Les cabinets ministériels peuvent demander à l’IGF certains profils pour garnir leurs rangs », mais la réponse de chaque haut fonctionnaire à ce type de sollicitations est un choix « individuel et personnel », souligne le service de Bercy.

Interrogés par l’AFP sur un éventuel afflux de candidatures ou demandes de réintégration depuis la dissolution, le Conseil d’État n’a pas souhaité s’exprimer et la Cour des comptes n’a pas répondu.

En dehors de la fonction publique d’État, les collectivités locales (communes, départements, régions), dont la liberté d’administration est consacrée par la Constitution, peuvent aussi attirer des hauts fonctionnaires en quête d’indépendance.

Président de l’association des DRH des grandes collectivités, Vincent Lescaillez observe qu’actuellement les hauts fonctionnaires d’État sollicitent plus que d’ordinaire les exécutifs locaux.

« J’ai un poste d’administrateur ouvert dans ma collectivité, j’ai reçu dix candidatures en provenance de l’État », affirme-t-il en guise d’illustration auprès d’un journaliste de l’AFP. « Mais on est plus au stade de la prise de renseignements, pas encore sur une vague de panique », tempère M. Lescaillez.

La section « nominations » dans le compte-rendu du Conseil des ministres promet d’être scrutée à quatre jours du second tour des élections législatives.

La leader du RN Marine Le Pen a en effet accusé Emmanuel Macron de vouloir profiter du dernier Conseil avant le scrutin pour nommer un nouveau directeur général de la police nationale. Plus généralement, Mme Le Pen reproche au chef de l’État d’avoir multiplié les nominations à des postes clés de la haute administration ces dernières semaines, en prévision d’une éventuelle arrivée du RN au gouvernement.

En juin 2024, 932 textes de nomination – affectations, réintégrations, renouvellements… – ont été publiés au Journal officiel (JO), indique sa rédaction à l’AFP. Un total supérieur à la moyenne des nominations annoncées en juin entre 2017 et 2024 (836 textes), mais encore loin des plus de 1 200 mesures nominatives de décembre 2020.

« On peut certes noter une hausse des mesures nominatives qui peut s’expliquer peut-être en partie par le contexte électoral, mais elle n’a rien d’extraordinaire ni de très significatif à ce stade », commente la rédaction du JO.

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