Analyse des spécialistes / Intercommunalité

Projet de loi Engagement et proximité : le repositionnement des communes dans les intercommunalités

Publié le 4 décembre 2019 à 11h46 - par

Présenté en Conseil des ministres le 17 juillet 2019, le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, après avoir été largement modifié par le Sénat en première lecture, vient d’être adopté par l’Assemblée nationale le 26 novembre dernier.

Projet de loi Engagement et proximité : le repositionnement des communes dans les intercommunalités

La commission mixte paritaire prévue entre le 10 et le 12 décembre devrait permettre une approbation d’ici la fin de l’année de ce projet dont l’objectif est de retisser le lien entre l’État et les élus locaux, particulièrement les maires qui se sont considérés malmenés depuis l’adoption de la loi NOTRe.

Tour d’horizon des mesures phares de ce projet sur le thème de l’intercommunalité.

Information / participation des élus communaux à l’intercommunalité

De toutes ces thématiques, l’intercommunalité était celle qui au cours des dernières années, en particulier depuis la loi NOTRe du 7 août 2015 avait contribué à creuser le fossé entre la base et le sommet. Le texte propose donc de mieux associer les maires et les conseillers municipaux au fonctionnement de l’intercommunalité, en créant à titre obligatoire une conférence des maires pour chaque intercommunalité à fiscalité propre. Non doté de pouvoir de décision, cette instance, présidée par le président de l’EPCI à fiscalité propre, est conçue comme une instance de coordination où pourraient être débattues les grandes orientations (article 1er du projet).

Dans le même ordre d’idée, le législateur instaure une obligation à la charge de tous les EPCI (communautés des communes, communautés d’agglomération, mais aussi syndicats de communes) d’informer les conseillers municipaux non membres d’un organe délibérant d’EPCI des convocations, délibérations et comptes-rendus des réunions de l’intercommunalité (article 4).

Pacte de gouvernance

Le législateur a prévu la possibilité pour les EPCI à fiscalité propre d’adopter un pacte de gouvernance, qui aurait vocation à prévoir la création de conférences territoriales des maires (sur critère géographique ou de compétence), la création de commissions spécialisées, les conditions dans lesquelles le bureau décide de solliciter pour avis la conférence des maires des objectifs de parité hommes / femmes dans les organes de l’EPCI, les conditions dans lesquelles le président délègue à un maire l’engagement de dépenses d’entretien courant d’ouvrages communautaires ou encore le placement de services communautaires sur le territoire d’une commune et sous l’autorité du maire pour les compétences « voirie », « équipements culturels et sportifs, équipements préélémentaire et élémentaire » (art. 1er).

Notons que les EPCI à fiscalité propre ne sont toutefois pas obligés de se doter d’un tel pacte. En revanche, après l’élection du président de l’EPCI à fiscalité propre, ce dernier devra inscrire à l’ordre du jour de son conseil un débat et une délibération sur l’intérêt d’établir un tel pacte. Si l’organe délibérant décide l’élaboration d’un pacte de gouvernance, il disposera alors de neuf mois pour l’approuver. Il pourra être modifié en cours de mandat.

Compétences

C’est probablement la question des « compétences », au-delà de celle de la gouvernance qui suscite le plus de tensions. Si l’ouverture de la possibilité de transférer à la carte une compétence communale à l’EPCI à fiscalité propre, en dehors des cas énumérés par la loi (c’est-à-dire compétences obligatoires, facultatives, optionnelles) dans les conditions de majorité qualifiée de droit commun, semble faire consensus (article 5 A et  5 B), tout comme la diminution du nombre de compétences optionnelles de 3 à 1 des communautés de communes et d’agglomération (article 5 D), ce n’est pas le cas de l’opposition ferme entre le Sénat et l’Assemblée nationale concernant les compétences « eau » et « assainissement ». Partisan d’une suppression du caractère obligatoire du transfert des compétences « eau » et « assainissement » dans le giron des intercommunalités à fiscalité propre au 1er janvier 2020, le Sénat n’a pas été suivi par une Assemblée trop encline à maintenir, au moins en façade, le principe de ce transfert obligatoire.

L’Assemblée a donc modifié une énième fois la loi NOTRe, et par conséquent la récente loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, en permettant aux conseils municipaux de s’opposer au transfert des compétences eau potable et assainissement jusqu’au 1er janvier 2020. La loi n° 2018-702 du 3 août 2018 permettait un report au 1er janvier 2026 du transfert de ces compétences si au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes représentant au moins 20 % de la population délibèrent en ce sens avant le 1er juillet 2019. Reste que la prorogation de ce dispositif pour seulement six mois constitue un aménagement mineur.

Plus révolutionnaire est la possibilité ouverte par le législateur de permettre à l’EPCI à fiscalité propre, qui se sera vu transférer l’une de ces compétences, de la déléguer en retour à une commune, voire à un syndicat de communes compris en totalité dans le périmètre de la communauté de communes. Sans remettre en cause le principe du transfert obligatoire, ce dispositif vient en limiter la portée en maintenant sous une autre forme une gestion communale. Chaque entité devra approuver toutefois les termes de la convention de délégation, laquelle devra établir de manière précise les besoins et les moyens déployés pour les services, les objectifs poursuivis, la durée. Le bénéficiaire de la délégation de compétence devra établir en outre un plan d’investissement. Plus qu’une délégation de compétence, c’est un partage de compétence à préparer et pour lequel on peut regretter que le législateur ne soit pas plus disert sur l’étendue de la délégation : s’étend-t-elle à la fixation des tarifs ? Au choix du mode de gestion ? On pourrait le penser. Une précision serait bienvenue.

Un régime particulier est prévu concernant le sort des syndicats de communes exerçant cette compétence à la date du transfert de la compétence à une communauté de communes ou communauté d’agglomération (article 5 du projet de loi). Les syndicats compris en totalité dans le périmètre de l’EPCI à fiscalité propre seraient maintenus pendant une période de six mois à compter du transfert. Durant cette période, l’EPCI à fiscalité propre devra délibérer sur la question d’une délégation de compétence au syndicat. Si une telle délibération n’est pas approuvée, la dissolution du syndicat semble s’imposer, et la compétence sera directement assumée par l’EPCI à fiscalité propre. En revanche, en cas de délibération de principe sur la délégation de compétence, une période d’une année est laissée au syndicat et à l’EPCI à fiscalité propre pour approuver la convention de délégation de compétence. À défaut d’approbation au terme de cette période, la dissolution du syndicat sera prononcée.

Non prévu dans le texte déposé par le gouvernement, les assemblées se sont même accordées sur la légalisation de la tarification sociale de l’eau potable et l’assainissement à destination des usagers domestiques (art. 5 bis). La mise en place d’une telle tarification n’est aucunement imposée. Elle est cependant encadrée. La progressivité devra suivre les revenus et la composition du foyer. Une première tranche gratuite pourra être instaurée pour les personnes vulnérables.

En matière d’urbanisme, l’article 7 du texte tend à renforcer la place des communes dans la procédure d’élaboration des PLUi, en instaurant notamment la possibilité pour les maires de prendre l’initiative d’une modification simplifiée du PLUi, si cette modification ne couvre que le territoire de leur commune, ou encore en sollicitant l’avis des communes pour l’élaboration de plans de secteur.

Les points de débats entre les deux textes adoptés par le Sénat et l’Assemblée nationale devraient être prochainement tranchés par la commission mixte paritaire dont il est prévu qu’elle soit convoquée entre les 10 et 12 décembre 2019.

 

Nicolas Sautereau, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public

Auteur :

Nicolas Sautereau

Nicolas Sautereau

Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public


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