Les compétences du développement économique local

Publiée le 1 février 2022 à 10h30 - par

Entretien avec Didier Milland, avocat.
Les compétences du développement économique local

Le couple Région-intercommunalités est désormais présenté comme le moteur du développement économique. Quelles en sont les raisons ?

Les raisons sont avant tout juridiques, dans la mesure où les articles L. 1511-2, L. 1511-3 et L. 1511-8 du CGCT confient un certain nombre de compétences exclusives dans ce domaine aux régions et aux EPCI. La région est ainsi seule compétente pour définir les régimes d’aides et pour décider de l’octroi des aides aux entreprises, sous forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d’intérêts, de prêts et d’avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que les conditions du marché. Elle est de même seule compétente pour attribuer des aides aux entreprises en difficulté. Réciproquement, les EPCI sont seuls compétents, avec les communes, pour définir les aides ou les régimes d’aides et décider de l’octroi de ces aides sur leur territoire en matière d’investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d’immeubles. Concrètement, cela veut dire que le bloc communal peut seul accorder des subventions ou rabais sur le prix de vente, la location ou la location-vente de terrains nus ou aménagés, de bâtiments neufs ou rénovés ou accorder aux entreprises des prêts, des avances remboursables ou des crédits-bails à des conditions plus favorables que celles du marché pour leur permettre de se trouver des locaux.

Les EPCI semblent amener à se substituer aux communes dans un grand nombre de cas. Est-ce prévu par la loi ?

La réponse est là encore positive pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération, en vertu respectivement des articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du CGCT. Il ressort en effet de ces textes que ces EPCI à fiscalité propre exercent de plein droit, en lieu et place des communes membres, un certain nombre de prérogatives en matière économique. Il s’agit notamment des actions de développement économique lorsqu’elles sont compatibles avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) (selon l’article L. 4251-16 du CGCT). Il s’agit également des actions visant à la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion des zones d’activités industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire ainsi que de celles menées au titre de la politique locale du commerce et le soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire.

L’existence des SRDEII veut-elle dire qu’il y a des domaines où actions régionales et celles du bloc communal se chevauchent ?

Effectivement. Selon les mêmes articles, la région peut intervenir en complément des EPCI sur les aides à l’immobilier d’entreprise. Elle partage avec les autorités du bloc communal une compétence pour aider à l’installation de professionnels de santé. De leur côté, les EPCI peuvent intervenir en complément de la région par voie conventionnelle, sur les aides aux entreprises et d’autres dispositifs. Ils partagent également avec la commune la compétence pour aider à l’installation des professionnels de santé.

« Les communes ou les EPCI pourraient retrouver bientôt la possibilité de verser des aides pour la création d’un « nouvel établissement » ayant pour objet l’exploitation de salles de spectacle cinématographique »

Est-ce à dire qu’il existe des règles spécifiques propres à certains secteurs d’activité ?

La réponse est là encore positive. Deux sortes d’aides sectorielles retiennent précisément l’attention. Selon les articles L. 2251-4 et L. 5111-4 du CGCT, les communes – ou, en cas de transfert de compétences, les EPCI – peuvent « attribuer des subventions à des entreprises existantes ayant pour objet l’exploitation de salles de spectacle cinématographique dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ». « Ces subventions », précisent le texte, « ne peuvent être attribuées qu’aux établissements qui, quel que soit le nombre de leurs salles, réalisent en moyenne hebdomadaire moins de 7 500 entrées ou qui font l’objet d’un classement art et essai dans des conditions fixées par décret ». Mais attention : le Conseil d’État a considéré en 2021 que ces aides ne pouvaient pas être attribuées pour permettre la création d’une nouvelle salle de cinéma par une entreprises existante (CE, 10 mars 2021, n° 434564). Il n’est toutefois pas sûr que cette interprétation prévale longtemps : des dispositions correctives devraient être prévues dans la loi « 3DS » dont on nous annonce l’adoption prochainement. De sorte que les communes ou les EPCI pourraient retrouver bientôt la possibilité de verser des aides pour la création d’un « nouvel établissement ».

De même, selon l’article L. 1511-8 du CGCT, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer des aides destinées à favoriser l’installation ou le maintien de professionnels de santé dans certaines zones (définies en application du 1° de l’article L.  1434-4 du Code de la santé publique). Selon le TA de Strasbourg, ce sont toutefois les communes – et non les EPCI – qui peuvent agir dans ce domaine, dans la mesure où ce type d’aide ne peut être rattaché à l’exercice de la compétence développement économique (TA Strasbourg, 12 février 2021, Préfet du Haut-Rhin c/ Commune de Huningue, n° 2001541). Le meilleur moyen de sécuriser l’intervention de l’intercommunalité dans ce domaine consiste pour cette raison à lui transférer cette compétence à titre supplémentaire (on disait auparavant « facultatif »), en l’absence d’une réforme législative en la matière.

Quels types de subventions les autorités locales peuvent-elles accorder concrètement ?

Selon l’article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 « constituent des subventions […] les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par » les collectivités publiques dans un but d’« intérêt général et destinées à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire ».

Pour être valablement attribuées de telles subventions doivent respecter certaines conditions : elles doivent viser à satisfaire un intérêt public local et respecter les règles communautaires sur le régime des aides d’État (ce qu’on appelle les règles de minimis notamment) pour ne pas porter excessivement atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie.

Dans le cas précité de l’immobilier d’entreprise, le versement des subventions n’est par exemple valable que si le prix des cessions est encadré et le recours au crédit-bail ou à des pépinières/hôtel d’entreprise doit de la même façon être préalablement cadré par un règlement d’aides à l’immobilier d’entreprise. Sans compter que de tels lieux ne peuvent être construits n’importe où : leur création doit être compatible avec les dispositions des documents locaux d’urbanisme (du PLU ou PLUi selon les cas).

Les communes ont-elles encore des leviers d’action en matière économique dans ces conditions ?

Oui. Elles sont compétentes pour mener des actions de soutien aux activités commerciales non reconnues d’intérêt communautaire ainsi que des actions d’immobilier d’entreprise hors des compétences des EPCI.

Parallèlement, elles peuvent agir sur le fondement des articles L. 2251-3 du CGCT et L. 5111-4, lorsque l’initiative privée est défaillante ou insuffisante, pour assurer la création ou le maintien d’un service nécessaire à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural ou dans une commune comprenant un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville. Elles peuvent aussi accorder des aides sociales à caractère individuel, qui peuvent contribuer au pouvoir d’achat des populations les plus fragiles.

Propos recueillis par Fabien Bottini, Consultant, Professeur à Université du Maine, Membre de l’IUF

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