Sébastien Lajoux : « L’établissement s’est rapidement mobilisé pour organiser l’Université “hors les murs” et appliquer son PCA »

Publié le 10 avril 2020 à 9h38 - par

Face à la gestion de la crise sanitaire liée à la propagation du Covid-19, les collectivités doivent se coordonner pour maintenir une continuité d’activité et protéger les agents. Sébastien Lajoux, Directeur Général Délégué aux Ressources Humaines au sein de l’Université de Lorraine (7 000 agents), répond à nos questions et nous fait part de son expérience.

Sébastien Lajoux : "L’établissement s’est rapidement mobilisé pour organiser l’Université « hors les murs » et appliquer son PCA

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Quelles sont les premières urgences que vous avez eues à gérer devant la crise du coronavirus ?

Sébastien Lajoux, Directeur Général Délégué aux Ressources Humaines

Sébastien Lajoux

Depuis plusieurs semaines, un comité de pilotage de crise est opérationnel autour du président et du DGS. L’établissement s’est rapidement mobilisé pour organiser l’Université « hors les murs » et appliquer son plan de continuité d’activité.

La crise inédite, que nous traversons, a modifié le modèle de gestion de crise à l’Université, en mettant en place ce comité de pilotage de crise, et non plus une cellule de crise. Comité auquel je participe, au titre du plan de continuité d’activité (PCA) RH, en lien avec la Vice-Présidente en charge des RH et des conditions de travail. Nous sommes entourés d’autres groupes de travail thématiques par PCA (recherche, formation, vie universitaire, numérique, pilotage institutionnel de l’établissement…), ce qui représente une organisation inhabituelle pour une gestion de crise compte tenu de son caractère extra-ordinaire, dans le sens hors du commun.

Nous avons adapté rapidement nos outils de travail pour passer à un fonctionnement à distance (par exemple en utilisant l’outil numérique collaboratif Microsoft Teams, qui est devenu notre bureau virtuel de travail et d’organisation de réunions à distance à plusieurs, complété par un espace de travail commun (EDC) dans lequel nous partageons toutes les informations nécessaires à la prise de décisions du comité de pilotage de crise). Les sujets sont traités quotidiennement selon l’ordre d’urgence et dans le cadre d’un ordre du jour préparé à l’avance. Cela nous permet une grande réactivité.

Sur le plan RH, la communication a été essentielle, avec des messages concernant les modalités de travail adressés directement par le président, Pierre Mutzenhardt, à l’ensemble de la communauté universitaire.

Nous avons, dans un premier temps, rassuré sur le versement des salaires ou les acomptes à verser. Un message sur les aspects liés au temps de travail a également été partagé avec les personnels. Ce qui a permis d’évoquer l’importance de l’équilibre entre temps de travail et vie personnelle lorsque l’on travaille à domicile.

Puis, un autre message a mis en avant les dispositifs d’écoute et d’accompagnement, certains personnels pouvant se sentir isolés actuellement. En termes de ressources, nous avons mis à disposition un document pratique et synthétique, qui présente différents conseils pour travailler à distance, et nous avons notamment relayer aux encadrants « le Guide du management à distance en situation exceptionnelle », lancé par la Région Grand Est mi-mars 2020.

Enfin, en matière de prévention des RPS, nous avons aussi des personnes-ressources en interne : psychologues du travail, assistantes sociales, etc. Nous faisons également le lien avec le Centre Pierre Janet, qui fait partie intégrante de notre Université et qui est à la pointe en matière de réflexion théorique et pratique sur la psychothérapie.

À ce stade dans quels domaines considérez-vous que votre organisation était prête à réagir au mieux et ce qu’il faudrait améliorer, voire créer ?

Ayant été l’une des premières universités a déployé le télétravail, le mode soudain de « travail à distance » a été mieux assimilé. Tout ce que nous avons commencé à faire en termes d’acculturation au télétravail, nous en voyons les résultats aujourd’hui en période de confinement : confiance des encadrants, adhésion de facto de la grande majorité des collègues, outils et matériel adaptés, etc.

En guise d’illustration, près de 70 % des 3 000 personnels BIATSS (ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques) ont pu rapidement travailler partiellement ou complétement à distance ; les 30 % restants sont en autorisation spéciale d’absence du fait de l’impossibilité de travail à distance en raison de leur configuration familiale et/ou de leurs missions. Sur le volet enseignants-chercheurs, la « continuité pédagogique » a également été rapidement mise en œuvre grâce au soutien des équipes de la Direction du numérique qui a su réagir efficacement pour adapter les modes d’enseignement à distance déjà présents au sein de l’Université de Lorraine. De ce point de vue-là, c’est à nouveau grâce à l’anticipation et aux choix effectués les années passées que nous avons pu permettre aux enseignants-chercheurs de continuer leur mission d’enseignement et de garder contact avec leurs étudiants pour les suivre et les former à distance.

Une crise est souvent révélatrice, à ce stade, qu’a-t-elle révélé sur vos forces et vos faiblesses ?

Sur l’ensemble de nos activités, nous arrivons à porter l’essentiel (de la paye des personnels jusqu’à l’organisation de la formation des étudiants, même dans des conditions difficiles), ce qui est très positif et démontre bien que les personnels, quel que soit leur statut (enseignants ou personnels BIATSS), sont au rendez-vous de ce moment « extra-ordinaire » à nouveau.

Au niveau des faiblesses, je mentionnerai notre dépendance sur le plan RH vis-à-vis d’autres acteurs de la sphère publique : paye à façon réalisée par les services de la DGFIP, avis obligatoires des comités médicaux et commission de réforme pour clarifier des situations individuelles, et surtout notre besoin de consignes de nos différentes tutelles ministérielles. Or, la réactivité et la temporalité ne sont pas toujours au diapason de ce qu’impose une gestion de crise, ce qui à mon sens nécessite de renforcer encore plus avant notre mode de fonctionnement partenarial et en réseau ; et au-delà la nécessaire émancipation administrative des universités dans les domaines de gestion lorsqu’il n’y a aucune plus-value à dépendre d’autres entités.

Beaucoup de citoyens et d’entreprises prennent conscience de l’importance d’un service public qui allie solidarité et efficacité, quel message souhaiteriez-vous faire passer ?

Le message essentiel est celui posé dans votre question, puisque grâce à la continuité de service public, nous arrivons même hors les murs à assurer nos missions de manière efficace. Cela a permis aussi de mettre en avant davantage encore notre responsabilité sociétale à l’Université : les nombreuses initiatives de solidarité et d’aides exceptionnelles que les composantes, les services centraux, les étudiants ont mis en place nous permettent d’affirmer collectivement que nous sommes fiers de notre Université et du rôle qu’elle joue dans les questions de société, davantage encore lorsque notre quotidien est profondément perturbé.

Deux messages, enfin :

  • En ces temps de « fonctionnaires bashing », j’espère que cette crise prouvera à nos concitoyens le dévouement des fonctionnaires à la chose publique – c’est-à-dire in fine à eux et à leurs proches ! – et plus globalement la nécessité de disposer d’activités de services publics solides, efficaces, humanistes, au-delà de simples considérations financières. L’intérêt général n’est pas un vain mot, il porte en lui l’impérieuse obligation de désintéressement pour mieux servir et de mobilisation pour une meilleure solidarité locale et nationale lorsque les circonstances l’exigent.

En miroir, je formule le vœu que cet évènement renforce la fierté et l’estime de soi des agents publics et dès lors l’attractivité des carrières publiques, tout en mettant en exergue l’exigence et l’exemplarité, dont nous devons faire preuve au quotidien du fait de cette vocation publique.

  • Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, un motif d’espoir réside dans « la force du collectif », valeur fondamentale du service public. Elle est néanmoins très fragile et impose à court, moyen et long terme de réfléchir aux modalités de reconnaissance / valorisation de l’investissement tant individuel que collectif (les deux sont-ils conciliables ?) pour maintenir la motivation et l’efficacité des collectifs de travail « les jours d’après ».

Propos recueillis par Hugues Perinel


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