Égalité femmes-hommes dans la fonction publique : “l’enjeu des femmes aux postes de direction générale est crucial”

Publié le 18 février 2021 à 12h00 - par

Entre le colloque sur la parité porté par l’Adgcf fin 2020, et le colloque « Le temps des femmes » de l’association Femmes de Justice le 5 mars prochain, nous poursuivons notre série sur le thème de la parité femmes-hommes avec les analyses du Laboratoire de l’Égalité.

Égalité femmes-hommes dans la fonction publique : “l'enjeu des femmes aux postes de direction générale est crucial”

Entretien avec Olga Trostiansky, présidente du Laboratoire de l’égalité et Françoise Belet, membre du Comité d’orientation du Laboratoire de l’égalité et déléguée nationale à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF).

Olga Trostiansky, présidente du Laboratoire de l'égalité
Olga Trostiansky
Françoise Belet, membre du Comité d'orientation du Laboratoire de l'égalité et déléguée nationale à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes de l'Association des administrateurs territoriaux de France (AATF)
Françoise Belet

 

Selon vous, la loi de transformation de la fonction publique qui met en avant l’égalité femmes hommes est-elle à la hauteur de l’enjeu ?

Elle est en partie à la hauteur de l’enjeu car c’est la première fois qu’une loi consacre tout un chapitre à l’égalité professionnelle, le titre 5, ce qui est un bon début. Chaque administration et collectivité locale de plus de 20 000 habitants a désormais l’obligation de produire un plan d’action pluriannuel pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Dans ce dernier, elles doivent intégrer des mesures pour réduire les écarts de rémunération, pour favoriser l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle, garantir l’égal accès aux corps et postes, et prévenir et traiter les discriminations et agissements sexistes.

Cependant, il est nécessaire d’aller plus loin, notamment sur les questions de gouvernance. Par exemple, la loi du 12 mars 2012 dite « loi Sauvadet » instaure des quotas d’au moins 40 % de personnes de chaque sexe aux postes de direction. Ces mesures pourraient concerner les femmes qui sont en fonction, le « stock », aller au delà des primo-nominations, le « flux », afin de permettre à davantage de femmes d’accéder à des postes de décision. Des actions complémentaires telles que la constitution de « viviers » doivent permettre d’accélérer la féminisation de l’encadrement supérieur.

La fonction publique, garante de l’intérêt général, ne se doit-elle pas, particulièrement dans le domaine de la parité, d’être exemplaire ?

La prise en compte de l’égalité à tous les niveaux hiérarchiques est fondamentale, la fonction publique se doit d’être exemplaire sur ce point. Il est nécessaire d’avoir une approche systémique, avec la mise en place de plans d’actions concrets pour l’égalité professionnelle. Aujourd’hui, l’enjeu des femmes aux postes de direction générale est crucial, car les femmes y sont trop peu nombreuses, et elles sont surtout peu visibles. Comme dans tous les domaines, il est important d’avoir des « role models », pour donner envie à des jeunes femmes de se lancer dans ce type de carrière.

La fonction publique se doit aussi d’être exemplaire en publiant régulièrement les chiffres clés de l’égalité entre les femmes et les hommes. Or, les chiffres disponibles ne sont pas assez récents et surtout ils sont difficiles à trouver. Il faudrait centraliser toutes ces données pour en extraire les quelques chiffres clés de l’égalité femmes-hommes dans les trois versants de la fonction publique, chaque année.

Par ailleurs, l’index égalité des entreprises (Index « Pénicaud ») devrait aussi s’appliquer dans le public. Il manque une dynamique sur ce sujet. La fonction publique doit donc en effet être exemplaire sur cet enjeu de l’égalité et de la parité. Beaucoup pensent que la fonction publique est égalitaire dans la mesure où tout le monde peut passer les concours. Or, il convient de considérer la question du recrutement, des premiers postes, ainsi que la question des déroulements de carrière, qui sont généralement plus lents pour les femmes.

Au moment où l’on reparle de la loi sur les retraites, n’est-ce pas un domaine où l’inégalité hommes/femmes est particulièrement criante ?

Comme dans les autres secteurs, les inégalités entre les femmes et les hommes en matière de retraites sont criantes. Rappelons qu’en France les femmes ont des pensions en moyenne inférieures à 42 % (soit 800 euros par mois) à celles des hommes. Dans la fonction publique, les femmes ont souvent des carrières tardives ou hachées, avec beaucoup de temps partiels, tandis que les hommes ont plus tendance à avoir des carrières linéaires. Les pensions de retraite seront ainsi très différentes. Il est nécessaire de favoriser un parcours professionnel dans lequel on veille à l’égalité et à la promotion des femmes, cela aura un impact direct sur la retraite.

En préface du sixième rapport annuel sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique de la DGAFP, Amélie de Montchalin insiste qu’« au-delà de la loi et des textes réglementaires, le renforcement de l’égalité entre les femmes et les hommes passe par un changement culturel, qui doit être le fruit d’une prise de conscience de chaque citoyen et par chaque agent public ». De ce point de vue, constatez-vous de réelles avancées ?

Tout changement culturel se construit, car en effet les personnes ne prendront pas conscience spontanément des mesures à prendre pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. Il est nécessaire de sensibiliser, d’informer et de créer le débat sur ces questions. Ainsi, les réseaux de femmes dans la fonction publique, la formation des managers, les modules de sensibilisation, l’accès au « label égalité » de l’Afnor, etc. sont essentiels.

Il y a certes des avancées, car le sujet de l’égalité femmes-hommes entre davantage dans le débat public, et il concerne tous les domaines de la société. Cependant, nous pouvons aller plus loin encore et développer une véritable culture de l’égalité, car de nombreux stéréotypes sexistes sont encore présents.

Propos recueillis par Julien Prévotaux

Colloque : « Le temps des femmes » – Tout public, le 5 mars 2021
Le temps des femmes


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