Quelles sont les conditions ouvertes à l’administration pour que le juge ordonne au cocontractant de prendre les mesures nécessaires à l’exécution du contrat ?

Publié le 22 février 2024 à 10h45 - par

Le juge des référés « mesures utiles » peut condamner le cocontractant de l’administration à prendre toutes les mesures nécessaires à la bonne exécution d’un contrat public. Cependant, le juge ne saurait intervenir dans l’exécution d’un contrat public si l’administration dispose de prérogatives lui permettant de rappeler son cocontractant à ses obligations.

Quelles sont les conditions ouvertes à l'administration pour que le juge ordonne au cocontractant de prendre les mesures nécessaires à l'exécution du contrat ?
© Par Florence Piot - stock.adobe.com

L’administration dispose par principe des moyens pour imposer au titulaire l’exécution du contrat

Dans sa décision du 15 janvier 2024 Commune de Samoëns (n° 489157), le Conseil d’État précise les conditions par lesquelles l’administration peut saisir le juge des référés « mesures utiles ». En l’espèce, le pourvoi est rejeté car la condition d’urgence n’est pas remplie mais le juge rappelle selon une jurisprudence constante qu’« il n’appartient pas au juge administratif d’intervenir dans l’exécution d’un marché public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l’administration, lorsque celle-ci dispose à l’égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution du contrat, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contrainte à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision juridictionnelle ». En matière contractuelle, l’administration dispose du privilège du préalable de par ses prérogatives de puissance publique, exorbitantes du droit commun. De ce fait, le juge du contrat se refuse à adresser des injonctions au cocontractant de l’administration.

Toutefois, lorsque l’administration ne peut pas utiliser de pouvoirs coercitifs pour imposer à son cocontractant la poursuite de l’exécution du contrat, celle-ci peut saisir le juge des référés « mesures utiles » afin qu’il use de son office d’injonction. Le juge peut ainsi enjoindre au cocontractant de prendre les mesures provisoires nécessaires à la continuité du service public. À titre d’exemple, le Conseil d’État a déjà pu enjoindre à une société fournissant l’accès internet à une administration, de trouver une solution alternative pour rétablir la connexion très haut débit. Il a également déjà ordonné à un cocontractant de poursuivre l’exécution d’un contrat que ce dernier avait interrompu en conséquence d’un litige financier avec l’administration.

Le juge des référés peut être saisi sous certaines conditions

Cependant, le référé « mesures utiles » n’est qu’une solution subsidiaire. Le juge des référés apprécie les obligations du cocontractant et ses manquements au regard des moyens qu’a mis en œuvre l’administration en tenant compte des pouvoirs dont elle dispose. Enfin, la requête de l’administration doit remplir les conditions du référés « mesures utiles », à savoir l’urgence, ne pas faire obstacle à une décision administrative et ne pas se heurter à une contestation sérieuse. En pareille hypothèse, le juge du contrat est en droit de prononcer, à l’encontre du cocontractant, une condamnation, éventuellement sous astreinte, à une obligation de faire. En cas d’urgence, le juge des référés peut, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l’urgence, ne fasse obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Texte de référence : Conseil d’État, 7e chambre, 15 janvier 2024, n° 489157, Inédit au recueil Lebon