Les agents publics « n’ont plus les moyens de réfléchir », s’alarme un collectif

Publié le 16 juin 2022 à 12h58 - par

Manque de temps, d’effectifs ou de compétences techniques : les agents publics « n’ont plus les moyens de réfléchir » sur des enjeux de long terme comme la transition écologique, alerte jeudi 16 juin 2022 le collectif d’agents Nos Services publics.

Les agents publics "n'ont plus les moyens de réfléchir", s'alarme un collectif

Dans une note d’une dizaine de pages, le collectif identifie quatre obstacles principaux à l’existence d’une pensée stratégique dans l’administration : l’insuffisance des moyens humains, le peu d’intérêt porté aux travaux des structures publiques de réflexion existantes, le sous-financement de la recherche universitaire et la préférence accordée par le personnel politique au temps court plutôt qu’au long terme.

Sur la question des effectifs, Nos Services publics déplore en particulier la tendance à l’externalisation des missions, trois mois après un rapport acerbe du Sénat sur le recours par l’État aux cabinets de conseil.

« Le recours à l’externalisation (…) implique un amoindrissement des compétences techniques de la sphère publique », notamment sur les sujets environnementaux, dénonce le collectif.

Les effectifs des principaux opérateurs contribuant à l’adaptation au changement climatique en France auraient ainsi baissé d’1,3 % par an en moyenne entre 2014 et 2021, précise la note, qui reprend des statistiques du centre de réflexion Institute for Climate Economics.

Le collectif constate que la politique de ressources humaines de l’administration valorise davantage les « profils généralistes » et « les changements de postes rapides » – une ambition de mobilité professionnelle réaffirmée par la récente réforme de la Haute fonction publique.

Or « dans de nombreux domaines, l’ancienneté est nécessaire pour gagner en compétence », estime Nos Services publics.

« Pas à la hauteur »

Les auteurs de la note reconnaissent bien l’existence de diverses structures publiques de réflexion, comme les inspections générales (IGF, IGA) ou les centres de réflexion internes aux ministères (France Stratégie, Commissariat général au développement durable).

Mais « ces espaces sont trop souvent inadaptés, dénigrés ou dégradés au fil des années, ce qui les empêche de remplir pleinement leur rôle », regrettent-ils aussitôt.

Et le travail de ces structures est souvent ignoré, puisque « commander un rapport constitue un outil de communication politique plus qu’un support à l’élaboration d’une politique publique », tacle le collectif.

« Le champ du changement climatique est peut-être l’exemple le plus flagrant », ajoute-t-il.

Qu’il s’agisse du Giec ou du Haut Conseil pour le climat, « ces deux organismes ne cessent de répéter que les politiques actuelles ne sont pas alignées avec les objectifs définis et les enjeux. Pourtant, l’action publique n’est toujours pas à la hauteur et ces rapports restent lettre morte », soupire Nos services publics.

Pour pallier les lacunes de l’État, Nos Services publics demande « des moyens financiers et humains », une meilleure valorisation des compétences techniques et des structures existantes de réflexion.

« Il est nécessaire de redonner à l’administration les moyens de réfléchir », conclut le collectif.

La note est publiée un peu plus d’un mois après un rapport de France Stratégie qui constatait déjà la « difficulté structurelle » de la France à « intégrer dans l’exercice démocratique le temps long, la complexité des enjeux et leur interdépendance ».

L’organisme de réflexion rattaché à Matignon déplorait entre autres griefs que « la baisse des émissions de gaz à effet de serre demeure insuffisante pour respecter les engagements » de la France.

Nommé ministre de la Fonction publique en mai et responsable à ce titre de la réforme de l’État, Stanislas Guerini s’est engagé à agir sur l’« urgence climatique ».

« Je mettrai la transition écologique au cœur de notre action, de nos missions, mais aussi du sens que nous donnons au service de l’État », avait-il assuré à l’occasion de la passation avec sa prédécesseure Amélie de Montchalin.

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