Un écart de prix « suspect » entre deux offres ne permet pas de qualifier une offre d’anormalement basse

Publié le 26 juin 2018 à 12h41 - par

La qualification d’une offre d’anormalement basse suscite un contentieux de plus en plus important devant le juge administratif.

Un écart de prix "suspect" entre deux offres ne permet pas de qualifier une offre d’anormalement basse

La réglementation pose le principe qu’il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Et si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l’offre. Encore faut-il déterminer à partir de quel moment un prix doit être considéré comme anormalement bas.

Une simple suspicion ne permet pas de qualifier une offre comme anormalement basse

En l’espèce, une société contestait l’attribution de plusieurs lots d’un marché de travaux au motif que l’écart entre son offre et celle de l’entreprise retenue était de l’ordre de 24 %. En conséquence, elle estimait que l’acheteur avait commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant une offre dont elle estimait qu’elle était anormalement basse. Le groupement évincé se bornait à indiquer que les écarts entre les deux offres étaient, selon lui, « suspects ».

Selon le Conseil d’État, « les écarts relevés n’étaient pas, dans les circonstances de l’espèce, suffisants pour que les prix proposés doivent paraître à l’office manifestement sous-évalués et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché. L’acheteur n’avait donc pas à solliciter de la société attributaire qu’elle lui fournisse des précisions sur les prix qu’elle proposait.

La méthode de notation des critères prix et valeur technique peut être différente

On sait que le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. Le juge contrôle cependant que la méthode de notation mise en œuvre n’est pas entachée d’irrégularité et qu’elle conduit de ce fait à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre.

En l’espèce, le pouvoir adjudicateur avait retenu une méthode de notation pour le critère du prix attribuant automatiquement la note maximale au candidat ayant présenté l’offre la moins-disante. Cette même méthode n’avait pas été retenue pour valoriser le candidat le mieux classé, pour l’appréciation du critère de la valeur technique.

Selon le Conseil d’État, « la seule circonstance que les méthodes de notation mises en œuvre par l’acheteur soient susceptibles d’aboutir à une différenciation plus grande des candidats, sur certains seulement des critères de jugement des offres, ne saurait être regardée comme privant ceux-ci de leur portée ou comme neutralisant leur pondération ». En conséquence, le moyen tiré de l’irrégularité de la méthode de notation des offres retenue par l’acheteur doit être rejeté.

Dominique Niay

Texte de référence : Conseil d’État, 7e – 2e chambres réunies, 25 mai 2018, n° 417428, Publié au recueil Lebon


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