Comment qualifier l’offre d’un soumissionnaire à prix zéro ?

Publié le 8 octobre 2020 à 8h00 - par

Un marché public est un contrat qui se définit par son objet (achat de fournitures, services ou travaux) et par son mode de rémunération, à savoir le paiement d’un prix. Sur renvoi en question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait à se prononcer sur la notion de contrat à titre onéreux au regard d’une offre à prix zéro proposée par un candidat au marché.

Comment qualifier l’offre d’un soumissionnaire à prix zéro ?

La justification d’une nouvelle référence est trop aléatoire pour qualifier un contrat de « contrat à titre onéreux »

Dans le cadre d’une procédure de passation de marché public par l’État slovène, une entreprise a vu son offre rejetée au motif qu’elle proposait un prix de zéro euro, ce qui constituait, selon le pouvoir adjudicateur, une offre irrégulière. Pour justifier son offre, pour un marché ayant pour objet un service d’accès à un système d’information juridique, l’opérateur économique faisait valoir que l’accès à un nouveau marché ou à de nouveaux utilisateurs, et par conséquent des références, était susceptible de représenter pour lui un avantage économique futur. La Cour devait ainsi se prononcer si le seul fait que l’obtention du marché public présente une valeur économique pour l’opérateur économique – même s’il n’est pas possible d’exprimer cette valeur sous une forme monétaire lors de l’attribution du marché – pouvait suffire à caractériser le marché de contrat à titre onéreux. Selon le juge européen, les termes « à titre onéreux » désignent un contrat par lequel chacune des parties s’engage à réaliser une prestation en contrepartie d’une autre.

Cette contrepartie ne doit pas nécessairement consister dans le versement d’une somme d’argent, de sorte que la prestation puisse être rétribuée par d’autres formes de contreparties, telles que le remboursement des frais encourus pour fournir le service convenu. Toutefois, il n’en reste pas moins que le caractère synallagmatique d’un contrat de marché public se traduit obligatoirement par la création d’obligations juridiquement contraignantes pour chacune des parties au contrat, dont l’exécution doit pouvoir être réclamée en justice.

En conséquence, un contrat par lequel un pouvoir adjudicateur n’est juridiquement tenu de fournir aucune prestation en contrepartie de celle que son cocontractant s’est engagé à réaliser ne relève pas de la notion de « contrat à titre onéreux » au regard des directives européennes.

Le régime de l’offre anormalement basse s’applique à une offre proposée à prix nul

Dans le cadre de la passation d’un marché soumis à la réglementation européenne, l’absence de caractère onéreux ne constitue pas une base juridique susceptible de fonder le rejet automatique d’une offre proposant un prix de zéro euro comme étant irrégulière. Par contre, dès lors qu’une offre au prix de zéro euro peut être qualifiée d’offre anormalement basse au sens de la directive européenne, le pouvoir adjudicateur doit demander au soumissionnaire des explications quant au montant de l’offre. Et c’est au vu des explications fournies sur le prix et sur les éléments de preuve fournis que l’acheteur jugera si une telle offre est de nature à affecter l’exécution correcte du marché.

Texte de référence : CJEU, 10 septembre 2020, affaire C-367/19