Quelle durée et quelle étendue d’une exclusion d’une entreprise suite à une condamnation pénale ?

Publié le 27 mai 2022 à 8h00 - par

Les exclusions des procédures de passation « de plein droit » prévues aux articles L. 2141-1 à L. 2141-5 et L. 2341-3 du Code de la commande publique concernent en particulier les peines prononcées par un juge pénal. 

Quelle durée et quelle étendue d'une exclusion d'une entreprise suite à condamnation pénale ?

Une question parlementaire pose la problématique de l’automaticité ou non de l’exclusion d’une société condamnée au cas où une juridiction pénale prononce seulement une peine d’amende envers une société.

Deux situations distinctes d’exclusion d’accès à la commande publique

L’interdiction faite à un opérateur économique de soumissionner à un contrat de la commande publique peut résulter de deux situations distinctes. Elle peut d’abord résulter d’une peine complémentaire prononcée par le juge pénal sur le fondement des articles 131-10 et 131-39 du Code pénal. Elle peut, en outre, résulter du mécanisme d’exclusion « de plein droit » du fait d’une condamnation à titre principal pour l’une des infractions mentionnées à l’article L. 2141-1 du Code de la commande publique. Le Conseil constitutionnel a confirmé (décision n° 2021-966 QPC du 28 janvier 2022), d’une part, que ce mécanisme d’exclusion procède de la transposition de dispositions inconditionnelles et précises de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et, d’autre part, que l’exclusion automatique ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition, mais une mesure ayant pour objet d’assurer l’efficacité de la commande publique et le bon usage des deniers publics.

En conséquence, elle ne méconnaît pas les principes de nécessité et d’individualisation des peines ni le droit à un recours juridictionnel effectif, garantis respectivement par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Il convient par ailleurs de prendre en compte la jurisprudence pour mesurer la portée de ces exclusions dites « automatiques », qui se distinguent d’une condamnation par un jugement définitif à une peine expresse d’exclusions. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne et le Conseil d’État ont confirmé que l’interdiction de soumissionner qui en découle ne fait pas obstacle à ce que les opérateurs économiques démontrent qu’ils ont, depuis la commission des actes emportant exclusion, pris des mesures correctrices susceptibles de rétablir leur fiabilité (CJUE, 11 juin 2020, n° C-472/19 ; Conseil d’État, 12 octobre 2020, n° 419146).

Ainsi, hormis le cas dans lequel l’opérateur économique a été exclu des procédures de contrats publics par un jugement devenu définitif, la directive 2014/24/UE lui permet d’apporter au pouvoir adjudicateur tout élément établissant que les mesures prises sont de nature à prévenir toute nouvelle infraction et qu’il peut participer à la procédure malgré l’existence d’un motif d’exclusion.

Une exclusion qui peut s’étendre aux filiales d’une société mère

En ce qui concerne l’exclusion des filiales d’une société mère condamnée pour recel de favoritisme, la condamnation de la société mère, en tant que personne morale, n’entraîne pas de manière automatique l’exclusion de ses filiales des procédures de passation des contrats de la commande publique. Une filiale pourra néanmoins aussi être exclue de la procédure pour le même motif que sa société mère si le pouvoir adjudicateur constate l’absence d’autonomie commerciale par rapport à la société mère condamnée, en raison des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants (Conseil d’État, 8 décembre 2020, n° 436532).

En outre, la condamnation d’une personne physique, pour l’une des infractions mentionnées à l’article L. 2141-1 du Code de la commande publique peut aussi avoir pour conséquence l’exclusion d’une filiale. Si une personne physique condamnée est membre de l’organe de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance d’une filiale, ou détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle sur une filiale, alors cette dernière est exclue de la procédure de passation des marchés tant que cette personne physique exerce ses fonctions.

Texte de référence :  Question écrite n° 43616 de Mme Anne-France Brunet (La République en Marche – Loire-Atlantique) du 18 janvier 2022, Réponse publiée au JOAN du 3 mai 2022