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Quel exercice du droit de grève pour les agents publics territoriaux en cas de désordre manifeste ?

Publié le 28 février 2023 à 13h45 - par

Lorsque l’exercice du droit de grève en cours de service peut entraîner un risque de désordre manifeste dans l’exécution du service, l’autorité territoriale peut imposer aux agents publics territoriaux ayant déclaré leur intention de participer à la grève d’exercer leur droit dès leur prise de service et jusqu’à son terme.

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Cette disposition vise à interdire les grèves de courtes durées dites « perlées » qui consistent en des arrêts d’activité courts et répétés et des ralentissements concertés qui peuvent menacer la continuité du service public.

L’article 56 de la loi du 6 août 2019 a introduit un article 7-2 III dans la loi du 26 janvier 1984, afin d’encadrer l’exercice du droit de grève dans certains services publics locaux1. Cette disposition est désormais codifiée dans le dernier paragraphe de l’article L. 114-9 du Code général de la fonction publique (CGFP)2.

1. La prévention législative contre les risques de désordre manifeste dans l’exécution du service public

Pour valider la constitutionnalité de cette disposition, le Conseil constitutionnel avait admis qu’ : « en permettant à l’autorité territoriale d’imposer aux agents en cause d’exercer leur droit de grève dès leur prise de service et jusqu’au terme de ce dernier, le législateur a entendu prévenir les risques de désordre manifeste dans l’exécution du service public causés par l’interruption ou la reprise du travail en cours de service. Cette restriction apportée aux conditions d’exercice du droit de grève tend ainsi à éviter le recours répété à des grèves de courte durée mettant en cause la continuité du service public. Par ailleurs, elle n’oblige pas l’agent qui souhaite cesser son travail à le faire dès sa première prise de service postérieure au déclenchement de la grève »3.

2. La condition indispensable de désordre manifeste

L’autorité territoriale peut imposer aux agents ayant déclaré leur intention de participer à la grève qu’ils exercent ce droit dès leur prise de service et jusqu’à son terme. L’agent peut rejoindre la grève ultérieurement à condition de le faire au début d’une période de travail et pour toute la durée de cette période. Le but du législateur est de mettre fin aux possibilités de grève perlée, qui constitue un usage abusif du droit de grève. En effet, les grèves perlées constituent un risque de « désordre manifeste » dans l’exécution du service. Le juge administratif a précisé cette notion identifiable au cas où l’interruption soudaine du service en cours d’exécution est susceptible de susciter un « désordre manifeste » dans l’exécution de ce service. Le Conseil d’État ajoute que cette faculté n’est pas subordonnée à la conclusion de l’accord visant à assurer la continuité des services, ni davantage limitée par les termes du préavis de grève déposé4.

3. La possibilité de sanction disciplinaire

L’article L. 114-10 du CGFP prévoit que l’agent public qui n’a pas exercé son droit de grève dès sa prise de service dans les conditions prévues à l’article L. 114-9 est passible d’une sanction disciplinaire.

Dans un contexte de grève nationale décrétée pour le 7 mars prochain, ce procédé permet d’éviter le recours répété à des grèves de courte durée qui peuvent facilement remettre en cause la continuité du service public.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, NOR : CPAF1832065L, JORF n° 0182 du 7 août 2019, texte n° 1.

2. Art. L. 114-9 du CGFP : « Dans le cas où un préavis de grève a été déposé dans les conditions prévues à l’article L. 2512-2 du Code du travail et en vue de l’organisation du service public et de l’information des usagers, les agents territoriaux des services mentionnés à l’article L. 114-7 du présent Code informent, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, comprenant au moins un jour ouvré, l’autorité territoriale ou la personne désignée par elle, de leur intention d’y participer.
Les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service durant la grève et sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par l’autorité territoriale comme étant chargées de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du Code pénal.
L’agent territorial ayant déclaré son intention de participer à la grève dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article mais qui renonce à y prendre part en informe l’autorité territoriale au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure prévue de sa participation afin que l’autorité puisse procéder à son affectation.
L’agent territorial participant à la grève qui décide de reprendre son service en informe l’autorité territoriale au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure de sa reprise afin que l’autorité puisse procéder à son affectation.
L’obligation d’information mentionnée aux deux alinéas qui précèdent n’est pas requise lorsque la grève n’a pas lieu ou lorsque la reprise de service est consécutive à la fin de la grève.
Lorsque l’exercice du droit de grève en cours de service pourrait entraîner un risque de désordre manifeste dans l’exécution du service, l’autorité territoriale peut imposer aux agents territoriaux ayant déclaré leur intention de participer à la grève d’exercer leur droit dès leur prise de service et jusqu’à son terme ».

3. Décision n° 2019-790 DC du 1er août 2019, NOR : CSCL1922922S, JORF n° 0182 du 7 août 2019, Texte n° 2.

4. Conseil d’État, 20 décembre 2019, n° 436794.

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