Analyse des spécialistes / Retraite

Les agents contractuels titularisés pourront-ils se prévaloir d’une partie de leur carrière avant la titularisation pour leurs droits à la retraite ?

Publié le 9 mars 2023 à 16h00, mis à jour le 24 avril 2023 à 11h00 - par

L’article 7 du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale n° 760 pour 2023 ouvre une possibilité pour les agents contractuels, qui deviennent fonctionnaires, de se prévaloir d’une partie de leur carrière avant la titularisation pour leurs droits à la retraite. Selon le député Jérôme Guedj, il semblerait que cette mesure soit inconstitutionnelle en ce qu’elle constituerait un cavalier législatif selon une note, non communiquée, du Conseil d’État. Dans une décision du 14 avril, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition.

Les agents contractuels titularisés pourront-ils se prévaloir d’une partie de leur carrière avant la titularisation pour leurs droits à la retraite ?
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Il convient de rappeler qu’un fonctionnaire cotise à la retraite au service des retraites de l’État (SRE), s’il est fonctionnaire d’État. Il cotise à la CNRACL s’il est fonctionnaire territorial ou hospitalier. Depuis 2005, les fonctionnaires d’État, territoriaux et hospitaliers cotisent à la RAFP. En revanche, un contractuel cotise à l’Assurance vieillesse du régime général de la Sécurité sociale et à l’Ircantec. Jusqu’en 2014, pour un agent contractuel titularisé, il était possible que ses années de contractuel soient validées pour la retraite comme des services de fonctionnaire. Cela est désormais impossible depuis 2015.

1. La nouvelle possibilité pour un agent public contractuel titularisé de se prévaloir d’une partie de carrière avant la titularisation pour ses droits à la retraite pour un départ anticipé

L’article 7 ouvre une possibilité de reprise partielle des services réalisés en tant que contractuel au titre de la durée de services à valider pour pouvoir bénéficier du droit au départ anticipé. Ce qui serait un retour à l’esprit de ce qui se faisait avant 2014. Aujourd’hui, un agent public qui a été contractuel avant d’être fonctionnaire, perçoit à sa retraite, une pension du SRE ou de la CNRACL et une pension de la RAFP pour ses années accomplies comme fonctionnaire et, pour ses années accomplies comme contractuel, il reçoit une pension de l’Assurance vieillesse du régime général de la Sécurité sociale et une pension de l’Ircantec. Le projet de réforme reviendrait sur cette répartition des retraites.

2. Les justifications annoncées par le Gouvernement

Pour le Gouvernement, il s’agirait par cette nouvelle possibilité d’améliorer l’équilibre financier du régime de retraite et de renforcer progressivement l’activité des agents les plus âgés. Selon le Gouvernement, cela renforcerait les économies réalisées grâce au relèvement de l’âge d’ouverture des droits, financerait le système de retraite et les mesures de justice sociale qui accompagnent cette réforme.

3. La disposition censurée par le Conseil constitutionnel

Une fois la loi adoptée, le Conseil constitutionnel a pu se prononcer en particulier sur la disposition présentée ci-dessus. Dans le considérant n° 88 de sa décision n° 2023-849 DC prise le 14 avril 2023, le Conseil constitutionnel explique que la disposition attaquée est inconstitutionnelle. Il considère que « les services accomplis par un fonctionnaire dans un emploi classé en catégorie active ou super-active pendant les dix années précédant sa titularisation sont comptabilisés comme des services actifs ou super-actifs pour l’acquisition du droit au départ anticipé, ne sont applicables qu’aux services accomplis en qualité d’agents contractuels à compter de la publication de la loi déférée ». Ainsi, les dispositions n’ont pas d’effet sur les recettes ou les dépenses de l’année des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées à l’article LO. 111-3-12 du Code de la sécurité sociale. Les dispositions attaquées ne trouvent pas leur place dans une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale et sont donc contraires à la Constitution en ce qu’elles sont séparables du reste de l’article 10 et des autres dispositions de la loi.

En l’état actuel des choses, les agents contractuels titularisés ne pourront pas se prévaloir d’une partie de leur carrière avant la titularisation pour leurs droits à la retraite. Néanmoins, le Gouvernement semblerait vouloir proposer une nouvelle mesure pour permettre aux agents contractuels, qui deviennent fonctionnaires, de se prévaloir d’une partie de leur carrière avant la titularisation pour leurs droits à la retraite.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public

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