Les carences pédagogiques d’un enseignant constatées lors d’une inspection suffisent-elles à fonder une mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle ?

Publié le 22 juin 2016 à 7h17 - par

Dans un arrêt en date du 1er juin 2016, le Conseil d’État considère qu’une mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle d’un agent public ne saurait être subordonnée à ce que l’insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l’agent ni qu’elle ait persisté après qu’il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées.

Les carences pédagogiques d'un enseignant constatées lors d'une inspection suffisent-elles à fonder une mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle ?

Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l’agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.

Dans un arrêt du 1er juin 2016, le Conseil d’État considère que la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier et l’arrêté du 20 septembre 2012, que si M. A… a fait l’objet le 18 juin 2012 d’une inspection pédagogique à laquelle il s’est opposé en refusant de dispenser son cours aux apprentis et si le rapport de visite des inspecteurs établi le 27 juin 2012 à partir des supports pédagogiques de l’enseignant et des travaux des élèves a mis en évidence des carences pédagogiques de l’intéressé, une inspection ne saurait, « en raison de son caractère ponctuel et limité, sauf carences particulièrement graves ou persistantes déjà constatées, suffire à fonder une mesure de licenciement » pour insuffisance professionnelle.

En l’espèce, par un arrêté du 20 septembre 2012, le maire de la commune de Sète a prononcé le licenciement pour insuffisance professionnelle de M.A…, agent non titulaire de la commune affecté au centre de formation des apprentis de Sète et exerçant depuis 1976 les fonctions de formateur en mathématiques, sciences et technologie.

Par un jugement du 30 avril 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A… tendant à l’annulation de cet arrêté.

Par un arrêt du 12 juin 2015 contre lequel la commune de Sète se pourvoit en cassation, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement et l’arrêté prononçant le licenciement de M. A…

Dans son arrêt en date du 1er juin 2016, le Conseil d’État considère que la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier et l’arrêté du 20 septembre 2012.

Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, l’arrêt attaqué de la Cour administrative d’appel de Marseille doit être annulé.

Le licenciement pour inaptitude professionnelle d’un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l’inaptitude de l’agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l’exercice de ces fonctions.

Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l’insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l’agent ni qu’elle ait persisté après qu’il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées.

Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l’agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.

Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fait obstacle à ce que l’insuffisance professionnelle d’un agent contractuel de la fonction publique territoriale exerçant des fonctions d’enseignement dans un centre de formation des apprentis (CFA) soit constatée à l’occasion d’une visite d’inspection pédagogique diligentée dans les conditions prévues par les articles R. 6251-1 et suivants du Code du travail et portant sur l’activité pédagogique de l’agent examinée dans la durée.

En l’espèce, il ressort du rapport d’évaluation du service de l’inspection de l’Éducation nationale que si l’intéressé, en charge de l’enseignement en mathématiques, sciences et technologie, assure un enseignement en mathématiques, au demeurant réducteur au regard des recommandations pédagogiques nationales car effectué principalement sous forme d’activités, il ne dispense aucun enseignement en sciences physiques.

En outre, l’objectif pédagogique des cours qu’il dispense n’est pas clairement identifié et l’évaluation des acquisitions des apprentis est absente.

Au vu de ces carences, le recteur de l’académie a fait savoir au maire de la commune qu’il lui semblerait pertinent de procéder au licenciement de M. Rossi. La circonstance que l’intéressé n’avait jamais fait l’objet auparavant d’une évaluation professionnelle n’est pas de nature à faire obstacle à ce que son insuffisance professionnelle puisse être relevée. Absence d’erreur dans l’appréciation de sa valeur professionnelle.

 

Maître André ICARD, Avocat au Barreau du Val de Marne

 

Texte de référence : Conseil d’État, 7e et 2e chambres réunies, 1er juin 2016, n° 392621

 

Source : jurisconsulte.net.