Les I et III de l’article 72 de la loi de transformation de la fonction publique ont étendu le dispositif de rupture conventionnelle à la fonction publique. Il s’agit d’une forme supplémentaire de cessation définitive de fonctions qui entraîne la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire. Une expérimentation de rupture conventionnelle est créée pour les fonctionnaires1 appartenant aux trois versants de la fonction publique, pendant une durée de six années, de 2020 à 2025. En sus, la loi a introduit un dispositif visant les agents contractuels en contrat à durée indéterminée et les ouvriers d’État.
Le décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 a été pris en application des I et III de l’article 72 de la loi de transformation de la fonction publique2. Il détermine les conditions et la procédure selon lesquelles une administration et un agent public peuvent convenir d’un commun accord de la cessation définitive des fonctions ou de la fin du contrat. Le décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019 précise les règles relatives au montant plancher de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle instaurée par l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation publique et fixe un montant plafond à cette indemnité3. Ces deux textes sont venus fixer les garanties procédurales et indemnitaires de la rupture conventionnelle.
1. Les garanties procédurales
Premièrement, l’encadrement des procédures de la rupture conventionnelle dans la fonction publique est nécessaire pour deux raisons. D’abord dans le secteur privé, la rupture conventionnelle est parfois requalifiée en licenciement déguisé car elle peut présenter des dérives. En effet, cela peut être le cas quand ce mode de rupture du contrat est proposé par l’employeur et accepté par les salariés à la suite d’une situation de mal-être, voire de conflit au travail. Ensuite, la rupture conventionnelle étendue à l’ensemble des agents publics pouvait faire naître certaines craintes. En effet, il était nécessaire d’éviter que les agents soient mis sous pression pour quitter la fonction publique, tout en évitant la procédure disciplinaire habituelle qui garantit les droits des agents.
Deuxièmement, le décret n° 2019-1593 garantit la liberté des parties non seulement pour les ruptures conventionnelles concernant les fonctionnaires, mais aussi pour celles concernant les agents contractuels en contrat à durée indéterminée et les ouvriers d’État. Il propose des garanties procédurales homogènes. En effet, la rupture conventionnelle peut être engagée à l’initiative de l’agent ou de l’administration, de l’autorité territoriale ou de l’établissement dont il relève. Le demandeur informe l’autre partie par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre contre signature. Lorsque la demande émane de l’agent, celle-ci est adressée, au choix de l’intéressé, au service des ressources humaines ou à l’autorité investie du pouvoir de nomination. Un entretien relatif à cette demande se tient à une date fixée au moins dix jours francs et au plus tard un mois après la réception de la lettre de demande de rupture conventionnelle. Cet entretien est conduit par l’autorité hiérarchique ou l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination dont relève l’agent ou son représentant. Il peut être organisé, le cas échéant, d’autres entretiens. L’agent souhaitant se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix au cours du ou des entretiens en informe au préalable l’autorité avec laquelle la procédure est engagée. Le décret précise que le ou les entretien(s) préalable(s) porte(nt) nécessairement sur les motifs de la demande et le principe de la rupture conventionnelle, sur la fixation de la date de la cessation définitive des fonctions, sur le montant envisagé de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et sur les conséquences de la cessation définitive des fonctions, notamment le bénéfice de l’assurance chômage et l’obligation de remboursement.
Troisièmement, la convention doit être homologuée par l’autorité administrative. Le décret n° 2019-1593 énonce que les termes et les conditions de la rupture conventionnelle sont énoncés dans une convention signée par les deux parties. La convention fixe notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, dans des limites déterminées par décret et, la date de cessation définitive des fonctions du fonctionnaire. Celle-ci intervient au plus tôt un jour après la fin du délai de rétractation de quinze jours. La convention de rupture conventionnelle est établie selon le modèle défini par un arrêté du ministre chargé de la Fonction publique. La signature de la convention a lieu au moins quinze jours francs après le dernier entretien, à une date arrêtée par l’autorité dont relève l’agent ou l’autorité investie du pouvoir de nomination ou son représentant. Chaque partie reçoit un exemplaire de la convention. Une copie de la convention est versée au dossier du fonctionnaire. Chacune des deux parties dispose d’un droit de rétractation. Ce droit s’exerce dans un délai de quinze jours francs, qui commence à courir un jour franc après la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, sous la forme d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre contre signature. En l’absence de rétractation de l’une des parties dans le délai fixé, le fonctionnaire est radié des cadres à la date de cessation définitive de fonctions convenue dans la convention de rupture.
Enfin, la rupture conventionnelle aura des conséquences pour l’agent. Avant leur recrutement, les candidats retenus pour occuper, en qualité d’agent public, un emploi public adressent à l’autorité de recrutement une attestation sur l’honneur qu’ils n’ont pas bénéficié, durant les six années précédant le recrutement, d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle soumise à l’obligation de remboursement.
Ainsi, la rupture conventionnelle ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties, le principe d’un montant minimum de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est également affirmé.
2. Les garanties indemnitaires
Le décret n° 2019-1596 fixe le montant plancher et le montant plafond de l’indemnité spécifique de la rupture conventionnelle. L’enjeu n’est pas de créer un droit à l’assurance-chômage des fonctionnaires, le texte précise un régime spécifique pour les agents ayant signé une rupture conventionnelle.
Premièrement, le montant minimal de l’indemnité spécifique de la rupture conventionnelle ne peut pas être inférieur aux montants d’un quart de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans, de deux cinquièmes de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans et jusqu’à quinze ans, d’un demi mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de quinze ans et jusqu’à vingt ans et de trois cinquièmes de mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de vingt ans et jusqu’à vingt-quatre ans.
Deuxièmement, le montant maximum de l’indemnité spécifique de la rupture conventionnelle ne peut pas excéder une somme équivalente à un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l’agent par année d’ancienneté, dans la limite de vingt-quatre ans d’ancienneté.
Troisièmement, la rémunération brute de référence pour la détermination de la rémunération est d’une part celle perçue par l’agent au cours de l’année civile précédant celle de la date d’effet de la rupture conventionnelle. Le décret exclut ainsi de la rémunération de référence : les primes et indemnités qui ont le caractère de remboursement de frais, les majorations et indexations relatives à une affection outre-mer, l’indemnité de résidence à l’étranger, les primes et indemnités liées au changement de résidence, à la primo-affectation, à la mobilité géographique et aux restructurations et les indemnités d’enseignement ou de jury ainsi que les autres indemnités non directement liées à l’emploi. D’autre part, pour les agents bénéficiant d’un logement pour nécessité absolue de service, le montant des primes et indemnités pris en compte pour la détermination de la rémunération est celui qu’ils auraient perçu, s’ils n’avaient pas bénéficié d’un logement pour nécessité absolue de service. Par ailleurs, l’appréciation de l’ancienneté tient compte des durées de services effectifs accomplis dans la fonction publique de l’État, la Fonction publique Territoriale et dans la Fonction publique Hospitalière. Enfin, les agents ayant signé un engagement à servir l’État à l’issue d’une période de formation doivent avoir accompli la totalité de la durée de service prévue par cet engagement pour bénéficier de la rupture conventionnelle.
Ces deux décrets remplissent leur office de mieux encadrer la rupture conventionnelle définie dans l’article 72 de la loi « transformation de la fonction publique » du 6 août 2019. Ils offrent des garanties procédurales et indemnitaires. Le volet « chômage » de ladite loi sera ultérieurement mis en œuvre par décret en Conseil d’État.
Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public
1. Les fonctionnaires stagiaires, les fonctionnaires détachés sur contrat, les fonctionnaires ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite et justifiant de la durée d’assurance nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum de pension ne sont pas intégrés au dispositif de la rupture conventionnelle.