Analyse des spécialistes / Fonction publique

Vers une parité pour l’organisation du temps de travail dans les Ehpad ?

Publié le 9 novembre 2022 à 11h00 - par

Le Gouvernement n’envisage pas de rendre applicables aux personnels territoriaux des Ehpad les règles prévues dans la fonction publique hospitalière en matière de dérogations permanentes aux garanties minimales de travail.

Le 14 juillet dernier, la Sénatrice Madame Frédérique Puissat a souligné que : « la crise sanitaire, le manque d’attractivité chronique des métiers de soins à la personne et le personnel en souffrance en raison des difficultés de remplacement, mettent en exergue les difficultés rencontrées par les directions et les comités techniques des Ehpad. En particulier, l’impossibilité pour les personnels, dépendant de la fonction publique territoriale (FPT), de ces établissements de pratiquer une durée quotidienne maximale de 12 heures en continu, sauf pour un motif exceptionnel et pour une durée très limitée. Cette possibilité est pourtant ouverte aux Ehpad dont le personnel dépend de la fonction publique hospitalière (FPH) »1.

Aussi, elle a demandé au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires s’il peut envisager de mettre en cohérence les règles de fonctionnement, concernant la durée quotidienne maximale de 12 heures et en journée continue, entre les deux fonctions publiques, territoriale et hospitalière.

1. La durée de travail de douze heures possible dans la fonction publique hospitalière

Le ministre souligne que le « 1° de l’article du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière prévoit que par dérogation, « en cas de travail continu, la durée quotidienne de travail ne peut excéder 9 heures pour les équipes de jour, 10 heures pour les équipes de nuit ». Toutefois, le chef d’établissement a la possibilité, lorsque les contraintes de continuité de service public l’exigent en permanence et après avis du comité technique, de déroger à la durée quotidienne de travail fixée pour les agents en travail continu sans que l’amplitude de la journée de travail n’excède douze heures. Ainsi, dans certaines situations, la durée maximale de travail des agents en travail continu soumis au statut de la fonction publique hospitalière peut donc atteindre, par exception, douze heures »2. Les personnels des Ehpad relevant de la fonction publique hospitalière peuvent donc travailler douze heures par jour.

2. La durée de travail de douze heures impossible dans la fonction publique territoriale

Les personnels des Ehpad, qu’ils relèvent de la fonction publique hospitalière ou de la fonction publique territoriale, exercent la même profession auprès des mêmes publics en dépendance et dans des établissements similaires. Néanmoins, leur régime ne peut pas être similaire en ce qui concerne les possibilités de dérogation à la durée de travail quotidienne.

Le ministre affirme que « du fait du nombre et de la disparité des cadres d’emplois y travaillant, il n’existe pas de disposition similaire applicable aux personnels territoriaux affectés dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) gérés par les collectivités territoriales. Les seules dispositions applicables sont celles du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État, applicable au versant territorial dans les conditions prévues par le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l’application de l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale. Il résulte de ces dispositions que la durée quotidienne de travail ne peut excéder dix heures et que l’amplitude maximale journalière de travail est fixée à douze heures. Afin de tenir compte des spécificités territoriales, les dispositions du II de l’article 3 du décret du 25 août 2000 précité permettent aux collectivités territoriales de déroger, en cas de circonstances exceptionnelles et pour une période limitée, aux règles relatives aux garanties minimales de travail, après avoir informé les représentants du personnel au comité technique compétent »3. Les personnels des Ehpad relevant de la fonction publique territoriale ne peuvent donc pas travailler douze heures par jour.

3. Le refus actuel d’une transposition aux personnels territoriaux des Ehpad des règles prévues dans la fonction publique hospitalière

Le ministre estime que l’évolution des conditions de recrutement des emplois à temps non complet et l’élargissement du recours au contrat sur certains emplois permanents de la fonction publique territoriale permettent de répondre aux besoins de souplesse des employeurs territoriaux. Ces conditions seraient cohérentes avec les modalités de gestion et les contraintes organisationnelles des collectivités territoriales. C’est pourquoi, le Gouvernement n’envisage pas de transposer aux personnels territoriaux des Ehpad les règles prévues dans la fonction publique hospitalière en matière de dérogations permanentes aux garanties minimales de travail.

À ce jour, le principe de parité ne vise que la fonction publique territoriale et la fonction publique d’État, qui ne pratique pas de métiers liés aux soins. La fonction publique hospitalière n’est pas concernée par ce principe de parité.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Question écrite n° 00946 de Mme Frédérique Puissat (Isère – Les Républicains) du 14 juillet 2022, Réponse du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires publiée dans le JO Sénat du 6 octobre 2022

2. Réponse du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires publiée.

3. Ibidem.

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