Télétravail : injustice pour les femmes et affirmation des contraintes personnelles

Publié le 15 juillet 2020 à 8h41 - par

WEKA a organisé, le 7 juillet 2020, une web-conférence avec la MNT et l’ADRHGCT sur le thème du devenir du télétravail. Frédéric Petitbon, Associé PwC et Nicolas Lonvin, DRH d’Orléans et d’Orléans Métropole se sont interrogés sur les modalités du passage du travail à distance imposé au télétravail organisé. Leurs échanges ainsi que les questions posées par les auditeurs ont notamment permis de dégager des points de vigilance telles que les questions de l’égalité femmes-hommes et des nouvelles frontières entre vies privée et professionnelle. C’est l’objet de l’extrait que nous vous proposons.

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S’il est une question de management, le télétravail est aussi un choix de société

Le travail à distance instauré et généralisé dès le début de confinement a été un moyen de gestion de crise efficace. La situation extrême dans laquelle il a été mis en place, en un temps très rapide et dans un contexte de confinement total avec une fermeture historique des écoles, a eu comme conséquences pour de nombreuses personnes la délocalisation de la vie professionnelle dans l’espace privé, dans l’espace intime du « home ».

Depuis le déconfinement, la situation hybride dans laquelle nous sommes appelle une organisation du travail à dosages variés et évolutifs entre présentiel et travail à distance. Cette phase permet déjà une certaine prise de recul sur les conditions de l’extension inéluctable du recours au télétravail.

Le télétravail et les femmes : remise en cause d’un demi-siècle de réduction des inégalités entre les sexes ?

Comme le rappelle, Véronique Bédague-Hamilius, DG déléguée du groupe Nexity, dans les Échos, l’émancipation des femmes s’est construite dans les années 60-70 par leur accès au travail « hors domicile » et la vie au « bureau ». Avec la crise sanitaire, les études sur le confinement le montrent, les arbitrages se sont faits au détriment des femmes, soit qu’elles se soient majoritairement arrêtées pour garder les enfants ou assumer l’école à la maison, soit que le télétravail se soit ajouté ou ait augmenté leur contribution à la gestion des tâches domestiques, des enfants, etc.

La pandémie de Covid-19 révèle ainsi – en même temps qu’elle les accentue – que les écarts se creusent entre les classes sociales et les sexes.

Comme le souligne Nicolas Lonvin dans l’extrait que nous partageons avec vous, de nombreux progrès sont encore à faire socialement de ce point de vue. Statistiquement on sait que même en temps normal les hommes consacrent moins de temps à la gestion des tâches ménagères, des enfants et à l’accompagnement du suivi scolaire. Le confinement et le travail à distance ont été un révélateur et ont accentué cela. Il est donc important de collectivement évoluer sur ces questions pour que le télétravail s’installe dans l’égalité des sexes. Il nous faudra toutes et tous être vigilants à cela. Les intervenants s’appuient ainsi sur les résultats de l’enquête Coconel* récemment parue.

« Parmi celles qui étaient en emploi au 1er mars 2020, deux sur trois seulement continuent de travailler deux mois plus tard, contre trois hommes sur quatre. Quand elles sont en emploi, les femmes sont autant en télétravail que les hommes, mais leurs conditions diffèrent. La pratique du télétravail révèle en réalité des inégalités plus profondes de conditions de vie, qui se déploient au domicile et dans la sphère privée. Les écarts entre les sexes atteignent des niveaux maximaux au sein du groupe des cadres : 29 % des femmes cadres disposent d’une pièce spécifique dédiée au travail contre 47 % des hommes cadres ».

Entre personnel et professionnel

À une question de sondage posée aux internautes pendant la conférence « Cette période de télétravail a-t-elle durablement changé votre manière de considérer le travail dans votre vie ? », 72 % des sondés ont répondu oui !

Le personnel rentre, via l’écran, dans la vie professionnelle. On voit l’intérieur des domiciles et les enfants qui passent derrière. Il y a déjà une rupture de lien avec les collègues. Dès lors, explique Frédéric Petitbon, la frontière absolue entre le personnel et le professionnel serait humainement très compliquée.

On constate que les agents et les salariés mettent plus de rigueur sur les temps consacrés à leur vie à eux. C’est notamment la vie familiale qui fait que l’on est rigoureux sur les heures de déjeuner, que les réunions commencent à des heures raisonnables, etc.

Ritualiser les relations managériales

Dans certaines collectivités et entreprises on a pu identifier de bonnes pratiques grâce à la ritualisation des relations managériales. Ainsi, la mise en place d’un semainier permet de donner des repères sur l’organisation du temps de travail collectif et individuel et donc de l’organisation individuelle de chacun (organisation des temps de pause, de déjeuner…).

Cela permet également d’être plus explicite sur les règles du jeu et le fonctionnement collectif. Sont ainsi identifiés les temps de réunion et les temps de travail. Mais sont aussi formalisés les temps de recul collectif (apéritifs virtuels, etc.), les temps d’appel à chaque agent sur des sujets autres que le travail.

Le collectif adopte ainsi ses rituels pour déterminer son fonctionnement pendant la semaine. Les managers et les équipes sont donc contraints d’adopter une nouvelle organisation, différente de celle applicable en présentiel.

Séverine Bellina et Hugues Perinel, Réseau service public

*L’enquête Coconel

L’enquête Coconel « Logement et Conditions de vie » a été réalisée par l’Ined, en partenariat avec le consortium Coconel, l’ANR, l’IRD, l’INSERM et l’IFOP. Un échantillon de 2003 personnes, représentatif des adultes résidant en France métropolitaine, a été tiré selon la méthode des quotas (âge, sexe, éducation, groupe socioprofessionnel, région et catégorie de commune).

L’enquête s’est déroulée par internet du 30 avril au 4 mai 2020. Elle porte sur la situation avant et pendant le confinement, et aborde différents thèmes : logement et conditions de vie ; emploi et conditions de travail ; enfant et continuité pédagogique ; voisinage et sentiment d’isolement.

Pour aller plus loin : Emploi, télétravail et conditions de travail : les femmes ont perdu à tous les niveaux pendant le Covid-19, The Conversation, 5 juillet 2020


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