L’acheteur ne peut imposer une clause d’interdiction de recours aux travailleurs détachés

Publié le 2 novembre 2020 à 9h45 - par

La clause dite « Molière » vise à imposer l’usage de la langue française lors de la réalisation de chantiers de travaux, au nom de la sécurité des personnes sur le site où sont réalisés les travaux. En règle générale, ce type de clause a pour réel objectif d’empêcher le recours aux travailleurs détachés étrangers et ainsi de favoriser l’emploi local ou national.

L’acheteur ne peut imposer une clause d’interdiction de recours aux travailleurs détachés

En effet, les sociétés étrangères ne peuvent pas, la plupart du temps, garantir l’emploi de la langue française sur le chantier. Elles se trouvent donc exclues du marché ou doivent supporter le surcoût induit par la nécessité d’assurer la présence d’un interprète, ce qui les rend moins compétitives et réduit leurs chances d’être attributaires du marché.

Une délibération ne peut avoir pour objectif d’interdire le recours aux travailleurs détachés

Une délibération de la région Auvergne-Rhône-Alpes visait à introduire dans les cahiers des clauses administratives particulières des marchés de travaux une « clause de langue française » et une « clause d’interprétariat ». L’objectif annoncé était d’assurer la bonne compréhension des règles de sécurité sur les chantiers et ainsi garantir la sécurité de tous les intervenants. Le titulaire du marché s’engageait ainsi à ce que tous ses personnels, quel que soit leur niveau de responsabilité et quelle que soit la durée de leur présence sur le site, maîtrisent la langue française ou à mettre à leur disposition un traducteur. Cependant, ces clauses étaient assorties de l’obligation pour les entreprises attributaires de fournir une attestation sur l’honneur de non-recours au travail détaché et de sanctions propres en cas de constat par les services de la région de leur méconnaissance, sous forme de pénalités d’un montant proportionnel à celui du marché.

Selon la Cour administrative d’appel, il ressort expressément des termes de la délibération en cause et de son annexe qu’elle avait été adoptée afin de lutter contre le travail détaché sur les chantiers régionaux. Ces modifications aux CCAP des marchés de la région étaient ainsi motivées non par le souci de garantir la sécurité des personnes intervenant à quelque titre que ce soit sur les chantiers, mais par la volonté d’exclure le recours à des travailleurs détachés dans l’exécution des marchés de la région. La délibération en litige, qui ne poursuivait pas un objectif d’intérêt général, est en conséquence entachée de détournement de pouvoir.

Seule une clause d’interprétariat est possible

Le Conseil d’État admet la légalité d’une clause d’interprétariat (CE, 7e – 2e chambres réunies, 4 décembre 2017, n° 413366). Cependant, il ne doit pas s’agir d’une clause imposant l’usage de la langue française, mais d’une obligation d’assurer la présence sur le chantier d’un interprète, celui-ci ayant pour mission d’expliquer aux ouvriers les règles de sécurité et de les renseigner sur leurs droits sociaux. La Haute juridiction administrative tient ainsi à préciser que les clauses d’interprétariat « ne doivent pas être confondues avec les clauses dites “Molière” » visant à imposer l’usage de la langue française lors de la réalisation de chantiers de travaux.

Texte de référence : CAA de Lyon, 4e chambre, 24 septembre 2020, n° 18LY00510, Inédit au recueil Lebon


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