Mixité hommes-femmes des emplois publics : des progrès restent à faire

Publié le 18 mars 2022 à 9h15 - par

Même si elle a fait progresser la place des femmes, la loi « Sauvadet » constitue seulement une première étape. Il faudrait aussi convaincre les employeurs publics de l’opportunité de la mixité hommes-femmes dans les décisions. Une table ronde faisait le point sur le sujet au Sénat le 24 février 2022.

Mixité hommes-femmes des emplois publics : des progrès restent à faire

La loi dite « Sauvadet » du 12 mars 2012, qui impose la parité dans la fonction publique, fête ses dix ans. En imposant une proportion minimale de chaque sexe dans les primo-nominations pour près de 6 000 emplois d’encadrement supérieur et de direction, elle a globalement fait progresser la place des femmes. Cette proportion doit être de 40 % depuis 2017, sous peine de pénalités financières. Alors qu’elle est passé de 33 % en 2013 à 42 % en 2019, elle atteint 40 % dans les trois versants de la fonction publique depuis 2020 seulement. Pour autant, la proportion totale des femmes à ces postes de direction – environ un tiers -, reste faible aujourd’hui, ont constaté les intervenants de deux tables rondes organisées par la délégation aux droits des femmes du Sénat, le 24 février 2022. Notamment, parce que les mesures de quota portent sur « le flux » (les primo-nominations) et non sur le « stock ».

Certes, « il faut des mécanismes comme la loi Sauvadet ou des dispositifs réglementaires pour développer une dynamique, mais c’est seulement une première étape, selon Nathalie Pilhes, présidente de l’association Administration moderne. Or, la parité est dans la construction de la décision publique, dans le partage de la décision et donc du pouvoir… Et c’est là que les résistances se placent : ce sont les employeurs publics eux-mêmes qui ont empêché les avancées. Ils ne voient pas l’utilité de la mixité pour les décisions ». Pour franchir une nouvelle étape, il est donc nécessaire de convaincre les managers hommes que la loi, qu’ils perçoivent comme une contrainte, est en réalité une opportunité. Nathalie Pilhes a également pointé le manque de transparence, aussi bien dans les résultats des organisations publiques que dans les étapes franchies dans les parcours de carrière des femmes, qui sont conçus par des hommes pour des hommes, et qu’il conviendrait de retravailler. Manque de transparence aussi dans les nominations : certaines se font encore sans jury de recrutement et sans qu’on connaisse les critères objectifs. « Un marché caché existe encore », a précisé Nathalie Pilhes.

En outre, pourquoi publier tous les deux ans les chiffres de la mixité hommes-femmes du secteur public ? Dans le secteur privé, l’index dit « Pénicaud » est publié tous les 1er mars. Cette publication a des conséquences sur la réputation de l’organisme et elle peut inciter à adopter d’autres pratiques managériales ; un moyen d’attirer les jeunes dans les métiers de la fonction publique. En effet, « il faudrait publier les chiffres beaucoup plus vite car cela fait deux ans de décalage pour obtenir un bilan global de la situation, a renchéri Françoise Belet de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF). Elle estime qu’il faudrait aussi sanctionner un peu plus les employeurs publics et songer à créer un index de l’égalité pour les fonctions publiques. Il conviendrait aussi de « désagréger » les statistiques qui ne permettent pas une vision suffisamment fine de la situation et permettent ainsi de compenser les secteurs entre eux.

Administration moderne souhaite un portage politique plus fort qui pourrait s’inscrire dans un comité interministériel récurrent. L’enjeu : montrer à l’ensemble des échelons politiques et aux différents niveaux exécutifs de la fonction publique que la mixité et la parité sont l’opportunité de transformer la fonction publique pour être davantage au service des citoyens. La mixité pourrait aussi être intégrée dans les conventions d’objectifs et de moyens des grands établissements publics. Le champ des nominations équilibrées pourrait être élargi, à la magistrature et aux administrateurs des assemblées parlementaires notamment.

Françoise Belet a signalé que les collectivités peuvent désormais accéder à un appel à projets sur l’égalité professionnelle, financé par les pénalités auxquelles sont assujettis les employeurs publics, depuis une circulaire du 16 décembre 2021. Toutefois, il y avait un mois pour répondre à ce premier appel à projets, ce qui était trop court pour que la plupart des collectivités puissent y répondre. Françoise Belet a rappelé que l’obligation de publier des plans d’action (loi 2019) permet d’aller au-delà des seuls quotas et que le label égalité Afnor permet d’objectiver une situation. Dans ses propositions aux candidats à l’élection présidentielle, l’AATF demande notamment que l’obligation soit élargie à tous les postes de direction de la fonction publique territoriale (FPT), où elle concerne seulement les DGA, les DGS et les directeurs des services techniques. L’association souhaite également qu’elle soit étendue au seuil des collectivités de plus de 20 000 habitants*, et que des hauts fonctionnaires à l’égalité soient nommés dans les grandes collectivités.

Marie Gasnier

* Avec le seuil de 40 000 habitants, 353 collectivités étaient concernées en 2019

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