Décentralisation : le Sénat veut rendre aux élus locaux leur « pouvoir d’agir »

Publié le 17 juillet 2023 à 9h30 - par

Un État incarné par le préfet de département avec davantage de liberté laissée aux élus des territoires pour prendre en compte les spécificités locales. C’est l’une des quinze propositions émises par le Sénat pour revenir à la décentralisation, mise à mal ces dernières années.

Décentralisation : le Sénat veut rendre aux élus locaux leur "pouvoir d'agir"
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Depuis quinze ans, les collectivités constatent une recentralisation. Pour le président du Sénat, Gérard Larcher, il est temps de renouer avec l’esprit de liberté qui prévalait quand les premières lois de décentralisation ont été adoptées, afin de « répondre à la grave crise de gouvernance qui affecte notre pays ». Une gouvernance verticale, éloignée de la réalité quotidienne, également liée aux résultats insuffisants des grandes politiques publiques. Gérard Larcher, président du groupe de travail sur la décentralisation du Sénat, présentait à la presse le 6 juillet 2023 quinze propositions pour rendre aux élus locaux leur « pouvoir d’agir ».

Ces propositions serviront à préparer un « grand texte » sur la décentralisation, dont le Sénat attend que s’empare le Gouvernement. « On a eu les discours, on a les propositions, maintenant il faut les actes », estime Gérard Larcher. De toute façon il devra s’en emparer car le Sénat examinera des propositions de loi concrètes, présentées lors de la session parlementaire qui s’ouvrira en octobre. Je serai engagé sur ce point aux côtés des rapporteurs », a affirmé le président du Sénat qui plaide aussi pour le retour à une autonomie financière et fiscale des collectivités comme préalable à tout acte de décentralisation.

Car les élus ont aujourd’hui perdu leur pouvoir d’agir, pour trois raisons, selon François-Noël Buffet (sénateur du Rhône), rapporteur général du groupe de travail : le carcan normatif qui étouffe les élus et entraîne un sentiment de dessaisissement de leurs compétences, le système de financement des collectivités qui est à bout de souffle et enfin, le fait qu’elles n’ont plus en l’État le partenaire d’autrefois, perçu désormais « comme un simple censeur ».

Le premier axe du rapport vise « bien entendu le renforcement du pouvoir d’action des élus locaux ». « Il faut s’adapter au territoire et non, comme c’est la tendance actuelle, vouloir résoudre uniformément les problèmes », explique le rapporteur. Ce qui signifie passer à une intercommunalité de projets, plus souple dans la répartition des compétences (eau, assainissement, mobilités) et libérée des transferts obligatoires, avec un transfert « à la carte », des communes aux intercommunalités. Une coopération locale choisie doit faciliter, sur la base du volontariat, la création de communes nouvelles et de syndicats pour l’exercice des compétences du bloc local.

La décentralisation devra également s’appuyer sur un statut de l’élu attractif et protecteur. Le 5 juillet, devant la commission des lois du Sénat, la ministre déléguée chargée de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Dominique Faure, a déclaré qu’elle présentera au prochain congrès des maires un projet de statut, qu’elle élabore avec l’Association des Maires de France.

Afin de libérer l’initiative locale, les libertés locales devraient être inscrites dans la Constitution. Un autre axe consisterait à créer un État déconcentré qui s’adapte aux réalités du territoire pour retrouver un lien de confiance entre les préfets et les maires. « Un circuit court. Avec des sucres rapides dont nous avons besoin pour retrouver de l’efficacité », a précisé François-Noël Buffet. Le préfet de département deviendrait un interlocuteur unique, le nombre d’agences de l’État serait réduit, et les collectivités bénéficieraient d’un accompagnement sur mesure signant la fin des appels à projets.

Les finances locales devront aussi être réformées « de fond en comble » afin que les collectivités en retrouvent la maîtrise. Le co-rapporteur Jean-François Husson, sénateur de Meurthe-et-Moselle, a rappelé que les finances locales sont à bout de souffle, bien que les collectivités financent de nombreuses politiques publiques, en portant la majorité de l’investissement public (transition écologique, déplacements…) et donc sans alourdir la dette. Il conviendrait donc de rendre constitutionnels les éléments de la fiscalité locale. Les rapporteurs proposent des évaluations régulières des compensations « à l’euro près » liées aux transferts de compétences pour que, s’il y a une dérive (en positif ou en négatif), les effets puissent en être corrigés. « Il y a aujourd’hui un méli-mélo de dotations multiples avec des appels à projets qui sont des coups éphémères. Nous proposons quelque chose de plus simple et de plus abouti, au travers d’une dotation unique de l’État aux collectivités, sur la base d’un contrat et d’une pluri-annualité », a-t-il précisé.

Enfin, le dernier axe du rapport concerne la création d’outils pour développer le contrôle du Sénat sur l’application aux territoires des lois votées, et la sobriété normative du législateur.

Le sénateur de l’Ardèche, Mathieu Darnaud, co-rapporteur, insiste sur le fait qu’il n’y a plus le temps : « d’ores et déjà, l’État peut se saisir de nos propositions pour aller dans l’urgence répondre aux besoins des élus des territoires. Sinon, on va détricoter le fil de la confiance entre État et territoires », a-t-il conclu.

Martine Courgnaud – Del Ry


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