Les exclusions de plein droit des procédures de passation des marchés publics soumises à l’appréciation du Conseil constitutionnel

Publié le 11 février 2022 à 10h00 - par

Rares sont les questions prioritaires de constitutionnalité concernant le droit de la commande publique. La question soumise au Conseil constitutionnel était relative à la conformité aux droits et libertés de la Constitution aux dispositions législatives du Code portant exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession des entreprises ayant fait l’objet de condamnation.

Les exclusions de plein droit des procédures de passation des marchés publics soumises à l'appréciation du Conseil Constitutionnel

Selon le juge constitutionnel, seul le juge européen serait susceptible de se prononcer sur l’inconstitutionnalité du dispositif.

Exclusion des marchés publics ne vaut pas institution d’une peine

Les exclusions des procédures de passation « de plein droit » prévues aux articles L. 2141-1 à L. 2141-5 et L. 2341-3 du Code de la commande publique, s’agissant des marchés ou des contrats de concession, sont celles qui reposent sur la commission d’infractions ou de comportements qui ont été constatés par une personne extérieure à l’acheteur ou à l’autorité concédante, qui n’agissait pas elle-même en tant qu’acheteur ou autorité concédante et intervenus en dehors de la procédure de passation du marché public. Il s’agit des peines prononcées par un juge pénal, des défauts de régularité au regard des obligations sociales ou fiscales, constatés soit par un juge, soit par les administrations chargées du recouvrement des impôts, cotisations et contributions sociales.

Elles peuvent également concerner la violation des règles relatives à la lutte contre le travail illégal constatées par les services de l’inspection du travail. Selon les requérants, en prévoyant l’exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession de toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation prononcée par un jugement définitif pour certaines infractions, ces dispositions institueraient une peine. Or, elles ne prévoiraient ni que cette peine doit être prononcée par la juridiction de jugement, ni la possibilité pour cette juridiction de la moduler ou celle, pour la personne condamnée, d’en obtenir le relèvement. Il en résulterait une méconnaissance des principes de nécessité et d’individualisation des peines ainsi que du droit à un recours juridictionnel effectif. Telle n’est pas la position du Conseil constitutionnel. En effet, « les dispositions contestées, qui n’ont pas pour objet de punir les opérateurs économiques mais d’assurer l’efficacité de la commande publique et le bon usage des deniers publics, n’instituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition. D’autre part, les principes de nécessité et d’individualisation des peines, qui sont protégés par le droit de l’Union européenne, ne constituent pas des règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France ».

Pas lieu à statuer selon le Conseil constitutionnel

En l’absence de mise en cause d’un principe ou d’une règle europénne, le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d’une directive ou des dispositions d’un règlement de l’Union européenne. Dans cette hypothèse, il n’appartient qu’au juge de l’Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par cette directive ou ce règlement des droits fondamentaux garantis par le traité sur l’Union européenne. En l’état de la réglementation nationale, les dispositions contestées du Code de la commande publique visent à assurer la transposition des directives européennes en prévoyant que sont exclues respectivement de la procédure de passation des marchés et de la procédure de passation des contrats de concession les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation définitive pour l’une des infractions que ces articles visent. Ces dispositions se bornent ainsi à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de ces directives. Par suite, il n’y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

Dominique Niay

Texte de référence : Décision n° 2021-966 QPC du 28 janvier 2022