Analyse des spécialistes / Fonction publique

Vers une pérennisation de la rupture conventionnelle dans la fonction publique ?

Publié le 1 octobre 2025 à 11h20 - par

La rupture conventionnelle a été introduite à titre expérimental par l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Cette expérimentation est effective du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025.

Vers une pérennisation de la rupture conventionnelle dans la fonction publique ?
© Par Richard Villalon - stock.adobe.com

Les fonctionnaires titulaires, les agents contractuels en CDI de droit public, et les praticiens hospitaliers en CDI, dans les trois versants (État, Territoriale, Hospitalière) sont éligibles à la rupture conventionnelle. Les fonctionnaires stagiaires, les agents détachés sur contrat, et les fonctionnaires ayant atteint l’âge et la durée d’assurance requis pour une retraite à taux plein sont exclus du dispositif. La rupture conventionnelle est un mode de cessation de fonctions qui nécessite le commun accord de l’administration et de l’agent. Elle ne constitue pas un droit pour l’agent qui la sollicite. Elle entraîne le versement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC) et ouvre droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE). Cette indemnité est négociée entre un plancher et un plafond, basé sur la rémunération brute annuelle de l’année civile précédente. L’agent est tenu de rembourser l’ISRC s’il est recruté comme agent public dans le même versant de la fonction publique dans les six années suivant la rupture conventionnelle.

1. Quel bilan de la rupture conventionnelle dans la fonction publique ?

Dans la fonction publique d’État (FPE), 5 786 ruptures conventionnelles ont été accordées aux fonctionnaires jusqu’au 1er septembre 20241, contre 3 731 dans la fonction publique territoriale jusqu’en 20222 et 3 071 dans la fonction publique hospitalière jusqu’en 20223.

Ce rapport souffre d’un manque d’exhaustivité des chiffres et ne reflète que partiellement la réalité des ruptures conventionnelles. Toutefois, il a le mérite de faire également un bilan qualitatif et de souligner des perspectives. Le rapport rappelle les raisons des refus de rupture conventionnelle : le plus fréquent est l’absence de consensus entre les deux parties, souvent lié à un désaccord sur le montant de l’ISRC. Viennent ensuite le caractère inabouti ou l’absence de projet professionnel de l’agent, et l’intérêt du service qui prime, notamment lorsque le poste est difficile à pourvoir (métiers en tension, compétences rares) ou pour assurer la continuité de l’activité. Enfin, la proximité de la retraite de l’agent est également un motif de rejet. Les employeurs publics sont particulièrement attentifs aux demandes émanant d’agents proches de la retraite, car elles peuvent relever d’un effet d’aubaine : l’agent cherche alors à cumuler une indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC) conséquente et l’ARE jusqu’à l’ouverture de ses droits à pension. Ces demandes sont majoritairement rejetées. Les gestionnaires soulignent cependant la difficulté à distinguer cet effet d’aubaine du phénomène réel d’usure au travail, puisque de nombreuses requêtes sont formulées par des agents de plus de 50 ans4.

L’expérimentation de la rupture conventionnelle a rencontré un « succès limité mais réel » chez les fonctionnaires. Le dispositif est apprécié pour sa souplesse et son caractère amiable, permettant d’éviter des situations contentieuses5.

2. Quelles perspectives ?

Le gouvernement démissionnaire s’est positionné en faveur d’une pérennisation de la rupture conventionnelle en soulignant qu’ : « il ressort que l’expérimentation de la rupture conventionnelle pour les fonctionnaires a rencontré un succès limité mais réel. Cette expérimentation a permis d’éprouver le dispositif et d’identifier ses avantages, en particulier sa souplesse et son caractère amiable, en complément des autres modalités de cessation de fonctions existantes et contribue à éviter des situations contentieuses. À la différence de la démission ou de la disponibilité, il ouvre droit pour l’agent à l’allocation d’aide au retour à l’emploi et permet de l’accompagner dans son projet professionnel. Enfin, il est susceptible d’apporter une solution à des situations RH complexes qui ne trouvent pas d’issue et sont lourdes à gérer pour les employeurs publics. Aussi, compte-tenu de l’évaluation remise au Parlement, la pérennisation par voie législative de ce dispositif est à présent envisagée. La mise en œuvre de plusieurs pistes d’améliorations, identifiées dans le rapport, par voie règlementaire ou en gestion, sera également étudiée afin d’améliorer le dispositif »6.

Cette pérennisation reste quand même surprenante car les chiffres du rapport précité montrent quand même que la rupture conventionnelle est très souvent refusée quand elle est proposée par les agents. De plus, le rapport ne le montre pas, mais elle n’est pas toujours bien vécue par les agents quand elle leur est proposée par l’administration. Les corrections du dispositif devront aussi tenir compte de cela afin de favoriser aussi la paix.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Bilan de l’expérimentation de la rupture conventionnelle pour les fonctionnaires, décembre 2024, APFF2430375X, p. 11.

2. Ibidem, pp 15 et 16.

3. Ibidem p. 18.

4. Ibidem p. 19.

5. Ibidem p. 22.

6. Réponse publiée au Journal Officiel du 5 août 2025, page 7 001.

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