Frédéric Jalier : “Un impact positif des JOP sur les politiques publiques et les directions qui les portent”

Publiée le 2 juillet 2024 à 8h30 - par

Après avoir travaillé dans le privé, Frédéric Jalier, DGA Pilotage des Ressources de Saint-Denis, est dans la territoriale depuis douze ans. Une réponse à son « attente d'utilité et de sens » qu’il a trouvée à Saint-Denis avec l’ampleur des transformations et des améliorations à mener. Sa méthode : privilégier une administration de projets à une administration de gestion.
Frédéric Jalier : “Un impact positif des JOP sur les politiques publiques et les directions qui les portent”

Crédit Photo © WEKA - Nicolas Frank

Vous avez fait une partie de votre carrière dans le privé. Pourquoi avoir rejoint la territoriale et Saint-Denis ?

J’ai effectivement d’abord travaillé dans une grande entreprise puis en cabinet de conseil, où j’avais l’opportunité de devenir associé. Je me suis alors demandé à quoi je voulais consacrer mon temps et mon énergie, où mes compétences seraient les plus utiles. Le service public, et plus particulièrement le service public local de proximité, m’ont semblé être le lieu où trouver la réponse à cette attente d’utilité et de sens. Je n’ai jamais regretté ce choix fait il y a douze ans, qui m’a conduit à travailler sur le pilotage et l’amélioration d’organisations, à chercher de nouvelles ressources financières ou humaines. Et cela pour améliorer le service public plutôt que la rentabilité financière d’une entreprise ou celle de ses actionnaires et gagner des parts de marché.

J’ai aussi très vite trouvé des valeurs humaines et le sens du collectif. J’apprécie particulièrement d’avoir chaque jour des challenges nouveaux à relever, bien loin de l’image véhiculée d’un service public répétitif et ronronnant. Être au service d’une cause plus grande tous les jours, participer à la réalisation de missions de service public et d’intérêt général, c’est avoir, même indirectement sur des fonctions ressources, un véritable impact sur la vie des habitants d’un territoire.

Pourquoi Saint-Denis, la plus grande ville de la Seine-Saint-Denis ?

Parce qu’au-delà de mon attachement à ce territoire et du sens du service public, c’est vraiment le département en France dans lequel l’action publique peut être la plus bénéfique et la plus impactante pour des habitants dont les besoins sont considérables. Ce qui m’a aussi attiré est l’ambition du projet de la nouvelle municipalité arrivée en 2020 et portée par Mathieu Hanotin. L’ambition de construire une ville équilibrée, de changer son image, de la transformer tant d’un point de vue urbain que dans la nature des services à proposer aux habitants.

Quelle était la commande à votre arrivée ?

Pour avoir échangé avec le maire au moment où j’ai candidaté, c’est l’immensité des sujets à traiter, des transformations et des améliorations à mener qui m’a intéressé. Une volonté affirmée d’améliorer l’existant en permanence grâce une administration de projets plutôt qu’une administration de gestion. Il s’agissait donc d’accompagner, du point de vue des ressources, la réalisation des engagements municipaux et de participer à leur mise en œuvre, comme par exemple le développement de la police municipale, la mise en place de la cantine gratuite ou le développement de la lutte contre l’habitat indigne.

D’autres réformes RH majeures avaient été abordées par le maire dans son programme (c’est assez rare pour le souligner !), à savoir la mise en place des 1 607 heures et la modernisation du régime indemnitaire. On imagine les attentes sur ce qui allait être mis en place !

Cela a-t-il signifié un nouveau mode de fonctionnement ?

En effet, il fallait structurer le fonctionnement des services ressources – RH, achats, juridiques, finances – avec la nécessité d’identifier des marges de manœuvre financières, à la fois pour accompagner le développement des nouvelles politiques publiques que la municipalité souhaitait porter mais, aussi, la montée en charge sur investissement, avec une volonté d’augmenter notre capacité d’investissement de 25 % sur la durée du mandat.

Cela impliquait d’identifier toutes les sources d’amélioration possibles et d’épargne brute potentielles. Si la conjoncture économique, notamment l’inflation, ne nous a pas permis d’augmenter notre capacité à investir, nous nous sommes néanmoins préparés très tôt à dégager de nouveaux moyens.

Il a fallu également recruter, mais moins pour augmenter le nombre d’agents que pour changer les approches et les compétences. Classiquement, comme au début de chaque mandat, et a fortiori quand il y a une alternance politique, un certain nombre d’agents ne se sont pas reconnus dans le nouveau projet et d’autres ont choisi ce moment pour prendre une autre voie, ce qui est le cas dans toutes les collectivités. Cela nous a donc permis d’aller chercher d’autres compétences, avec des expériences différentes issues d’autres collectivités ayant pu déjà mettre en place ces logiques d’amélioration de la gestion.

En quoi l’accueil des JOP a-t-il impacté l’organisation et les équipes et cela, sur quelles politiques publiques ?

Je distinguerais deux catégories. D’une part, les équipes directement concernées, comme celles ayant déjà travaillé sur de grands événements, la Coupe du monde de rugby par exemple, comme la police municipale ou la direction des sports. Elles ont eu le temps de se préparer et faire en sorte que leur capacité d’agir soit prête pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Une montée en charge progressive au cours de laquelle on s’adapte en développant la capacité d’organiser de grands événements, de sécuriser des dispositifs, d’accueillir du public étranger, de mettre en place des dispositifs d’ambassadeurs ou d’animer auprès de la population des ateliers afin que cela prenne du sens et fasse vivre le territoire. Ces services-là ont vraiment été dans une logique d’adaptation progressive.

La seconde catégorie se compose des directions pour lesquelles la question a plutôt été de se dire comment participer à un si bel enjeu, à l’aune de nos activités, même si nous ne sommes qu’indirectement concernés. Par exemple, à la DRH, nous nous sommes demandé comment la question du sport – la performance et l’esprit d’équipe – pouvait avoir un retentissement sur nos pratiques managériales. L’occasion également, dans une logique de formation, de s’appuyer sur des sportifs pour développer la pratique sportive chez des agents en lien avec les questions de santé.

D’autres directions, comme celles concernées par les commerces de la ville, ont travaillé sur l’accueil des nouveaux clients potentiels que les JOP allaient apporter aux commerçants, en améliorant leur visibilité et leur accessibilité. Nous avons ainsi tenté d’adapter les missions des services afin que les JOP aient un impact positif sur les politiques publiques et les directions qui les portent.

Comment concilier des équipes et un collectif, à la fois dans la gestion du quotidien et dans le développement, le projet et l’événement ? Sur quels leviers vous appuyez-vous ?

Vous abordez là l’éternel dilemme : « pendant les travaux, la vente continue ! ». Nous essayons tous les jours de trouver la réponse à cette question sans, je l’avoue, être forcément certain de l’avoir trouvée. Il me semble très important de bien partager le portefeuille de projets, ce qui est prévu, les contraintes et de mettre en visibilité tout ce qui est déjà fait pour qu’il n’y ait pas d’attente ou d’absence de réponse. Il est aussi indispensable d’avoir un échange régulier sur les priorités. Leur évaluation doit toujours pouvoir être réinterrogée.

J’essaye également de guider les directions vers une simplification des process. Par exemple, nul besoin le plus souvent d’une note de dix pages, un mail bien structuré étant largement suffisant. Plutôt qu’un benchmark sur les dix dernières années, quelques éléments de comparaison suffisent. Le mieux est parfois l’ennemi du bien !

Dans la même veine, je défends l’idée qu’une avancée, même modeste, constitue déjà une avancée. Essayons de faire un premier pas, puis un autre. Et privilégions la posture avant le résultat, ce qui n’est pas évident tant nous avons tous été formatés dans une logique performative. L’important est de redonner un peu de souffle et d’espace aux directions, et qu’elles acceptent de se faire aider si besoin.

J’insiste aussi beaucoup sur le fait d’aller voir ce qui se fait ailleurs, d’éviter de réinventer ce qui marche dans d’autres organisations, une posture m’ayant toujours aidé notamment dans les échanges avec mes collègues de l’association des DRH. De la même manière, notre expérience intéresse d’autres collectivités, bien entendu en termes d’organisation de grands événements mais aussi pour notre politique d’achats sociologiquement et écologiquement responsables, la cantine gratuite, le développement du restaurant responsable, les trois menus végétariens…

Parmi les grands projets figure celui de création de la commune nouvelle. Cela suscite-t-il un émoi particulier dans les équipes ?

Disons que cela suscite des questions ! Nous avons organisé plusieurs réunions d’information avec les agents et beaucoup de questions sur le « comment » reviennent : comment cela va-t-il se passer dans ma direction ? Le circuit de demande de logement sera-t-il différent ? Comment va évoluer la réception du courrier ? Comment le conservatoire va-t-il fonctionner ? Cela montre que les agents se sont déjà projetés dans cette commune nouvelle et cherchent à contribuer à sa concrétisation.

Nous devons aussi faire face à des interrogations, légitimes, comme à des inquiétudes : où vais-je travailler demain ? Qui sera mon responsable ? Nous essayons d’accompagner chacune et chacun au mieux, mais la meilleure réponse reste souvent que les agents se rencontrent pour éviter les représentations négatives et les a priori.

Pour revenir sur les JOP, nous allons organiser les olympiades du personnel avec des épreuves plus sportives que compétitives. Organisées et animées par les animateurs sportifs des deux villes, elles se feront par équipes et il y aura un bonus pour les équipes mixtes Pierrefitte/Saint-Denis.

Propos recueillis par Hugues Perinel

Une administration qui encourage l’initiative

« À Saint-Denis il existe véritablement un foisonnement d’acteurs, de volontés et d’opportunités. Il y a toujours des besoins à satisfaire et une administration dotée d’une vraie capacité d’initiative. Quiconque veut s’emparer d’un sujet, s’il correspond à une orientation de la municipalité, a la possibilité de le faire. On peut vraiment parler d’une administration de projet ».