L’article 1792-7 du Code civil n’est pas applicable à la garantie décennale à laquelle sont tenus les constructeurs au titre de marchés publics de travaux

Publié le 16 août 2023 à 10h35 - par

Dans une décision du 5 juin 2023, le Conseil d’État estime inapplicable aux marchés publics de travaux l’article 1792-7 du Code civil qui exclut du régime de la garantie décennale les équipements professionnels, renforçant ainsi le caractère exorbitant des marchés de travaux publics.

L'article 1792-7 du Code civil n'est pas applicable à la garantie décennale à laquelle sont tenus les constructeurs au titre de marchés publics de travaux
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Un régime exorbitant de droit commun qui s’applique aux marchés de travaux publics

En l’espèce, un établissement public administratif demandait au juge administratif de condamner une société à l’indemniser au titre des travaux de remplacement des groupes de production de froid défectueux ainsi qu’à une somme en remboursement des dépenses qu’elle avait dû exposer pour la location et l’installation de groupes de remplacement. En matière de garanties des constructeurs, notamment en ce qui concerne la garantie décennale, le juge administratif opère tantôt par application directe du Code civil, tantôt par un renvoi aux principes dont il s’inspire. Il s’aligne le plus souvent sur l’interprétation retenue par le juge judiciaire. Par exemple, pour la qualification de constructeur au sens de l’article 1792-1 du Code civil, à l’encontre duquel le maître d’ouvrage peut engager une action en responsabilité décennale, le juge administratif recherche également la présence d’un contrat de louage pour caractériser la qualité de constructeur. La Haute assemblée développe cependant dans certains cas, compte tenu du caractère exorbitant du droit administratif, sa propre ligne jurisprudentielle, comme dans la présente affaire.

Les dispositions du Code civil ne sont pas applicables à la garantie décennale à laquelle sont tenus les constructeurs au titre de marchés publics de travaux

Pour rappel, la garantie décennale couvre les équipements indissociables de l’ouvrage (article 1792-2 du Code civil) ainsi que, par extension, les équipements dissociables dans l’hypothèse où ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination. Cependant, l’article 1792-7 du Code civil exclut « des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage ». Lorsqu’il s’agit de travaux publics, et contrairement aux travaux réalisés par des personnes privées, ces travaux portent nécessairement sur des ouvrages dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle, à savoir l’exercice par les personnes publiques de leurs missions de service public ou d’intérêt général. Partant de ce constat et afin de ne pas exclure par principe toute garantie décennale pour des équipements réalisés pour répondre aux besoins d’une personne publique, le Conseil d’État a estimé inopérant le moyen selon lequel la garantie décennale devrait être écartée pour des équipements dits professionnels au sens et pour l’application de l’article 1792-7 du Code civil de sorte que cet article ne peut pas être utilement invoqué par un cocontractant de l’administration pour se décharger de sa responsabilité décennale.

Texte de référence : Conseil d’État, 7e – 2e chambres réunies, 5 juin 2023, n° 461341