Tropic ou Tarn-et-Garonne, telle est la question !

Publié le 25 février 2016 à 15h15 - par

Les concurrents évincés sont jugés selon l’arrêt Tropic et non l’arrêt Tarn-et Garonne pour les contrats conclus avant le 4 avril 2014.

En principe, la jurisprudence, par nature, est rétroactive

La jurisprudence est par nature rétroactive. Elle s’incorpore à la loi, elle l’interprète et ne s’en distingue donc pas. Le juge ne peut pas créer de normes générales et impersonnelles. La jurisprudence, c’est simplement la loi, telle qu’elle doit être comprise ; le juge ayant en définitive le monopole de l’interprétation conforme de la loi.

Ce principe a connu une dérogation, limitée il est vrai à une hypothèse où le juge a créé une voie de recours, en 2007, par l’arrêt Tropic Travaux signalisation. De même, en 2014, le Conseil d’État, à  l’occasion de l’extension de cette jurisprudence, a indiqué que les règles de l’arrêt Tarn-et-Garonne ne seraient applicables qu’à compter du 4 avril 2016. Depuis lors, les tiers au contrat voient leurs capacités de recours limitées, et le recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat, interdit.

La question s’est posée de savoir si les concurrents évincés, qui sont des tiers au contrat, devaient se voir appliquer l’arrêt Tarn-et-Garonne avant même le 4 avril 2016, dans la mesure où leur régime juridique avait déjà connu une restriction en 2007, par l’arrêt Tropic. L’enjeu est important car l’arrêt de 2014 a encore restreint les possibilités contentieuses, notamment en ce qui concerne les moyens invocables.

L’arrêt Tarn-et-Garonne n’est pas partiellement rétroactif

À vrai dire, la solution semblait s’imposer à la seule lecture de l’arrêt de 2014. Et la Cour administrative d’appel de Marseille en avait jugé ainsi par un arrêt du mois de mai 2014. Mais elle ne devait pas être si évidente que cela, puisque le Conseil d’État a souhaité trancher la question dans sa formation très solennelle de la section du contentieux. Il est probable que la mobilisation de cette formation révèle que des points de vue divergents se sont exprimés dans cette juridiction.

Dans sa décision du 5 février 2016, syndicat mixte des transports en commun Hérault Transport, n° 383149 relève donc que l’arrêt Tarn-et-Garonne « a jugé que [ce] recours… ne trouve à s’appliquer, selon les modalités précitées et quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers, qu’à l’encontre des contrats signés à compter de la lecture de cette même décision ; qu’il en résulte que le recours de la société Voyage Guirette, formé le 7 août 2009 devant le tribunal administratif de Montpellier, doit être apprécié au regard des règles applicables avant ladite décision, qui permettaient à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure un contrat administratif d’invoquer tout moyen à l’appui de son recours contre le contrat ».

La période d’incertitude n’aura donc pas trop duré. Pour les contrats conclus avant le 4 avril 2014, les concurrents évincés peuvent encore invoquer tous moyens.

Laurent Marcovici


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