Usure et départs en retraite : les fonctionnaires vieillissent, leurs employeurs tâtonnent

Publié le 10 janvier 2024 à 9h00 - par

Des fonctionnaires plus âgés et plus difficiles à remplacer : un an après la réforme des retraites qui a allongé les carrières de deux ans, le vieillissement des agents, en particulier ceux qui exercent les métiers les plus pénibles, pose un défi majeur aux employeurs publics.

Usure et départs en retraite : les fonctionnaires vieillissent, leurs employeurs tâtonnent
© Par Olivier Le Moal - stock.adobe.com

Selon le dernier rapport annuel sur l’état de la fonction publique, publié mi-décembre, 36 % des 5,7 millions d’agents publics avaient plus de 50 ans en 2021. Dans les collectivités, ce pourcentage grimpe même à 43 %, nettement au-dessus des 31 % de salariés du privé quinquagénaires voire sexagénaires.

La tendance au vieillissement des effectifs est certes amorcée depuis longtemps, souligne l’administration. Mais elle s’accélère : « Entre 2011 et 2021, le nombre d’agents de 50 ans ou plus a augmenté de 27,9 % », détaille-t-elle. Plus expérimentés, les agents âgés sont aussi plus souvent absents pour raisons de santé que les jeunes fonctionnaires, en particulier dans les collectivités où beaucoup exercent des métiers physiquement usants (entretien des espaces verts, police municipale…).

Chaque année « plus de 52 000 » agents des collectivités font l’objet de procédures « liées à l’inaptitude ou l’invalidité », indique un rapport récent remis au gouvernement.

« Or ces difficultés, qui ont un coût financier et humain, risquent de s’amplifier, du fait de l’allongement des carrières provoqué par la réforme des retraites », poursuivent ses auteurs, chargés de plancher sur les contours d’un fonds de prévention de l’usure professionnelle dans les collectivités.

Ce fonds, annoncé par le gouvernement en marge de la réforme des retraites début 2023, doit renforcer l’accompagnement des agents les plus éprouvés par leur travail. Son montant précis (de quelques dizaines à 100 millions d’euros) et la répartition des contributions financières entre les collectivités et l’État restent toutefois à définir.

En attendant, certains employeurs territoriaux agissent donc seuls.

« Point de rupture »

Le département des Côtes d’Armor fait par exemple appel à des ergonomes qui accompagnent les agents « sur des postes pénibles », selon un récent rapport de la Banque postale et des élèves de l’Institut national des études territoriales (Inet).

Mais parfois, la prévention ne suffit pas et un changement de poste devient impératif. Pour les agents concernés, la métropole de Lyon a créé « une école interne au service des évolutions professionnelles », indique encore l’étude. Les éboueurs peuvent s’y former à la conduite de véhicules, les agents du bâtiment à des fonctions d’encadrement…

Le gouvernement a par ailleurs rétabli un système de retraite progressive dans la fonction publique, qui doit permettre à l’ensemble des agents de réduire leur temps de travail et de percevoir une partie de leur pension à compter de deux ans avant leur départ en retraite définitif.

En plus de lutter contre l’usure professionnelle, les employeurs publics doivent aussi remplacer leurs agents en fin de carrière, de plus en plus nombreux.

L’année 2022 a constitué un « point de rupture » s’agissant des départs en retraite, selon l’expression de l’administration : 162 000 agents de l’État, des hôpitaux et des collectivités sont partis, contre environ 149 000 départs annuels les cinq années précédentes.

Or ces départs en retraite « vont encore s’accentuer dans les années à venir », avertit François Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et spécialiste du marché de l’emploi local. Cela a « des impacts directs sur le nombre de recrutements auxquels doivent procéder les collectivités, dans un contexte où elles peinent à le faire ». Les deux tiers des employeurs locaux peinent à recruter dans au moins un de leurs métiers (sport, éducation…).

Ce constat d’une perte d’attractivité de la fonction publique peut être généralisé à tout le secteur public. Dans la fonction publique d’État, le nombre de candidats aux concours externes a été divisé par plus de deux entre 2007 et 2021, passant de 12 à 5,6 prétendants pour un poste.

Afin d’attirer des candidats et de susciter des vocations, le gouvernement prépare une réforme pour 2024, bien conscient que la sécurité de l’emploi n’est plus un argument suffisant pour recruter des fonctionnaires.

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