Le Syndicat SUD CT 31 a contesté une note de service non datée ni signée du directeur général des services de la commune de Toulouse. Cette note imposait non seulement un délai de prévenance de quarante-huit heures aux agents grévistes de « certains services », mais également l’obligation, pour les agents concernés, d’exercer leur droit de grève dès la prise de service et jusqu’à son terme, en raison du risque de désordre manifeste. Le syndicat a demandé le retrait de cette note par un recours gracieux, rejeté par le maire le 31 mai 2021. Le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande du syndicat comme irrecevable par une ordonnance du 15 mars 2023. Le syndicat a fait appel de cette ordonnance. Dans son arrêt, la Cour administrative d’appel de Toulouse a jugé que le syndicat est fondé à demander l’annulation de la note de service du directeur général des services et de la décision de rejet du recours gracieux du maire.
1. Une note de service faisant grief
En principe, les actes purement informatifs ne sont pas susceptibles de recours devant le juge administratif. Le juge a estimé que la note de service, bien qu’étant un document de portée générale et informative, est susceptible de recours pour excès de pouvoir si elle produit des effets juridiques propres ou a des effets notables sur les droits des agents1. Le simple fait que la note contienne une interprétation du droit positif qui est de nature à dissuader les agents d’exercer leur droit de grève lui confère la nature d’un acte faisant grief et non d’une simple mesure informative2. La Cour a jugé que l’interprétation faite par la note était susceptible de dissuader les agents d’exercer leur droit de grève. Cela constituait ainsi un acte faisant grief. Le syndicat était donc fondé à contester l’ordonnance qui a rejeté sa demande comme irrecevable.
2. Des restrictions encadrées du droit de grève
La CAA s’est prononcé sur le sens de l’article 7-2 de la loi n° 84-53 (le droit de grève est désormais codifié aux articles L. 114-1 et suivants).
Premièrement, l’obligation de déclaration préalable de 48h (délai de prévenance) ne s’applique uniquement qu’aux agents considérés comme « indispensables » à la continuité du service public. La désignation des agents « indispensables » doit être faite préalablement par un accord syndical ou, à défaut, par une délibération de la collectivité. En l’absence de cet accord ou de cette délibération, la collectivité ne peut pas imposer le délai de prévenance, même aux agents « dont les métiers l’exigent »3.
Deuxièmement, la faculté d’imposer aux agents de faire grève dès la prise de service et jusqu’à son terme n’est possible que s’il existe un risque de désordre manifeste dans l’exécution du service et uniquement aux agents qui ont déclaré leur intention de faire grève4.
Enfin, l’autorité territoriale ne peut pas imposer cette restriction de manière générale et préalable à tous les agents d’un service (par une note de service), tant qu’ils n’ont pas encore déclaré leur intention de participer à la grève5.
Cet arrêt peut encore être remis en cause par le Conseil d’État. Mais il démontre que le droit souple se durcit et que tout document interne, dès lors qu’il fait grief à des droits d’agents publics, est susceptible de recours pour excès de pouvoir.
Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public
1. Consid. 2, 4 et 7.
2. Consid. 7.
3. Consid. 10.
4. Consid. 11.
5. Consid. 11.
