Le développement de nombreux outils de sourcing témoigne de la réalité du marché créé par cette consécration. Toutefois, et nous le savons tous, aucun outil ne permet la professionnalisation d’une pratique mais la professionnalisation d’une pratique nécessite souvent un outil performant.
Le sourcing, c’est quoi ?
Le mot sourcing est employé dans le monde des affaires pour qualifier l’acte qui vise à réduire le coût général des achats. Cette expression anglo-saxonne (recherche d’une source) est utilisée pour désigner l’action de recherche, localisation et évaluation d’un fournisseur ad hoc, afin de répondre à un besoin identifié en matière de biens ou de services formulé par une entreprise ou par un service ou un département de cette entreprise. Il permet notamment :
- D’identifier et développer de nouveaux fournisseurs à l’international.
- D’élargir le panel des fournisseurs aptes pour un marché.
- De « vendre le besoin », « Marketing de l’achat ».
- D’augmenter la concurrence dans le panel des fournisseurs existants.
- De comparer continuellement le prix et la qualité sur le marché mondial.
- La destruction ou prévention des monopoles.
- La découverte d’innovations apportées par de nouveaux fournisseurs.
Le sourcing peut aussi consister à laisser une entreprise autre que la sienne gérer la partie achat dans un pays autre que le sien, ainsi que toutes les activités qui en découlent (négociation des prix, suivi et contrôle de la marchandise, logistique de transport et de dédouanement, gestion du service après-vente).
Une consécration juridique, oui mais… !
Le concept de sourcing, bien qu’existant déjà avant la réforme de 2016, a été consacré par l’article 4 du décret du 25 mars 2016 qui affirme que « l’acheteur peut effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de son projet et de ses exigences ».
Cette intégration au cœur des textes juridiques vise à consacrer une pratique existante, mais avant tout à accroître la pertinence des cahiers des charges, leur adaptation à l’environnement industriel et économique et donc à une diminution des consultations sans suites ou déclarées infructueuses, véritable fléau pour les PME.
Cette consécration, et c’est en ce sens une première interrogation, a été davantage réalisée au profit des entreprises qu’au profit des acheteurs publics. Des acheteurs publics qui commencent à considérer que cette consécration n’est peut-être in fine pas une si bonne idée. En effet, si la pratique est historique, elle n’a jamais vraiment fait l’objet d’une réelle professionnalisation reposant sur des processus, des pratiques encadrées, une traçabilité. Une professionnalisation devenue désormais obligatoire au risque d’exposer l’acheteur public à des risques de contentieux et des risques juridiques dont le plus important est le délit de favoritisme régi par l’article 432-14 du Code pénal.
L’aide apportée par de nouveaux outils digitaux
Les acheteurs peuvent toutefois se réjouir de la concordance entre consécration juridique et arrivée sur le marché d’outils digitaux à forte valeur ajoutée. En effet, un certain nombre d’outils proposés sur le marché ou en passe de l’être permettent de répondre aux enjeux ou du moins de les accompagner au mieux. Tout comme un excellent bloc opératoire n’est seul garant de la performance d’une intervention chirurgicale, un outil de sourcing ne peut être considéré comme un outil de professionnalisation des achats. L’acquisition d’une solution doit donc être précédée d’une bonne définition de sa stratégie achat et d’un processus de sourcing adapté aux enjeux de l’organisation concernée. L’outil de sourcing doit obligatoirement proposer des fonctionnalités permettant d’accompagner une stratégie d’achat. Un outil performant doit permettre des recherches avancées en matière de situation géographique, statut (TPE, PME, ETI, Grande entreprise) ou encore en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises potentielles « sourcées ».
Un outil exhaustif et impartial ?
Afin d’assurer une parfaite égalité de traitement, il est essentiel pour l’acheteur de s’assurer que le ou les outils de sourcing mis en œuvre lui assurent une certaine exhaustivité et impartialité dans le nombre et la nature des entreprises proposées à l’issue d’une recherche. Ces enjeux obligent donc l’éditeur à s’appuyer sur une base de données qui ne peut ainsi résulter uniquement d’une démarche proactive des acteurs économiques.
L’éditeur devra être également proactif et s’interfacer avec des bases de données intégrant l’ensemble des opérateurs économiques intervenant à minima sur le territoire national. Quoiqu’il en soit, l’article 105, II, 5° du décret relatif au rapport de présentation qui doit accompagner la procédure de passation d’un marché dont la valeur dépasse les seuils européens, prévoit que ce rapport doit contenir « la description des mesures appropriées prises par le pouvoir adjudicateur pour s’assurer que la concurrence n’a pas été faussée par des études et échanges préalables avec des opérateurs économiques ». Une fois déterminées ces mesures de compensation devront donc être consignées dans le rapport de présentation par l’acheteur, lequel devra veiller à justifier chacune d’elles afin d’écarter les suspicions de distorsion de concurrence qui pourraient motiver l’introduction d’un recours.
Un outil financé par l’acheteur public ?
Aucune solution de sourcing ne peut être gratuite pour l’acheteur public car cela sous-entendrait qu’il est financé par les entreprises et/ou par la publicité. Or, cette approche conduirait naturellement à engendrer un défaut d’exhaustivité et d’impartialité de la base de données. L’acheteur public doit donc obligatoirement financer l’outil pour en assurer une certaine objectivité et pérennité. S’agissant d’un outil majeur au même titre que les outils rédactionnels éventuels et le célèbre profil acheteur, aucune approche trop restrictive économiquement n’est suggérée au risque de fragiliser juridiquement la procédure de marché public.
Un outil garantissant une parfaite traçabilité
La performance des possibilités en matière de traçabilité et de de pérennité de l’outil de sourcing mis en œuvre est un élément majeur à étudier lors du choix de ce dernier. En effet, l’acheteur doit être en mesure de démontrer que la mise en œuvre des opérations de sourcing n’a pas eu d’impact sur les trois grands principes de la commande publique. Cette traçabilité est d’autant plus importante lors de la conduite de rencontres ou réunions avec les fournisseurs potentiels. L’enregistrement de la date, durée, personnes et fonctions présentes ainsi que des principales thématiques évoquées semblent être un minimum à respecter au regard des processus déjà mis en œuvre au sein de certains opérateurs de mutualisation nationaux. À noter que l’enregistrement et la conservation de ces informations doivent se faire en conformité avec les récentes obligations imposées par le RGPD. L’acheteur doit donc s’assurer de la parfaite intégration de ces exigences par le prestataire ou éditeur de la solution.
Les enjeux de déontologie, éthique
Un outil de sourcing ne peut garantir à lui seul déontologie et éthique de l’acheteur public. Il est ainsi vivement conseillé aux organisations achats de rapidement mettre en œuvre des chartes de bonnes pratiques et plus globalement des chartes en matière d’éthique et de déontologie à l’image par exemple de la réalisation du département du Gard.
Les fournisseurs doivent également prendre quelques précautions
Eu égard à l’importance du risque de divulgation du secret des affaires dont la démarche de sourcing est porteuse, les opérateurs sourcés doivent veiller à adopter une attitude préventive. Celle-ci porte notamment sur :
- Le contenu des éléments écrits transmis à l’acheteur qui idéalement ne doivent pas permettre l’identification d’un procédé technique précis ou d’une donnée industrielle et commerciale déterminée relevant du secret des affaires.
- L’insertion d’une clause de confidentialité dans les documents élaborés lors de l’opération de sourcing, laquelle indiquerait que les travaux exécutés contiennent des informations couvertes par le secret, dont l’opérateur refuse la réutilisation libre ou la diffusion publique, tout en se réservant la possibilité de donner une telle autorisation.
En conclusion
L’acquisition d’un outil de sourcing performant en achat public est une approche indispensable que chaque organisation achat doit désormais intégrer. Les enjeux évoqués tant en termes juridiques que techniques ne peuvent être portés par des outils de type moteur de recherche, base de données ou tableur. Mais aucun outil du marché, si performant soit-il, ne pourra perdurer par la seule réponse aux enjeux juridiques (exhaustivité des entreprises, traçabilité des étapes de sourcing, gestion des données à caractère personnelles). En effet, le sourcing est avant tout une pratique visant à accroître la performance achat.
Ainsi ne devraient se développer et perdurer que les outils permettant avant tout une recherche performante au regard de l’expression d’un besoin, de la définition d’un usage et pas uniquement en réponse à un produit ou un service. L’avènement des algorithmes et de l’intelligence artificielle devrait y contribuer fortement. Les prétendants à ce marché semblent aujourd’hui nombreux mais les enjeux associés, les coûts de développement et l’adaptabilité attendue de ces outils devraient in fine rapidement limiter le nombre de véritables outils sur le marché. Les autres étant relayés au simple rôle d’annuaire…
Sébastien Taupiac,
Directeur Santé à l’UGAP