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Les éléments constitutifs du délit de concussion pour les agents publics et élus

Publié le 10 novembre 2015 à 11h01 - par

Le Code pénal sanctionne les atteintes à l’administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique, dont notamment les manquements au devoir de probité. Point de droit pénal sur la concussion par Donatien de Bailliencourt, Avocat collaborateur du cabinet Granrut.

Les éléments constitutifs du délit de concussion pour les agents publics et élus

Donatien de Bailliencourt avocat collaborateur Granrut

Parmi ces manquements au devoir de probité figure le délit de concussion qui vise tout particulièrement les agents publics et certaines catégories d’élus.

La définition du délit de concussion et sa peine

Prévu et réprimé à l’article 432-10 du Code pénal, le délit de concussion vise deux hypothèses :

  • d’une part, le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû ;
  • d’autre part, le fait, par les mêmes personnes, d’accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires.

Ce délit, tout comme sa tentative, sont punis de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

Les conditions d’application du délit de concussion

En premier lieu, le délit de concussion ne concerne que les personnes physiques qui sont dépositaires de l’autorité publique ou qui exercent une mission de service public.

Entrent dans cette catégorie :

  • le maire (Cass. Crim., 10 octobre 2012, n° 11-85914 ; Cass. Crim., 10 septembre 2008, n° 07-88407) ;
  • le président et le vice-président d’un conseil général (Cass. Crim., 16 novembre 2011, n° 10-88838) ;
  • les agents publics (Cass. Crim., 20 mai 2015, n° 13-88069 : pour un contrôleur des impôts ; Cass. Crim, 1er décembre 2010, n° 10-81012 : pour un agent des impôts ; Cass. Crim., 8 septembre 2004, n° 03-8742 : pour un fonctionnaire territorial exerçant les fonctions de régisseur) ;
  • ou encore le président, le trésorier et le secrétaire général d’une chambre des métiers (Cass. Crim., 15 décembre 2010, n° 09-86222).

En revanche, parce qu’il n’est pas dépositaire de l’autorité publique et qu’il n’est pas chargé d’une mission de service public, le simple conseiller municipal ne relève pas du champ d’application de l’article 432-10 précité (Cass. Crim., 27 juin 2001, n° 00-83739).

En deuxième lieu, la concussion est un délit intentionnel.

Les faits doivent donc avoir été commis en toute connaissance de cause ; l’intéressé ayant agi délibérément ou de mauvaise foi (Cass. Crim., 3 mai 2012, n° 11-81203 ; Cass. Crim., 13 mars 1995, n° 94-82247).

À cet égard, il a été jugé qu’en qualité d’officier public, un maire ne pouvait utilement se prévaloir de ce qu’il n’était pas juriste de profession mais médecin, pour tenter de démontrer qu’il ignorait le caractère illégal de la participation financière demandée à un lotisseur, dès lors que les pièces du dossier montraient que l’intéressé avait agi délibérément (Cass. Crim., 10 septembre 2008, préc.).

Néanmoins le caractère intentionnel n’est pas retenu si la perception a été faite ou exigée à la suite d’une erreur de fait commise par le dépositaire de l’autorité publique ou d’une interprétation erronée de la loi ou du règlement (Cass. Crim., 13 juin 2007, n° 06-84618).

En troisième lieu, le délit de concussion n’est constitué que si un ordre de percevoir a été donné, et non un ordre de paiement (Cass. Crim., 27 juin 2001, préc.).

Il s’agit en effet d’exiger la perception, au titre d’une contribution fiscale ou parafiscale, d’une somme indue (Cass. Crim., 17 décembre 2014, n° 13-87476) ou dont le montant excède ce qui est dû.

À titre d’exemple, se rend coupable du délit de concussion :

  • le maire qui prend un arrêté de lotir imposant au lotisseur une participation financière à la réalisation de travaux d’extension du réseau d’eau potable, dont il sait que le montant est excessif (Cass. Crim., 10 septembre 2008, préc.) ;
  • ou le président du conseil général qui a perçu des indemnités de fonctions excédant ce qui était dû en application d’une délibération de l’assemblée délibérante (Cass. Crim., 16 novembre 2011, préc.).

Ce délit de concussion est également constitué lorsque le dépositaire de l’autorité publique ou la personne chargée d’une mission de service public accorde, en toute connaissance de cause, une exonération fiscale ou parafiscale en violation de textes légaux et réglementaires (Cass. Crim., 20 mai 2015, préc. ; Cass. Crim., 1er décembre 2010, préc. : pour des dégrèvements fiscaux ou remises gracieuses de pénalités injustifiés), ou un avantage consistant en l’occupation à titre gratuit d’un terrain communal ou d’un logement en violation d’une délibération du conseil municipal (Cass. Crim., 10 octobre 2012, préc. ; Cass. Crim., 31 janvier 2007, n° 06-81273).

Commet enfin le délit de concussion cette même personne qui omet volontairement d’émettre un titre de recouvrement obligatoire pour obtenir le remboursement de sommes versées indûment par la collectivité publique qu’il représente (Cass. Crim., 16 novembre 2011, préc. : pour des indemnités de frais de représentation ou de fonctions indues suite à des jugements ayant annulé les délibérations du conseil général les ayant instituées).

En quatrième et dernier lieu, la prescription ne commence à courir, lorsque la concussion résulte d’opérations indivisibles, qu’à compter de la dernière des exonérations accordées indûment (Cass. Crim., 31 janvier 2007, préc.).

Donatien de Bailliencourt, Avocat collaborateur du cabinet Granrut


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