Quel est le délai de prescription des actions de l’acheteur contre les auteurs de pratique anticoncurrentielle ?

Publié le 6 juin 2023 à 9h00 - par

Dans une décision du 9 mai 2023, le Conseil d’État s’est prononcé sur le délai de prescription des actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles commises à l’occasion de la passation d’un marché public.

Quel est le délai de prescription des actions de l'acheteur contre les auteurs de pratique anticoncurrentielle ?

Il résulte du Code civil et de différents textes que le délai de prescription ne peut commencer à courir avant la date à laquelle la personne publique a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l’étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés.

Un délai de prescription qui court à compter de la connaissance des pratiques anticoncurrentielles

En l’espèce, la région d’Île-de-France demandait au juge administratif de condamner solidairement plusieurs entreprises de travaux publics à lui verser la somme de 6 047 825,50 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait des ententes anticoncurrentielles nouées à l’occasion de la passation d’un marché conclu pour la rénovation d’un lycée. La somme correspondait à la différence entre les termes du marché public effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l’être dans des conditions normales de concurrence. Par un arrêt du 27 février 2007, la Cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation de plusieurs préposés d’entreprises attributaires de ces marchés ainsi que d’élus et autres personnes, dont le président du conseil régional d’Île-de-France, tous reconnus coupables notamment de participation personnelle et déterminante à une entente anticoncurrentielle. La région a ensuite engagé une action en responsabilité à l’encontre de ces entreprises devant le juge administratif.

Concernant le délai de prescription des actions en responsabilité, le Conseil d’État considère que ce délai ne peut commencer à courir avant la date à laquelle la personne publique a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l’étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés. Dans l’hypothèse où le préjudice de la personne publique résulte de pratiques auxquelles ses organes dirigeants ont participé, de sorte qu’en raison de leur implication elle n’a pu faire valoir ses droits à réparation, la prescription ne peut courir qu’à la date à laquelle, après le remplacement de ses organes dirigeants, les nouveaux organes dirigeants, étrangers à la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles, acquièrent une connaissance suffisamment certaine de l’étendue de ces pratiques.

La responsabilité des participants engagés entre élus et sociétés

Le Conseil d’État apporte tout d’abord des précisions quant à la recevabilité des pourvois dirigés contre un arrêt avant dire droit prescrivant une expertise. Dans le cas d’un arrêt avant dire droit retenant l’engagement de la responsabilité des auteurs du dommage, un pourvoi dirigé contre cet arrêt avant dire droit est recevable en tant qu’il engage la responsabilité des auteurs du dommage et en tant qu’il retient un partage de responsabilité entre ces auteurs et la victime. Enfin, le Conseil d’État a confirmé le raisonnement du juge d’appel en estimant que les fautes commises par les participants à l’entente présentaient un lien direct avec le surcoût supporté par la région.

En outre, le juge de Cassation confirme le raisonnement de la Cour administrative d’appel, en jugeant que la participation des élus et agents de la région à l’entente, constituait une faute non-détachable du service, engageant la responsabilité de la région à hauteur d’un tiers du préjudice subi.

Texte de référence : Conseil d’État, 9 mai 2023, n° 451710