L’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 dispose en effet que :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » […] Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ».
Néanmoins, c’est bien la jurisprudence administrative, en écho à la jurisprudence sociale, qui a déterminé les contours de la définition du harcèlement moral.
La Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 18 janvier 2011, n° 09LY00727) a érigé comme principe général du droit la prohibition du harcèlement moral et le Conseil d’État (CE ord. réf. 19 juin 2014, n° 381061) a jugé que constitue une liberté fondamentale le droit de ne pas être victime de faits de harcèlement moral.
La définition du harcèlement moral par les juridictions administratives et la signature d’accords ont conduit à déterminer le rôle de l’administration dans la lutte contre le harcèlement moral qui prend deux formes : la prévention d’une part, la protection fonctionnelle et l’indemnisation d’autre part.
Premier levier de lutte contre le harcèlement moral : la prévention
La prévention des risques psycho-sociaux et donc du harcèlement au travail est une donnée assez récente en fonction publique qui s’est matérialisée dans un premier temps, par la signature de deux accords majeurs en la matière : l’accord du 20 novembre 2009 sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique et l’accord du 22 octobre 2013 sur la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique.
Au cœur de ces deux accords et des lois et décrets successifs en la matière : la prévention.
Les actions de prévention se traduisent par :
- La mise en place des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui ont pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail et à l’amélioration des conditions de travail et de veiller à l’observation des prescriptions légales prises en ces matières ;
- La planification : l’élaboration du registre de santé et de sécurité au travail (article 3-2 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982) – la mise en place d’un plan d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux par chaque employeur (accord du 22 octobre 2013) ;
- La formation initiale et continue pour prévenir et réagir à une situation de harcèlement encouragées par la circulaire n° SE1 2014-1 du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique ;
- Le droit d’alerte prévu à l’article 5-6 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 qui permet à un agent d’alerter son employeur de toute situation qui présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Deuxième levier : la protection fonctionnelle et l’indemnisation
La protection fonctionnelle
L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 offre aux fonctionnaires agents publics victimes ou auteurs, une protection fonctionnelle. C’est en 2010 que pour la première fois, le Conseil d’État reconnaît qu’une victime de harcèlement moral peut bénéficier de la protection fonctionnelle (CE, 12 mars 2010, n° 308974). Mais elle peut également bénéficier à l’auteur présumé des faits de harcèlement moral (CE, 1er octobre 2014, n° 364536).
Il est à noter que cette protection n’est pas accordée en cas de faute personnelle de l’agent (CE, 22 juin 2011, n° 344536).
La protection fonctionnelle recouvre plusieurs obligations à la charge de l’employeur public.
En premier lieu, il appartient à l’employeur public de faire cesser le trouble, ce qui peut se traduire par l’engagement de poursuites disciplinaires, des changements d’affectation de l’auteur des faits.
À cet égard, un agent victime de harcèlement peut saisir le juge du référé liberté afin qu’il soit enjoint à son employeur public par exemple, de mettre en œuvre, dans un certain délai, tous les moyens humains et matériels afin de permettre audit agent d’exercer ses fonctions d’agent de maîtrise conformément à la fiche de poste correspondant à son cadre d’emplois (CE, référé, 19 juin 2014, n° 381061) ou encore d’enjoindre à l’employeur de procéder à l’évaluation de l’agent, aux fins de le placer dans une position régulière au regard tant des règles statutaires applicables que des besoins du service et de ses aptitudes professionnelles (CE, référé, 2 octobre 2015, n° 393766).
En deuxième lieu, la protection fonctionnelle peut prendre la forme d’une assistance juridique devant les juridictions (CE, 23 décembre 2014, n° 358340).
Enfin, la protection fonctionnelle permet à l’agent de solliciter directement auprès de son administration l’indemnisation de son préjudice, charge à elle de se retourner contre l’auteur des faits.
La réparation du préjudice subi par la victime de harcèlement
L’employeur public peut être tenu pour responsable de la situation de harcèlement et être en conséquence condamné à réparer le préjudice de l’agent tant moral que matériel (CE, 22 février 2012, n° 343410).
La responsabilité de la personne morale employeur peut également être engagée au titre de la carence fautive de cette dernière à protéger l’agent (CE, 21 mai 2015, n° 390056).
L’employeur public est donc désormais un acteur clé de la prévention et de la lutte contre le harcèlement moral.
Mathilde Peraldi, Avocat