Analyse des spécialistes / Fonction publique

Temps de travail dans la fonction publique territoriale: comment restaurer l’égalité de traitement entre les agents ?

Publié le 15 novembre 2023 à 9h00 - par

Le 11 octobre 2023, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a apporté une réponse à la question posée par le sénateur M. Michel Canévet1.

Temps de travail dans la fonction publique territoriale: comment restaurer l'égalité de traitement entre les agents ?
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Par dérogation aux règles de droit commun, dans la fonction publique territoriale, l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 prévoyait la possibilité de maintenir des régimes de temps de travail inférieurs à la durée légale de 1 607 heures, à la double condition, d’une part, qu’ils aient été mis en place antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 et, d’autre part, que cette dérogation ait été formalisée par une décision expresse de l’organe délibérant de la collectivité, après avis du comité technique2. L’article 47 de la loi du 6 août 2019 vise à harmoniser la durée de travail dans la fonction publique territoriale à 1 607 heures annuelles.

1. Une apparente inégalité de traitement entre les agents

Dans sa question, le sénateur souligne que la règle des 1 607 heures « ne semble pas s’appliquer de la même manière, voire ne pas s’appliquer du tout, pour les agents dont les emplois du temps sont de 35 heures hebdomadaires en moyenne (…) Sur le long terme, il paraîtrait logique que les durées effectives de travail s’équilibrent, entre les agents dont le temps de travail est annualisé et les autres agents, mais la réalité montre qu’il n’en est rien et les agents « annualisés » sont ainsi lésés par cette règle « des 1 607 heures », et placés dans une situation d’inégalité. Mais, dans le même temps, demander aux agents aux « 35 heures hebdomadaires » d’effectuer réellement 1 607 heures par an, par « solidarité » avec leurs collègues « annualisés », pourrait conduire à leur défalquer de fait des journées de congés annuels en leur demandant de réaliser des heures supplémentaires (voire, potentiellement, des journées supplémentaires), ce qui n’est pas souhaitable, voire admissible, les congés annuels étant un droit réglementaire acquis »3.

2. Les modalités prévues pour assurer l’égalité de traitement entre les agents

La circulaire n° NOR MFPF1202031C du 18 janvier 2012 relative aux modalités de mise en œuvre de l’article 115 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 rappelle que la quotité de travail hebdomadaire fixée à 35 heures est une moyenne. Le ministre rappelle qu’une année de 228 jours travaillés donne un total de « 1 596 heures, arrondies à 1 600 heures, auxquelles il convient d’ajouter 7 heures au titre de la journée de solidarité, soit 1 607 heures au total »4. Ainsi, le contrôle de la durée du temps de travail s’opère annuellement sur 1 607 heures et non sur 35 heures hebdomadaires. Cependant, le ministre admet que « la seule application d’une durée hebdomadaire de temps de travail de 35 heures ne permet pas de respecter la règle des 1 607 heures car elle ne tient pas compte de la journée de solidarité (article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées) »5.

Pour permettre l’égalité de traitement entre les agents, le ministre rappelle la portée des dispositions des articles L. 621-10 et L. 621-11 du Code général de la fonction publique. En effet, ces textes précisent que la journée de solidarité est fixée par délibération des assemblées, après avis du comité social territorial. Ainsi, cette délibération doit retenir une des modalités prévues par le Code permettant aux agents publics d’effectuer 7 heures de travail supplémentaire, soit en supprimant un jour férié autre que le 1er mai, soit en supprimant un jour de réduction du temps de travail ou toute autre modalité permettant le travail de 7 heures précédemment non travaillée, à l’exclusion des jours de congé annuels.

Une nouvelle fois, il apparaît au regard de cette réponse ministérielle que les collectivités locales ont à appliquer strictement les 1 607 heures pour le cycle de travail des agents. Les collectivités locales ont à délibérer sur cette journée de solidarité pour respecter l’égalité de traitement pour le temps de travail de leurs agents.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Question écrite n° 07321 de M. Michel Canévet (Finistère – UC) du 15 juin 2023, Réponse du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, publiée dans le JO Sénat du 12 octobre 2023, p. 5 871.

2. L’étude d’impact du projet de loi « transformation de la fonction publique » estimait le temps annuel de travail entre 1 562 heures et 1 578 heures dans la fonction publique territoriale. L’étude s’appuyait sur les rapports de Philippe Laurent, Rapport sur le temps de travail dans la fonction publique, mai 2016, et sur celui de la Cour des comptes, Les finances publiques locales – Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, octobre 2016.

3. Ibidem question publiée le 15 juin 2023.

4. Ibidem réponse publiée le 12 octobre 2023.

5. Ibidem.

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