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Le télétravail pour un renouveau de l’action publique ? Précisions sur le décret n°2020-524 du 5 mai 2020

Publié le 7 mai 2020 à 17h17 - par

Le télétravail va-t-il se généraliser dans les administrations après le déconfinement ? Le décret n° 2020-524 du 5 mai 2020 permet de cumuler la mise en œuvre de différentes modalités de télétravail avec une limite de présence minimale sur site. Néanmoins, l’adhésion des agents publics au télétravail doit encore être encadrée et doit reposer sur la confiance et le courage.

Le télétravail pour un renouveau de l'action publique ? Précisions sur le décret n°2020-524 du 5 mai 2020

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Loi de transformation de la fonction publique
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Le confinement pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 a accéléré la pratique du télétravail dans les entreprises et les administrations. Le télétravail est une activité professionnelle effectuée en tout ou partie à distance des locaux de son employeur. Il est souvent opposé au travail sur site, c’est-à-dire à la présence physique dans les locaux de l’employeur. L’épidémie a pu laisser croire que le premier remplacerait le second. Or, la réalité sera à nuancer car le télétravail suscite autant d’enthousiasme que de méfiance.

La fonction publique a intégré la notion de télétravail depuis le début des années 2010. L’article 49 de la loi du 6 août 2019 complète le dernier alinéa de l’article 133 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique en ajoutant « ainsi que les possibilités de recours ponctuel au télétravail ». Le décret n° 2020-524 du 5 mai 2020 modifie le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature pour prévoir les modalités de recours ponctuel au télétravail dans la fonction publique et la magistrature.

Ce décret redéfinit la notion de télétravail (1), en précisant son autorisation d’exercice (2), ses modalités de mise en œuvre (3) et les garanties pour les agents (4).

1. Le télétravail, une notion redéfinie

Premièrement, le décret définit le télétravail qui « désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux où il est affecté sont réalisées hors de ces locaux en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Le télétravail peut être organisé au domicile de l’agent, dans un autre lieu privé ou dans tout lieu à usage professionnel. Un agent peut bénéficier au titre d’une même autorisation de ces différentes possibilités. » Par rapport à la loi de 2012, le décret supprime la notion de « régularité » dans la définition du télétravail pour permettre plusieurs modalités de télétravail avec une autorisation portant sur une période longue mais autorisant également les périodes courtes. En effet, l’autorisation de télétravail est, d’une part, délivrée pour un recours régulier ou ponctuel au télétravail. Il est possible de cumuler la mise en œuvre de ces différentes modalités de télétravail avec une limite de présence minimale sur site. L’autorisation de télétravail peut, d’autre part, prévoir l’attribution de jours de télétravail fixes au cours de la semaine ou du mois ainsi que l’attribution d’un volume de jours flottants de télétravail par semaine, par mois ou par an dont l’agent peut demander l’utilisation à l’autorité responsable de la gestion de ses congés. Enfin, un agent peut, au titre d’une même autorisation, mettre en œuvre ces différentes modalités de télétravail.

Deuxièmement, l’article 3 du décret du 11 février 2016 dispose que : « la quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Le temps de présence sur le lieu d’affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine. » Le décret prévoit d’une part de déroger à cette dernière disposition pour autoriser le télétravail pour une durée de six mois maximum, à la demande des agents dont l’état de santé, le handicap ou l’état de grossesse le justifient et après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail. Cette dérogation peut être renouvelée, après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail. Le décret permet d’autre part de déroger à l’article 3 dudit décret de 2016, lorsqu’une autorisation temporaire de télétravail a été demandée et accordée en raison d’une situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le travail sur site.

2. L’autorisation d’exercice du télétravail

Premièrement, l’exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l’agent. Celle-ci précise les modalités d’organisation souhaitées. Lorsque le télétravail est organisé au domicile de l’agent ou dans un autre lieu privé, une attestation de conformité des installations aux spécifications techniques, établie conformément aux règles d’hygiène et de sécurité, est jointe à la demande. Le chef de service, l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l’intérêt du service. Lorsque l’autorité investie du pouvoir de nomination est le Centre national de gestion, cette appréciation est assurée par le chef d’établissement pour les directeurs adjoints et les directeurs des soins. Dans la fonction publique hospitalière, elle est autorisée par le directeur général de l’agence régionale de santé pour les chefs des établissements mentionnés aux 1°, 3° et 5° de l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986 et par le préfet du département pour les établissements mentionnés aux 4° et 6° dudit article 2.

Deuxièmement, une réponse écrite est donnée à la demande de télétravail dans un délai d’un mois maximum à compter de la date de sa réception ou de la date limite de dépôt lorsqu’une campagne de recensement des demandes est organisée. En cas de changement de fonctions, l’agent intéressé doit présenter une nouvelle demande. L’autorisation peut prévoir une période d’adaptation de trois mois maximum. Le refus opposé à une demande d’autorisation de télétravail ainsi que l’interruption du télétravail à l’initiative de l’administration doivent être motivés et précédés d’un entretien. Il peut être mis fin à cette forme d’organisation du travail, à tout moment et par écrit, à l’initiative de l’administration ou de l’agent, moyennant un délai de prévenance de deux mois. Dans le cas où il est mis fin à l’autorisation de télétravail à l’initiative de l’administration, le délai de prévenance peut être réduit en cas de nécessité du service dûment motivée. Pendant la période d’adaptation, ce délai est ramené à un mois.

3. Les modalités de mise en œuvre du télétravail

Deuxièmement, l’employeur public n’est d’une part pas tenu de prendre en charge le coût de la location d’un espace destiné au télétravail. Néanmoins, dans le cas où la demande est formulée par un agent en situation de handicap, le chef de service, l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination met, d’autre part, en œuvre sur le lieu de télétravail de l’agent les aménagements de poste nécessaires. Cet aménagement est sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser, en tout ou partie, les dépenses engagées à ce titre par l’employeur. Enfin, l’administration peut autoriser l’utilisation de l’équipement informatique personnel de l’agent.

Deuxièmement, l’autorisation d’exercice du télétravail définit les modalités de mise en œuvre du télétravail et, s’il y a lieu, sa durée, ainsi que les plages horaires durant lesquelles l’agent exerçant ses activités en télétravail est à la disposition de son employeur et peut être joint, par référence au cycle de travail de l’agent ou aux amplitudes horaires de travail habituelles. Enfin, lorsqu’un agent demande l’utilisation des jours flottants de télétravail ou l’autorisation temporaire de télétravail lorsqu’une autorisation temporaire de télétravail a été demandée et accordée en raison d’une situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le travail sur site.

4. Les garanties accordées aux agents

La commission administrative paritaire ou la commission consultative paritaire compétentes pourront être saisies, par l’agent intéressé, du refus opposé à une demande initiale ou de renouvellement de télétravail formulée par lui pour l’exercice d’activités éligibles fixées par l’un des actes mentionnés à l’article 7 ainsi que de l’interruption du télétravail à l’initiative de l’administration. Cette possibilité déjà ouverte dans la fonction publique d’État de saisir la commission administrative paritaire ou la commission consultative paritaire est étendue aux fonctions publiques territoriale et hospitalière.

Au total, le télétravail est une occasion de redéfinir non seulement l’action publique, mais également les métiers publics. Opposer le télétravail au travail sur site est une erreur car les deux sont complémentaires. Ils doivent poursuivre le même but en délivrant un service public de qualité identique. Le télétravail ne peut s’inscrire que dans une relation de confiance. Il ne peut pas y avoir de télétravail sans charte éthique et une adhésion à celle-ci. Elle est d’autant plus nécessaire pour préciser, encadrer, engager chacun des agents à respecter une éthique et pour prendre en compte le dialogue en présence de tous les agents d’un service pour que les remarques et les questions obtiennent une réponse que tous reçoivent et comprennent à la même hauteur pour préserver l’égalité devant le service public.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public

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