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Le régime juridique de l’entretien par la commune des chemins ruraux

Publié le 5 septembre 2024 à 9h45 - par

Les chemins ruraux sont associés à la géographie agraire. Ils sont affectés à l’usage du public, mais ne sont pas classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. Leur gestion entraîne des spécificités, notamment pour leur entretien.

Le régime juridique de l'entretien par la commune des chemins ruraux
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Les articles L. 161-1 à L. 161-13 du Code rural et de la pêche maritime prévoient les dispositions affectées aux chemins ruraux. Leur régime est également défini aux articles L. 131-1, L. 115-1, L. 141-10 et L. 141-11 du Code de la voirie routière.

1. Définition du chemin rural

L’article L. 161-1 du Code rural et de la pêche maritime définit le chemin rural comme : « toute voie possédant trois qualités cumulatives : (…) être la propriété de la commune, cette dernière bénéficiant d’une présomption de propriété́ ; ne pas avoir fait l’objet d’un classement dans la catégorie des voies communales ; être affectée à l’usage du public, condition qui bénéficie elle aussi d’une présomption ». Ce sont des voies privées dont l’affectation à l’usage du public est présumée dans les cas énoncés par l’article L. 161-2 du Code rural et de la pêche maritime. En effet, l’affectation à l’usage du public est présumée, notamment par l’utilisation du chemin rural comme voie de passage, ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l’autorité municipale. Dans ce cas, cette affectation à l’usage du public ne peut être remise en cause par une décision administrative. En outre, la destination du chemin peut être définie notamment par l’inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée.

2. L’entretien des chemins ruraux

Premièrement, les communes n’ont pas une obligation générale et absolue d’entretenir les chemins ruraux1. Ainsi, l’entretien des chemins ruraux, contrairement à celui des voies communales, n’est pas inscrit au nombre des dépenses obligatoires de la commune à l’article L. 2321-2 du Code général des collectivités territoriales. Toutefois, si la commune a effectué des travaux dans le but d’assurer ou d’améliorer la viabilité d’un chemin rural et a, en ce sens, accepté d’en assumer l’entretien, sa responsabilité2 pourra être engagée par les usagers en cas de préjudice (CE, 26 septembre 2012, n° 347068). De plus, le maire est en charge de la police de la circulation des usagers et de la conservation des chemins ruraux, en vertu des articles L. 161-5 du Code rural et de la pêche maritime et L. 2122-2 et 2213-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). En application de l’article D. 161-10 du Code rural et de la pêche maritime, le maire peut aussi interdire de manière temporaire ou permanente l’usage de tout ou partie du réseau des chemins ruraux aux véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec leur constitution.

Secondement, l’article L. 161-11 du Code rural et de la pêche maritime ouvre aux riverains la possibilité d’entretenir eux-mêmes un chemin rural et de demander au conseil municipal de délibérer sur l’institution ou l’augmentation de la taxe prévue à l’article L. 161-7 du même Code pour l’entretien des chemins ruraux. Cette demande doit être formulée par « soit la moitié plus un des intéressés représentant au moins les deux tiers de la superficie des propriétés desservies par le chemin, soit les deux tiers des intéressés représentant plus de la moitié de la superficie ». Dans les mêmes conditions de majorité, les propriétaires riverains peuvent également proposer de se charger des travaux nécessaires pour mettre ou maintenir la voie en état de viabilité Ainsi, ils peuvent demander à la commune de les autoriser à faire des travaux, sous réserve du respect des règles de majorité du conseil municipal. En effet, la commune doit délibérer dans un délai d’un mois, pour accepter ou non cette proposition. Cependant, si la commune accepte la proposition des riverains, cela ne vaut pas engagement de sa part. Ainsi, la commune doit matérialiser les conditions d’entretien par la conclusion d’une convention avec les riverains. Si le conseil municipal n’accepte pas la proposition des propriétaires riverains ou ne délibère pas dans le délai prescrit, il peut être constitué une association syndicale autorisée.

Le régime de l’entretien des chemins ruraux traduit un paradoxe. La commune n’a pas l’obligation d’entretenir les chemins ruraux. Toutefois, elle peut être tenue responsable des dommages résultant du manque d’entretien.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Sur ce point, voir Réponse ministérielle JO du Sénat du 11 septembre 2014, p. 2 077.

2. Si la commune a effectué des travaux destinés à assurer ou à améliorer la viabilité du chemin rural et a ainsi accepté d’en assumer l’entretien, sa responsabilité pourra être mise en cause par les usagers pour défaut d’entretien normal (CE, 20 novembre 1964, Ville de Carcassonne).

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