La responsabilité des maîtres d’œuvre à l’épreuve du juge administratif

Publié le 4 décembre 2018 à 7h16 - par

Deux décisions récentes du Conseil d’État viennent préciser les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du maître d’œuvre au regard des fautes susceptibles de lui être reprochées dans l’accomplissement de ses missions. Dans les deux cas, les travaux avaient été réceptionnés sans réserve.

La responsabilité des maîtres d’œuvre à l’épreuve du juge administratif

Le maître d’ouvrage ne peut rechercher la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre si le décompte du marché de maîtrise d’œuvre est devenu définitif

Dans la première affaire, il était reproché au maître d’œuvre un manquement à son devoir de conseil lors de la réception des travaux. Toutefois, le marché de maîtrise d’œuvre avait été réceptionné sans réserve. Selon le juge, le pouvoir adjudicateur ne peut remettre en cause le travail réalisé par le maître d’œuvre dès lors que le décompte de son marché, admis sans réserve, est devenu définitif. Peu importe que les désordres soient apparus postérieurement à l’établissement du décompte du marché de maîtrise d’œuvre.

Le Conseil d’État précise qu’ « il appartient au maître de l’ouvrage, lorsqu’il lui apparaît que la responsabilité de l’un des participants à l’opération de construction est susceptible d’être engagée à raison de fautes commises dans l’exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l’établissement du décompte jusqu’à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d’assortir le décompte de réserves ; qu’à défaut, si le maître d’ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu’il puisse obtenir l’indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l’établissement du décompte ; qu’il lui est alors loisible, si les conditions en  sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat ».

Par contre, le défaut de surveillance du maître d’œuvre sur les travaux réalisés est de nature à engager sa  responsabilité

La seconde affaire concernait la responsabilité de la maîtrise d’œuvre assurée par un service de l’État pour des travaux réceptionnés sans réserve, alors que des désordres importants rendaient l’ouvrage impropre à sa destination. Le maître d’ouvrage reprochait un comportement fautif du maître d’œuvre pour insuffisance de la surveillance exercée sur les travaux réalisés par l’entrepreneur.

Selon le Conseil d’État, dans le cadre de l’engagement de la responsabilité du maître d’œuvre dans le cadre de sa mission de surveillance de l’exécution du marché, il appartient au juge seulement de « rechercher si le comportement du maître d’œuvre présentait un caractère fautif eu égard à la portée de son intervention compte tenu des propres obligations des autres constructeurs ». Si tel est le cas, le pouvoir adjudicateur peut obtenir la condamnation solidaire du maître d’œuvre et de l’entrepreneur pour l’indemnisation du préjudice subi.

Dominique Niay

Textes de références :

Conseil d’État, 7e et 2e chambres réunies, 19 novembre 2018, n° 408203

Conseil d’État, 7e et 2e chambres réunies, 19 novembre 2018, n° 413017