Attention à la communication d’informations en amont de la procédure de passation du marché

Publié le 8 août 2022 à 9h45 - par

Afin de préparer la passation d’un marché public, l’acheteur a la possibilité de réaliser des consultations ou des études de marché, de solliciter des avis ou d’informer les opérateurs économiques de son projet et de ses exigences.

Attention à la communication d'informations en amont de la procédure de passation du marché !

Le sourcing peut ainsi avoir deux objets alternatifs : soit mieux connaître la structure du secteur d’activité concerné par le marché public dont la passation est envisagée, soit mieux appréhender les pratiques des opérateurs économiques dans le domaine concerné. Encore faut-il que le respect de cette aide à la définition du besoin ne conduise pas à un risque de rupture d’égalité de traitement entre les candidats et, ce faisant, une suspicion de commission de l’infraction du délit d’octroi d’avantage injustifié tel que prévu par l’article 432-14 du Code pénal.

Pas d’information privilégiée communiquée à un potentiel candidat à l’attribution du marché

En l’espèce, au pénal, pour un marché passé par le ministère des Armées, un procès-verbal d’audition établi dans le cadre d’une enquête préliminaire mise en œuvre à la suite de la plainte de la société requérante, une réunion avait été organisée au cours de laquelle le président d’une société, membre du groupement attributaire du marché en litige, a indiqué aux personnes présentes, en particulier au chef de la composante hélicoptère du commandement des forces aériennes, être en mesure de mettre à disposition de l’armée de l’air un hélicoptère civil de type H225. Ces deux personnes sont restées en contact après cette réunion, plusieurs échanges ayant eu lieu entre elles ultérieurement. Si le président de la société a nié l’intérêt de ces échanges pour l’obtention du marché, il n’est pas sérieusement contesté que le groupement attributaire a reçu des informations précises sur les critères techniques et financiers du futur marché plusieurs mois avant la publication de l’avis d’appel à la concurrence. La société requérante n’a eu de son côté qu’un mois pour préparer son offre. Les notes retrouvées lors d’une perquisition confirment d’ailleurs que le président de la société retenue disposait depuis plusieurs mois d’informations précises sur les attentes du commandement des forces aériennes et connaissait en réalité la quasi-intégralité des besoins techniques et des conditions financières du marché à venir. Par ailleurs, il n’est pas contesté que, tout en livrant ces informations, le chef de la composante hélicoptère du commandement des forces aériennes a suivi la préparation du marché, en rédigeant l’expression des besoins du pouvoir adjudicateur en qualité de prescripteur technique.

Un vice d’une particulière gravité affectant l’exécution du marché et justifiant l’annulation totale du marché

La société non retenue est fondée à soutenir que les graves irrégularités qui en résultent ont porté atteinte au principe d’égalité entre les candidats, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que le jugement du tribunal correctionnel de Paris condamnant les protagonistes a été contesté en appel. Eu égard à la particulière gravité du vice affectant le marché contesté, son exécution ne saurait se poursuivre. Aucune mesure de régularisation n’est possible et l’annulation totale du marché doit être envisagée. Le juge d’appel rejette en outre l’argument du ministre selon lequel l’annulation totale du marché porterait une atteinte excessive à l’intérêt général et demandant que cette annulation prenne effet trois mois à compter de la notification de l’arrêt de la Cour administrative d’appel.

 

Texte de référence :  CAA de Versaille, 5e chambre, 16 juin 2022, n° 19VE03858