Insérer l’innovation dans les marchés publics

Publié le 25 novembre 2022 à 11h15, mis à jour le 25 novembre 2022 à 11h15 - par

La commande publique locale est compatible avec les solutions innovantes. Le tout est de respecter certaines règles juridiques et de collaborer étroitement avec les entreprises du territoire.

Les collectivités peuvent utiliser la commande publique locale pour implanter des solutions innovantes sur leur territoire, ont expliqué les intervenants d’une table ronde, organisée par Cinov le 22 novembre 2022 au Salon des maires et des collectivités locales (SMCL). Il convient tout d’abord de définir ce qu’est l’innovation pour éviter toute crispation lorsqu’un projet innovant est présenté au service de la commande publique et au service juridique d’une collectivité. La solution proposée peut être une innovation totalement nouvelle ou simplement l’amélioration de produits existants. La collectivité peut notamment s’appuyer sur le guide de l’achat innovant, publié par le ministère de l’Économie, qui reprend les critères du manuel d’Oslo, établi à l’échelle européenne. Il ne s’agit pas de satisfaire à tous, mais ils doivent être regardés comme un faisceau d’indices du caractère innovant. L’entreprise doit, elle aussi, préparer le travail pour la collectivité, en décrivant précisément sa solution, afin que le service juridique puisse donner son feu vert en amont. Objectifs : protéger la propriété intellectuelle et le savoir-faire de l’entreprise et permettre à la collectivité de réfléchir au moyen d’implanter l’innovation sur son territoire, en co-construction avec l’entreprise.

« Concessions, marchés… Tous les contrats sont mobilisables », a précisé Schéhérazade Abboub, avocate associée au cabinet Parme Avocats. Le partenariat d’innovation, peu utilisé, est intéressant. Il comporte trois phases : recherche et développement, prototypage et achat du produit co-construit. Tant que celui-ci ne lui convient pas, la collectivité ne l’achète pas… En-dessous de 100 000 euros, le marché innovant peut favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises et des entreprises locales au marché. Celles-ci appréhendent souvent le côté ardu des marchés publics, source de beaucoup de « paperasserie », a déploré Laurent Munerot, et président de la Confédération nationale de l’artisanat, des métiers et des services (Cnams) et vice-président de l’Union des entreprises de proximité (U2P). Il convient donc de scinder les lots des marchés, afin de leur faciliter les réponses aux appels d’offres, quelle que soit leur activité.

Il faut également informer les petites entreprises sur les marchés qui sont lancés, qui ne sont pas toujours au courant. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas constitutif de délit d’initié : la collectivité peut aller voir les entreprises et les consulter. L’Eurométropole de Strasbourg présente chaque année aux entreprises locales le programme des achats qu’elle envisage d’effectuer – une centaine participent désormais à cette réunion.

Il faudrait aussi assurer une formation à la transition écologique « à tous les étages » (cadres, élus des commissions d’appel d’offres…), selon Nadège Havet, sénatrice du Finistère, corédactrice en septembre 2021 d’un rapport pour des achats plus responsables dans la commande publique. Ainsi, ils ne craindraient plus de se tromper et sauraient mieux apprécier la pertinence des réponses. La formation devrait aussi apprendre aux fonctionnaires à rédiger les appels d’offres (en particulier les secrétaires de mairie pour qui c’est une tâche très compliquée) et comment faire pour intégrer les petites entreprises locales.

Quant à la charte Relations fournisseurs et achats responsables, qui contient dix engagements, elle permet de « sourcer » des fournisseurs engagés dans le développement durable.

Mais attention, prévient maître Abboub : « il faut du courage : un projet innovant prend du temps, coûte de l’argent et entraîne une prise de risques ; ça a été le cas pour tous les projets que j’ai accompagnés ».

Martine Courgnaud – Del Ry