Analyse des spécialistes / Commande publique

Appel à projets, commande publique ou subvention, comment les distinguer ?

Publié le 10 avril 2018 à 6h38 - par

La distinction entre les subventions et la commande publique est plus claire qu’auparavant en raison des définitions données par les textes. Toutefois, des incertitudes subsistent, qui sont en particulier liées au développement de procédures intermédiaires sous la forme notamment d’appels à projets.

Appel à projets, commande publique ou subvention, comment les distinguer ?

Renaud-Jean CHAUSSADE Renaud-Jean CHAUSSADE

La différenciation entre subvention et commande publique

L’absence de définition textuelle de la subvention a longtemps provoqué de l’insécurité juridique, notamment dans les relations entre les collectivités territoriales et les associations.

De nombreuses associations percevaient des subventions publiques, que le juge administratif pouvait être amené à requalifier en contrats de la commande publique, dans les cas où leur objet visait en réalité à répondre à un besoin de la collectivité aidante.

La passation des contrats de la commande publique, tels que les marchés publics, obéit aux procédures et règles qui sont dirigées par les principes fondamentaux de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

À l’inverse, l’octroi d’une subvention relève du pouvoir discrétionnaire de la collectivité publique, sous réserve de conclure une convention lorsque le montant de la subvention excède 23 000 euros et le cas échéant, de respecter d’autres réglementations qui seraient applicables comme, par exemple, les aides d’État.

La jurisprudence a dégagé deux conditions permettant de distinguer les subventions des contrats de la commande publique. L’organisme bénéficiaire doit être à l’initiative de l’activité subventionnée et il ne doit pas percevoir de rémunération en contrepartie de prestations individualisées répondant aux besoins de la collectivité qui l’accorde (CE, 23 mai 2011, Commune de Six-Fours Les Plages, n° 342520 ; CE, 26 mars 2008, Région de la Réunion, n° 284412).

Le législateur est finalement intervenu pour définir la subvention, en reprenant ces conditions dans la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. En plus de cette nouvelle définition, la dernière réforme du droit de la commande publique a été l’occasion d’affirmer cette distinction puisque les nouveaux textes excluent les subventions de leur champ d’application respectif.

La frontière entre ces deux instruments juridiques reste néanmoins à surveiller.

C’est particulièrement le cas lorsque la convention ou l’acte d’attribution d’une subvention contiennent des obligations précises qui sous-entendraient que la personne publique est à l’origine de l’activité subventionnée et donc qu’elle poursuit la satisfaction de ses besoins. Dans ces circonstances, le risque de requalification en commande publique est réel.

Le développement de procédures intermédiaires comme l’appel à projets

Bien qu’il soit aujourd’hui en plein essor dans certains secteurs comme l’économie sociale et solidaire, la santé, le développement durable ou pour l’attribution de fonds européens (FEDER, FSE, etc.), l’appel à projets ne fait l’objet d’aucune définition juridique.

Il est à noter que certains textes rendent obligatoire la mise en œuvre d’une procédure d’appel à projets, sans pour autant le définir. Tel est par exemple le cas pour la gestion de certains établissements et services sociaux et médico-sociaux (article L. 313-1-1 du CASF). Ce sont cependant des procédures spécifiques et sectorielles qui se distinguent des appels à projets utilisés pour l’attribution de subventions.

Seule une circulaire du Premier ministre en date du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations en a précisé les contours.

L’appel à projets permet à la personne publique de « mettre en avant un certain nombre d’objectifs lui paraissant présenter un intérêt particulier. Il s’agit de définir un cadre général, une thématique. Les associations sont invitées à présenter des projets s’inscrivant dans ce cadre. Mais ce sont bien elles qui prennent l’initiative de ces projets et en définissent le contenu. Dans le cadre des appels à projets, la collectivité publique a identifié une problématique mais n’a pas défini la solution attendue ».

Ainsi, en dehors de cas réglementés, l’appel à projets vise à sélectionner le bénéficiaire de la subvention au terme d’une compétition, sans pour autant que la personne publique ne définisse le besoin à satisfaire. L’initiative du projet appartient toujours au candidat. Il n’entre donc pas dans le champ de la commande publique.

Mais l’absence de définition juridique ainsi que d’un régime de passation des actes ou contrats de subvention accroît les risques qui pèsent sur la procédure d’appel à projets.

Son utilisation ne suffit pas à écarter tout risque de requalification, notamment dans l’hypothèse où le dossier de l’appel à projets contiendrait un véritable cahier des charges propre à faire regarder le contrat ou l’acte envisagé comme relevant de la commande publique.

Si c’est une excellente solution à développer, l’appel à projets en matière de subvention doit donc être utilisé avec précaution.

 

Renaud-Jean CHAUSSADE, Avocat spécialisé en droit public, Associé du cabinet Delsol Avocats