Tarification incitative : les grandes collectivités fixent leurs conditions

Publié le 19 septembre 2023 à 9h45 - par

Alors que la tarification incitative plafonne bien en dessous des objectifs nationaux, les grandes collectivités réclament sa sectorisation.

Tarification incitative : les grandes collectivités fixent leurs conditions
© Par shocky - stock.adobe.com

La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 visait 15 millions d’habitants couverts en 2020 par une tarification incitative (TI) pour la collecte des déchets, puis 25 millions en 2025. Au 1er janvier 2021, seules 200 collectivités pour 6,55 millions d’habitants avaient instauré la TI, selon un bilan de l’Ademe à paraître cet automne : 175 en redevance incitative (RI) et 25 en TEOM incitative (TEOMI). « Suite aux fusions notamment en 2017, certains territoires ont même arrêté(1). Sur les 200 collectivités, 36 sont en TI partielle(2) », précise Alexandra Gentric, experte TI à l’Ademe.

Besançon et Versailles seulement

On le sait, la mise en place de la TI sur les grandes agglos est délicate. Le Grand Besançon (196 278 hab., Doubs) est la seule de plus de 100 000 habitants à l’avoir adoptée (RI), en 2012. « Grenoble qui l’a expérimentée en 2021 et 2022 sur un secteur test ne transformera pas l’essai à court terme », note Alexandra Gentric. À Montpellier, le vice-président Déchets voulait l’expérimenter, « mais rien n’est encore acté », nous fait-on savoir. À Nantes, le sujet a été évoqué, mais rien pour l’instant. Seules les agglos de Saint-Brieuc (151 755 hab.) et de Roanne (100 262 hab.) ont un projet. Mais à Roanne, on estime qu’« il est encore trop tôt pour en parler ». Versailles Grand Parc (VGP, 268 545 hab.) est la seule agglo à s’être lancée récemment, de manière prudente avec une « mise en place progressive en TEOMI dans 8 communes (sans Versailles) représentant toutes les typologies d’habitat et sous le nom de ‟tarification éco-responsable” », selon Amélie Guigueno, directrice Déchets.

Les freins sont connus : bacs individuels difficiles à positionner dans les collectifs importants, colonnes d’apport volontaire à badges… et leurs dépôts sauvages, bailleurs sociaux préférant gérer les bacs par parc immobilier plutôt que par immeuble, gestion de données compliquée en RI (part variable à associer à chaque local occupé), etc. De plus, mettre en place la TI coûte cher : investissements (badges, doublement des bacs…), communication toujours à renouveler (déménagements)… Sans compter un impact négatif sur les recettes des professionnels : « En effet, avec la TEOM, les professionnels n’utilisant pas le service paient néanmoins. En TEOMI, ils ne paieront plus la part variable et plus rien du tout en RI. Les particuliers, notamment, paieront donc à leur place, certains voyant alors leur facture augmenter… tout en triant davantage », précise Alexandra Gentric. « Le tort a été de faire miroiter des baisses de facture », regrette Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce.

Des freins trop importants

Des gains existent pourtant : diminution des quantités d’ordures ménagères (- 40 % sur VGP à ce jour par exemple), augmentation du bac jaune (+ 10 % sur VGP à ce jour) et des recettes induites, réduction des tournées (une collecte en moins par semaine à VGP), diminution de la TGAP à payer. S’appuyant sur le référentiel national Ademe des coûts 2020, Alexandra Gentric précise que « le coût médian en TI est inférieur de 15 % à celui en mode classique ». Mais pour l’instant, les grandes collectivités notamment jugent que les avantages/inconvénients ne penchent pas pour la TI. À noter qu’Amorce a lancé un groupe de travail TI pour les grandes agglos.

Pour pouvoir intégrer en TI et sur un même territoire les secteurs urbains pavillonnaires, et non ceux en habitat dense, « les associations (AMF, France Urbaine, Amorce, Cercle national du recyclage, Intercommunalités de France) demandent, par évolution réglementaire, une cohabitation possible de deux modes de tarification sans limitation de durée », précise Alexandra Gentric. Mais pour Bercy, il y aurait rupture d’égalité des contribuables devant l’impôt. « À l’État de trouver des solutions », demande Nicolas Garnier.

Frédéric Ville


1. En cas de fusion, différents modes de financement (le cas échéant) peuvent coexister jusqu’à 7 ans. Passé ce délai (ou avant), il faut choisir entre une TI nulle part (comme à Caen) ou sur tout le territoire.

2. Deux autres cas de TI partielle existent : (1) TI adoptée progressivement pendant 7 ans sur différentes parties d’un territoire (délai jugé encore insuffisant par VGP qui teste actuellement) ; (2) un syndicat de collecte, s’il n’instaure pas la TI sur tout son territoire, peut laisser ses adhérents choisir, de manière dérogatoire, d’adopter ou non la TI.

Efficace la tarification incitative ?

132 kg/hab., c’est en 2019 la production moyenne d’ordure ménagère résiduelle (OMR) par les collectivités avec TI, contre 249 kg/an/hab. en moyenne nationale, avec les meilleurs résultats pour les collectivités ayant instauré à la fois RI et collecte des biodéchets (moins de 100 kg d’OMR/an/hab. à Thann-Cernay, au Smictom Pays de Vilaine…) (Ademe). Les collectivités en TEOMI ont en moyenne 45 % d’OMR en plus qu’en RI. Mais la CA du Bressuirais (TEOMI) est à moins de 100 kg. Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, tempère : « Certes la TI booste le geste de tri, mais les tonnages augmentent en déchetteries. Le bac jaune étant gratuit (sauf pour sept collectivités comme Flandre Lys), la TI n’incite pas à la prévention ».


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