Analyse des spécialistes / Développement durable

Les conditions réglementaires de l’agrivoltaïsme seront-elles bientôt adoptées ?

Publié le 3 octobre 2023 à 11h00 - par

La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ci-après « loi APER ») a créé un nouveau régime juridique qui distingue les installations photovoltaïques « compatibles » avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière1, des installations agrivoltaïques directement nécessaires à une activité agricole2.

Les conditions réglementaires de l'agrivoltaïsme seront-elles bientôt adoptées ?
© Par Joe P - stock.adobe.com

Si l’article 54 de la loi APER a posé les jalons du régime de l’agrivoltaïsme, les textes d’application dont les projets sont actuellement en phase de discussion avec les professionnels du secteur apportent les dernières précisions (1). Les enjeux sont importants pour la filière et les territoires, conscients qu’une définition trop contraignante risquerait de contrebalancer les avantages accordés aux installations agrivoltaïques par le législateur (2).

1. Le projet de décret, qui ne fait pas encore consensus auprès des professionnels de la filière, resserre les conditions de l’agrivoltaïsme

A) En s’inspirant de certaines notions issues du droit rural existant, indépendantes de celles du droit de l’urbanisme ou de l’environnement, le législateur a défini la notion d’« installation agrivoltaïque », à l’article L. 314-36 du Code de l’énergie, en la liant au respect de deux conditions cumulatives.

Tout d’abord, l’installation agrivoltaïque doit apporter directement à la parcelle agricole, au moins l’un des quatre services ci-après énoncés : l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas, l’amélioration du bien-être animal. Au contraire, ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui porte une « atteinte substantielle » à l’un de ces services ou une « atteinte limitée » à deux de ces services.

Ensuite, l’installation doit garantir à un « agriculteur actif » ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique une production agricole « significative » ainsi qu’un « revenu durable » en étant issu. Ne peut donc pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui ne permettrait pas à la production agricole d’être « l’activité principale » de la parcelle agricole ou qui ne serait pas réversible.

Le nouvel article L. 314-36 du Code de l’énergie renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les services attendus, et de déterminer la méthodologie définissant la production agricole significative ainsi que le revenu durable en étant issu.

B) Ce projet de décret est, depuis le mois de juin dernier, en cours de discussion avec les professionnels du secteur. Et si rien n’est figé en l’état des textes et des discussions, certaines des conditions apportées par ce texte d’application sont jugées trop sévères par la filière.

C’est notamment le cas des seuils quantitatifs permettant de s’assurer du respect de la seconde condition relative à la « production agricole significative et au revenu durable en étant issu ». Ainsi, un taux d’emprise au sol maximale de l’installation agrivoltaïque (aujourd’hui fixé à 30 %) par rapport à la parcelle agricole doit être respecté pour maintenir une activité principale agricole sur la parcelle.

Le projet de décret instaure par ailleurs un système de « comparaison » avec le rendement agricole observé sur une zone témoin, sans module photovoltaïque, située à proximité de chaque installation agrivoltaïque. La moyenne du rendement par hectare observée sur la parcelle agricole sur laquelle est située l’installation agrivoltaïque ne devant pas être inférieure de plus de 20 % par rapport à celle observée sur la zone témoin.

Enfin, il convient de noter qu’aucune disposition transitoire n’y est prévu de sorte, qu’en l’état du texte, l’ensemble de ces précisions s’appliquerait aux demandes d’autorisation d’urbanisme de projets agrivoltaïques en cours d’instruction, y compris celles déposées avant la loi APER, fragilisant d’autant leur sécurité juridique.

La version finale du projet de décret « relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur terrains agricoles, naturels ou forestiers » devrait être soumise pour avis au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) dans le courant du mois d’octobre, puis mise à la consultation du public.

2. L’implantation d’installations agrivoltaïques sur les terres non urbanisées des territoires restera conditionnée à l’avis préalable et conforme de la CDPENAF

Les installations répondant à la définition de l’agrivoltaïsme pourront être autorisées dans l’ensemble des zones non constructibles d’une carte communale, ou des parties non urbanisées d’un territoire soumis au règlement national d’urbanisme et d’un plan local d’urbanisme (cf. nouvel art. L. 111-27 du Code de l’urbanisme), en dehors des zones d’exclusion des énergies renouvelables dont le périmètre peut être délimité, sous certaines conditions, par les documents de planification.

Contrairement aux installations photovoltaïques compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière (cf. art. L. 111-29 et 30 du Code de l’urbanisme), l’agrivoltaïsme ne se limitera donc pas aux seules surfaces agricoles et forestières identifiées par le « document-cadre », établi par arrêté préfectoral, parmi les seuls sols « incultes » ou « non exploités ».

Mais l’autorisation d’une installation agrivoltaïque reste cependant conditionnée à l’obtention d’un avis conforme de la CDPENAF en application du nouvel article L. 111-31 du Code de l’urbanisme, laquelle s’appliquera certainement à vérifier la conformité de l’installation agrivoltaïque aux conditions législatives et réglementaires sus-évoquées.

Si l’objectif d’accélération de la production des EnR est réaffirmé par la loi APER du 10 mars 2023, afin d’atteindre en 2030 une production de 33 % d’énergies renouvelables par rapport à la consommation finale brute, le législateur a pris soin d’encadrer le régime et les conditions d’installations de panneaux solaires (définition précise et complète de l’agrivoltaïsme, avis conforme de la CDPENAF dans certains cas, documents de planification et délimitation des zones d’implantations, etc.).

À l’heure du « ZAN », les élus et professionnels pourront toutefois se réjouir à l’idée que ces installations (agrivoltaïques ou simplement photovoltaïques) ne seront pas comptabilisées dans l’enveloppe consommée sur la période 2021/2031, au titre de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 (dite loi Climat et Résilience) ; dès lors qu’elles n’affecteront pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique. Ces conditions ayant été reprises par la loi APER.

Fanny Clerc, Avocate associée senior du cabinet Rivière


1. cf. nouvel art. L. 111-29 du Code de l’urbanisme

2. cf. nouvel art. L. 314-36 du Code de l’énergie.

Auteur :

Fanny Clerc

Fanny Clerc

Avocate associée senior du cabinet Rivière


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