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Loi prévention des risques : simplification du régime ICPE des éoliennes

Publié le 19 octobre 2015 à 16h35 - par

Dans le cadre de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques, débuté le 9 septembre dernier, Monsieur Denis Baupin et plusieurs autres députés écologistes ont déposé un amendement tendant à « simplifier le régime juridique de l’exploitation des éoliennes ». Explications.

Loi prévention des risques : simplification du régime ICPE des éoliennes
Vincent GuinotVincent Guinot Anne-Laure GauthierAnne-Laure Gauthier

 

La soumission des éoliennes au régime des installations classées

La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement dite « Grenelle 2 » a posé le principe de soumission des éoliennes au régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en prévoyant que les unités de production (5 aérogénérateurs) dont la hauteur des mats dépasse 50 mètres constituent des installations soumises à autorisation.

Le décret n° 2011-984 du 23 août 2011, inscrivant les parcs éoliens à la nomenclature ICPE sous la rubrique 2980, a considérablement étendu le champ d’application initial1, en soumettant à autorisation la ferme éolienne (i) comprenant au moins un aérogénérateur dont le mât a une hauteur supérieure ou égale à 50 m, ou (ii) d’une puissance totale installée supérieure ou égale à 20 MW2.

Ce nouveau régime a été largement contesté, en ce qu’il :

– est apparu redondant. Les éoliennes étant soumises à permis de construire et, surtout, à étude d’impactenquête publique.

– ne paraissait pas adapté. Les éoliennes ne pouvant être raisonnablement soumises au régime le plus contraignant, en principe réservé aux ICPE les plus dangereuses et les plus polluantes, puisqu’elles ne sont pas des installations industrielles à proprement parler (pas de rejet, ni d’utilisation de matières dangereuses) et que le parallèlement de nombreuses installations passaient du régime de  l’autorisation à celui, simplifié, de l’enregistrement.

– constitue un frein au développement des énergies renouvelables : d’une part, l’obtention d’une autorisation ICPE nécessite un procédure longue (environ 10-12 mois) et complexe (étude d’impact, étude de danger, capacités techniques/financières) et, d’autre part, en ajoutant une nouvelle autorisation au permis de construire déjà systématiquement attaqué, on augmentait le risque contentieux.

Pourtant, dans le même temps, la France s’était fixée d’ambitieux objectifs de développement de la production électrique à partir des énergies renouvelables. La France s’était ainsi engagée à porter la part des  énergies renouvelables à au moins 23 % de sa consommation d’énergie finale d’ici 20203 .

Dans cette perspective, l’arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité prévoit d’atteindre, en termes de puissance totale installée : « 25 000 MW au 31 décembre 2020, dont 19 000 à partir de l’énergie éolienne à terre et 6 000 MW à partir de l’énergie éolienne en mer et des autres énergies marines ».

Ces objectifs sont cependant loin d’être atteints (fin juin 2015, le parc éolien atteignait 9 761 MW installés selon le commissariat général du développement durable), en sorte qu’il devient impératif de lever les freins réglementaires et administratifs pesant sur le secteur.

Les premiers efforts de simplification

Le mouvement de simplification, engagé par la loi Brottes4, s’est poursuivi avec la mise en place5, à titre expérimental pour trois ans, d’une procédure d’autorisation unique dans les principales régions d’implantation éolienne, à savoir la Champagne-Ardenne, la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais6 .

Il s’agit de rassembler autour de la procédure d’autorisation ICPE plusieurs autorisations pouvant être nécessaires pour la réalisation d’un projet (permis de construire, autorisation de défrichement, dérogation à l’interdiction de destructions d’espèces protégées et autorisation au titre du Code de l’énergie). Il est ainsi permis au porteur du projet d’obtenir, sur la base d’un seul dossier, à l’issue d’une procédure d’instruction et d’une seule enquête publique, une autorisation unique délivrée par le préfet de département couvrant l’ensemble des aspects réglementaires du projet.

L’objectif, à terme, est de réduire les délais d’instruction afin que les porteurs de projets obtiennent plus rapidement une réponse ferme, qui portera sur la faisabilité globale et non plus sur des volets successifs. Le délai visé pour statuer est, au maximum, d’un an. La simplification administrative doit également rationnaliser le dispositif et assurer une plus grande sécurité juridique au projet, qui est autorisé ou refusé en une seule fois, « et ne risque plus de se voir refuser en fin de course une des autorisations nécessaires », précise le ministère7.

Replacer les éoliennes dans le droit commun des ICPE

Dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (loi « Macron »), un amendement a été déposé pour soustraire les éoliennes au régime de l’autorisation et les soumettre au simple régime déclaratif. Il était notamment invoqué la circonstance que les parcs éoliens ont, quant à leur fonctionnement, des caractéristiques proches les uns des autres. Le régime de déclaration serait donc plus adapté car il institue des règles communes par la voie d’un arrêté de prescriptions générales, le préfet pouvant ensuite imposer des prescriptions spéciales au cas par cas.

Cet amendement, comme les précédentes tentatives pour soumettre les éoliennes au régime de l’enregistrement, a été rejeté car il a semblé dangereux de supprimer l’étude d’impact et de dangers et de priver les riverains d’une consultation publique.

L’amendement CD 96 récemment déposé par les députés écologistes ne propose pas de soustraire l’exploitation des éoliennes à la police des ICPE, mais simplement d’ouvrir la possibilité de simplifier, au sein de cette police, le régime applicable. Il s’agirait de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de décider de  la nature de la formalité administrative : déclaration/enregistrement/autorisation.

Il n’est en revanche pas précisé sur quels critères ce choix pourra être opéré (situation, hauteur, puissance, nombre d’éoliennes, etc.).

Les dangers pour l’homme et la faune (chute de pales, risque d’interférence avec les zones de vols des oiseaux ou des chiroptères) et inconvénients (visuels, sonores..) étant désormais bien connus comme en témoigne une jurisprudence maintenant assez bien établie du juge administratif, cet amendement, présenté dans le prolongement de la loi de transition énergétique et à quelques semaines de la COP21, a de bonnes chances d’être adopté.

 

Vincent Guinot, Associé, et Anne-Laure Gauthier, Avocats en urbanisme et droit public- Cabinet Lacourte Raquin Tatar

 

Notes :


1. Le décret a toutefois été validé par le Conseil d’État (CE 26 décembre 2012, n° 357152)

2. Est seulement soumise à déclaration l’installation comprenant uniquement des aérogénérateurs dont le mât a une hauteur inférieure à 50 m et au moins un aérogénérateur dont le  mât a  une hauteur maximale supérieure ou égale à 12 m et pour une puissance totale installée inférieure à 20 MW.

3. La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte porte la part des énergies renouvelables à 40 % de la production d’électricité en 2030.

4. Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes supprime la règle dite des 5 mâts et le régime des ZDE.

5. Ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014

6. Cette procédure sera généralisée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi « Macron ».

7. Note de présentation des expérimentations « autorisation Unique ICPE »


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