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La consommation excessive d’alcool à la suite d’une fête organisée au service engage-t-elle la responsabilité de l’administration en cas d’accident ?

Publié le 21 décembre 2023 à 9h00 - par

Un arrêt du Conseil d’État du 3 novembre 2023 considère que le choix de la victime de conduire sous l’emprise d’alcoolémie, bien que ce soit à l’occasion d’une fête organisée par son service sur le trajet habituel du lieu de travail à son domicile, relève du fait personnel de la victime.

La consommation excessive d'alcool à la suite d'une fête organisée au service engage-t-elle la responsabilité de l'administration en cas d'accident ?
© Par Laurence Soulez - stock.adobe.com

Un agent supérieur d’exploitation de la ville de Paris, est décédé le 23 juin 2015 dans un accident de la circulation, alors que celui-ci regagnait son domicile, au moyen d’un scooter de service, depuis son lieu de travail après avoir consommé de l’alcool, à un taux supérieur au taux maximal autorisé pour la conduite de véhicules, dans un repas organisé par son service. L’accident est survenu sur le parcours habituel et pendant sa période normale de trajet entre travail et son domicile. Son épouse a décidé d’engager la responsabilité du service de la Ville de Paris du fait de l’accident de son époux. Le tribunal administratif et la Cour administrative d’appel de Paris ont refusé de reconnaître l’imputabilité au service de l’accident. Saisi en cassation, le Conseil d’État est venu confirmer cette solution.

1. La faute personnelle : le choix délibéré de l’agent de conduire sous l’emprise de l’alcool

Le Conseil d’État estime qu’ : « est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l’accident du service (…) C’est sans erreur de qualification juridique, et par un arrêt suffisamment motivé, que la Cour administrative d’appel a jugé que le choix délibéré de l’agent de conduire sous imprégnation alcoolique était constitutif d’un fait personnel rendant l’accident détachable du service. C’est sans erreur de droit qu’elle a jugé qu’était à cet égard sans incidence la circonstance que l’alcool ait été consommé à l’occasion d’un évènement festif organisé pendant le temps de travail. C’est enfin sans erreur de droit qu’elle en a déduit que, quand bien même l’accident s’était produit sur le parcours habituel et pendant la durée normale du trajet entre le lieu de travail de M. C… et sa résidence, cet accident ne pouvait être regardé comme imputable au service ». Cette position s’inscrit dans la droite ligne des jurisprudences judiciaires et administratives très strictes en matière de consommation d’alcool.

2. Les autres causes de responsabilité pénale pour les agents n’ayant pas empêché leur collègue de conduire sous l’emprise de l’alcool ?

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé le 5 juin 2007 que les salariés qui n’empêcheraient pas un collègue de travail en état d’ébriété de prendre le volant, pouvaient engager leur responsabilité pénale pour non-assistance en personne en danger. En cas de plainte de la femme de la victime, cette solution pourrait être transposée à l’accident mortel de l’agent dès lors qu’il était établi le fait que d’autres agents auraient laissé l’agent en état d’ébriété reprendre l’usage du scooter alors qu’il était en état manifeste d’ébriété. Cela pourrait caractériser une faute d’avoir laissé le conducteur et les autres usagers de la route à un risque qui ne pouvait pas être ignoré et des condamnations pénales seraient possibles.

Quand la consommation d’alcool est excessive et relève de l’addiction, l’interdiction et le sevrage ne peuvent fonctionner que lorsque les éléments déclencheurs préalables à à cette consommation sont identifiés. Les règles managériales relatives à la problématique alcool doivent non seulement prendre en compte à la fois la prévention, mais aussi la sanction. L’accompagnement de l’agent impacté reste primordial.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public

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