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Urbanisme : la planification territoriale, un nouveau cadre juridique pour les schémas de cohérence territoriale

Publié le 27 juillet 2020 à 12h18 - par

Deux ordonnances, prises en application de la loi Élan de 2018, ont été publiées le 18 juin 2020 afin de simplifier la planification territoriale.

Urbanisme : la planification territoriale, un nouveau cadre juridique pour les schémas de cohérence territoriale

Les schémas de cohérence territoriale (SCoT) sont des documents de planification territoriale créés par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, dite loi SRU, pour remplacer les schémas directeurs qui s’étaient eux-mêmes substitués aux schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme.

Prévues par l’article 46 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit loi Élan, et prises à l’issue d’une large concertation menée en 2018 et 2019, deux ordonnances ont récemment été adoptées par le Gouvernement pour simplifier le cadre juridique applicable aux SCoT :

1. L’ordonnance n° 2020-744 relative à la modernisation des SCoT

La concertation menée auprès des services déconcentrés de l’État, des collectivités territoriales, ainsi que sur la plateforme « Planifions nos territoires ensemble », a révélé la nécessité d’alléger le contenu et la structure des SCoT pour les rendre plus lisibles et faciliter la mise en œuvre du projet territorial.

L’ordonnance n° 2020-744 tend à moderniser le contenu et le périmètre des SCoT pour tirer les conséquences de la création des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (RADDET) et du développement des plans locaux d’urbanisme à l’échelle des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre coïncidant avec le périmètre de nombreux SCoT.

1.1. L’élargissement du périmètre des SCoT

Tout d’abord, l’ordonnance n° 2020-744 transfère l’initiative de l’élaboration du SCoT aux EPCI ou groupements de collectivités territoriales compétents, en lieu et place des communes.

Elle supprime ensuite la possibilité de laisser une partie du périmètre d’un EPCI en dehors du périmètre du SCoT qui doit délimiter un territoire d’un seul tenant et sans enclave, et impose désormais que le périmètre du SCoT recouvre la totalité du celui des EPCI concernés.

Pour replacer le SCoT à une échelle intermédiaire entre le PLUi et le SRADDET, l’ordonnance prévoit que, lorsque le périmètre du SCoT est identique à celui d’un PLUi, l’analyse des résultats de l’application du schéma, qui doit être réalisée six ans au plus après la délibération approuvant le SCoT, comprend un examen de l’opportunité d’élargir le périmètre du schéma, en lien avec les territoires limitrophes.

Pour faire du SCoT un outil stratégique de projet de territoire à l’interface entre les régions et les intercommunalités, l’ordonnance ajoute aux critères de détermination du périmètre des SCoT la prise en compte des « déplacements et modes de vie quotidien au sein du bassin d’emploi », en plaçant ce critère en première position dans la liste de ceux énoncés à l’article L. 143-3 du Code de l’urbanisme.

La détermination du périmètre du SCoT prend enfin en compte celui des « bassins de mobilité au sens de l’article L. 1215-1 du Code des transports » (2e alinéa).

1.2. La modernisation et l’allègement du contenu des SCoT

Pour répondre à l’objectif d’améliorer la lisibilité du projet porté par le SCoT et la mise en œuvre du schéma, l’ordonnance n° 2020-744 fait évoluer les différentes parties de ce document de planification.

Le projet d’aménagement stratégique (PAS) remplace le projet d’aménagement et de développement durable (PADD), en assouplissant son contenu par la suppression de la liste des thématiques à aborder dans cette partie du document : paysage, continuité écologiques, réseaux d’énergie…

Le PAS définit, à l’horizon de 20 ans, les objectifs de développement et d’aménagement du territoire.

Ceux-ci sont établis sur la base d’une synthèse du diagnostic territorial et des enjeux qui s’en dégagent, et concourent à la coordination des politiques publiques sur le territoire, « en favorisant un équilibre et une complémentarité des polarités urbaines et rurales, une gestion économe de l’espace limitant l’artificialisation des sols, les transitions écologique, énergétique et climatique, une offre d’habitat, de services et de mobilités adaptés aux nouveaux modes de vie, une agriculture contribuant notamment à la satisfaction des besoins alimentaires locaux, ainsi qu’en respectant et mettant en valeur la qualité des espaces urbains comme naturels et des paysages »1.

Pour redonner aux SCoT leur vocation stratégique, l’ordonnance simplifie par ailleurs le document d’orientations et d’objectifs (DOO) en remplaçant les onze thématiques précédemment imposées par trois grands thèmes complémentaires relatifs :

  • aux activités économiques, artisanales, commerciales, agricoles et forestières ;
  • à l’offre de logements, de mobilité, d’équipements, de services et de densification ;
  • et à la transition écologique et énergétique, à la valorisation des paysages, aux objectifs chiffrés de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers ;
  • étant précisé que la lutte contre l’étalement urbain et le réchauffement climatique est prise en compte de manière transversale.

La restructuration du DOO ne fait néanmoins pas obstacle à ce que toute autre orientation nécessaire à la traduction du projet d’aménagement stratégique soit également déclinée dans ce document.

Le contenu du rapport de présentation est transféré dans les annexes du SCoT, lesquelles sont constituées :

  • du diagnostic du territoire qui présente, notamment au regard des prévisions économiques et démographiques, les besoins en termes d’aménagement de l’espace, de ressource en eau, d’équilibre social de l’habitat, de mobilités, d’équipements et de services ;
  • de l’évaluation environnementale prévue à l’article L. 104-1 du Code de l’urbanisme ;
  • de la justification des choix retenus pour établir le PAS et le DOO ;
  • de l’analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et  forestiers au cours des dix années précédant le projet de schéma et de la justification des objectifs chiffrés de limitation de cette consommation définis dans le DOO ;
  • d’une partie des éléments constitutifs du plan climat-air-énergie territorial (PCAET) lorsque le SCoT tient lieu de PCAET ;
  • le cas échéant, du programme d’actions qui précise les actions prévues sur le territoire pour mettre en œuvre la stratégie, les orientations et les objectifs des SCoT, que ces actions soient portées par la structure en charge de l’élaboration du SCoT, par les EPCI membres de cette structure ou par tout autre acteur public ou privé du territoire concourant à la mise en œuvre de ce schéma ou associé à son élaboration. Ce programme peut également identifier les actions prévues relatives aux objectifs nationaux de l’État et aux objectifs régionaux, ou les mesures prévues dans les conventions ou contrats qui les concernent, quand ils existent, dès lors que ceux-ci concourent à la mise en œuvre des SCoT.

1.3. La prise en compte des enjeux de la transition écologique et énergétique par les SCoT

Pour opérer un rapprochement entre les SCoT et les PCAET, l’ordonnance n° 2020-744 permet aux porteurs de SCoT qui le souhaitent d’élaborer un « SCoT tenant lieu de PCAET » (SCoT-AEC), sous réserve que tous les EPCI concernés délibèrent pour transférer l’élaboration du PCAET au porteur de SCoT.

À cet effet, l’ordonnance définit des règles de procédure propres à ces SCoT-AEC, en permettant notamment une mise à jour ou une adaptation des éléments correspondant au PCAET sans obligation de réviser ou de modifier l’ensemble du SCoT-AEC.

Que le SCoT tienne lieu de PCAET ou non, il doit prendre en compte les enjeux de la transition écologique et énergétique, en intégrant notamment, dans ses objectifs, la préservation de la qualité de l’air, la lutte contre le changement climatique et l’adaptation à ce changement, la réduction des émissions à effet de serre, l’économie des ressources fossiles, la maîtrise de l’énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables.

2. L’ordonnance n° 2020-745 relative à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicables aux documents d’urbanisme

Selon les territoires, les collectivités territoriales pouvaient avoir à examiner jusqu’à une vingtaine de documents de planification sectoriels lors de l’élaboration de leurs documents d’urbanisme. Cet examen devait en outre prendre en considération des différences de portée juridique dans les liens entre les documents sectoriels et le document d’urbanisme.

Cette situation rendait complexe l’élaboration des documents d’urbanisme et pouvait créer une certaine insécurité juridique pour les collectivités territoriales.

Pour réduire ce risque d’insécurité juridique se rapportant à l’élaboration des documents d’urbanisme, l’ordonnance n° 2020-745 vient limiter et simplifier les obligations s’imposant aux documents d’urbanisme transversaux, comme les SCoT.

Dans ce cadre, l’ordonnance conforte les SCoT dans leur rôle de documents devant intégrer les enjeux de toutes les politiques sectorielles ayant une incidence en urbanisme.

Ainsi, lorsqu’un territoire est couvert par un SCoT, c’est celui-ci et non le PLU qui doit être compatible avec les différents documents sectoriels (dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne, règles générales du fascicule des SRADDET, schéma directeur de la région d’Île-de-France, schémas d’aménagement régional, chartes des parcs naturels régionaux, schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux…)2 .

En outre, ne sont plus opposables aux SCoT les quatre documents de planification sectorielle suivants :

  • les schémas régionaux de cohérence écologique prévus à l’article L. 371-3 du Code de l’environnement ;
  • les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine prévus à l’article L. 923-1-1 du Code rural et de la pêche maritime ;
  • les schémas régionaux des carrières prévus à l’article L. 515-3 du Code de l’environnement ;
  • et les schémas départementaux d’accès à la ressource forestière.

Seuls doivent être pris en compte par les SCoT les objectifs du SRADDET et les programmes d’équipement de l’État, des collectivités territoriales et des établissements et services publics3.

Enfin, la mise en comptabilité des SCoT avec les documents sectoriels n’a plus à intervenir à chaque fois qu’un nouveau document sectoriel entre en vigueur ou est modifié. L’autorité compétente procède à une analyse de la compatibilité du SCoT avec les documents sectoriels et de la prise en compte des objectifs du SRADDET et des programmes d’équipement, et délibère sur le maintien en vigueur ou sur la mise en compatibilité du SCoT tous les trois ans à compter de son entrée en vigueur du SCoT ou à compter de la délibération portant maintien en vigueur ou mise en compatibilité4.

Ces deux ordonnances entreront en vigueur le 1er avril 2021, en étant applicables aux seuls SCOT dont l’élaboration ou la révision est engagée à compter de cette date. Toutefois, des dispositions transitoires sont prévues pour permettre notamment de faire application de ces évolutions, sous certaines conditions, aux SCOT dont l’élaboration ou la révision a été prescrite avant le 1er avril 2021.

Donatien de Bailliencourt, Avocat Associé, HMS Avocats


1. Article L. 141-3 du Code de l’urbanisme.

2.Article L. 131-1 du Code de l’urbanisme.

3.Article L. 131-2 du Code de l’urbanisme.

4. Article L. 131-3 du Code de l’urbanisme.

Auteur :

Donatien de Bailliencourt

Donatien de Bailliencourt

Avocat Associé, HMS Avocats


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