Analyse des spécialistes / Urbanisme

Analyse de la loi Macron et de ses impacts sur le droit de l’urbanisme

Publié le 28 janvier 2015 à 11h34 - par

Présenté en Conseil des ministres le 10 décembre 2014 et adopté le 19 janvier 2015 par la commission spéciale, le projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » (ci-après « PDL Macron »), est débattu depuis le 26 janvier à l’Assemblée nationale.

Vincent Guinot, Avocat associé au Barreau de Paris, Cabinet Lacourte Raquin TatarVincent Guinot

À ce stade, il peut être utile de s’arrêter sur certaines mesures qui devraient, à terme, impacter le droit de l’urbanisme.

1. Depuis la loi Grenelle 2 du 10 juillet 2010, le droit de l’urbanisme est largement réformé par voie d’ordonnances (taxes d’urbanisme, surfaces de plancher, autorisations, contentieux, procédures d’évolution des documents d’urbanisme, dérogations aux POS/PLU, etc.).

Le PDL Macron ne déroge pas à cette tradition et annonce une impressionnante série d’ordonnances, qui devront – pour l’essentiel – intervenir dans un délai d’un an. Il s’agira notamment de :

– généraliser le dispositif de l’autorisation unique en matière d’ICPE et d’autorisations IOTA « loi sur l’eau » ;

– accélérer l’instruction et la délivrance des autorisations d’urbanisme, notamment en (i) réduisant les délais, (ii) créant/modifiant les conditions d’articulation des autorisations d’urbanisme avec les autorisations, avis, formalités relevant de législations distinctes, (iii) aménageant les pouvoirs du juge administratif lorsqu’il statue sur un recours contre une autorisation d’urbanisme, (iv) permettant au préfet de se substituer, sur décision du juge, au maire pour délivrer une autorisation dont le refus serait annulé ;

– modifier le régime du contentieux de l’urbanisme, « en simplifiant, y compris en appliquant aux affaires en cours, les modalités de condamnation de l’auteur d’un recours en annulation à l’encontre du bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme qui excède la défense des intérêts légitimes du requérant et lui cause un préjudice excessif ». Il est vrai que les premières décisions rendues sur les conclusions indemnitaires reconventionnelles présentées au titre de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme ne laissent, pour l’instant, guère d’espoir aux porteurs de projets1

– simplifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, opérations, plans et programmes de construction et d’aménagement. L’idée serait, en particulier, de définir les cas et les conditions dans lesquels l’évaluation environnementale peut tenir lieu de l’étude d’impact ;

– réformer les procédures destinées à assurer la participation du public à l’élaboration de certains projets d’aménagement et d’équipement. On peut d’ores et déjà préciser que cette habilitation, qui annonce une réforme de l’enquête publique, est actuellement très discutée à l’Assemblée nationale.

2. Pour l’heure, le PDL Macron modifie à la marge le Code de l’urbanisme.

Il permet notamment aux auteurs du PLU de déterminer des secteurs à l’intérieur desquels la réalisation de « logements intermédiaires » pourra bénéficier d’une majoration de constructibilité pouvant aller jusqu’à 30 % 2.

Il prévoit également une modification du régime de l’action en démolition en cas d’annulation d’une autorisation d’urbanisme (article L. 480-13 du Code de l’urbanisme), mais sans pour autant aller jusqu’à réserver cette action dans les seules zones bénéficiant d’une protection particulière, ainsi que l’avait suggéré le groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle3.

Enfin, il faut relever que le PDL Macron « réforme » quelque peu la réforme de l’urbanisme commercial, issue de la loi Pinel du 18 juin 2014 et entrée en vigueur le 18 décembre dernier, en permettant notamment :

– au ministre ou au préfet de consulter l’Autorité de la concurrence sur les projets d’élaboration/révision/modification de SCOT ou PLU. Il s’agit ici de s’assurer que les dispositions du document d’urbanisme ne portent pas (trop) atteinte au droit de la concurrence ;

– de transférer un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale : il s’agit là, en pratique, d’une modification majeure puisque, depuis toujours, l’autorisation d’exploitation commerciale présentait un caractère incessible ;

– de procéder à une modification substantielle d’un projet d’équipement commercial au sens de l’article L. 752-15 du Code de commerce, via un permis de construire modificatif. Actuellement, l’article L. 425-4 du Code de l’urbanisme exige nécessairement du pétitionnaire qu’il dépose un nouveau permis, quand bien même les modifications qu’il envisage, bien que « substantielles » au sens du Code de commerce, ne le seraient pas au regard de la jurisprudence administrative relative à la dialectique « permis modificatif / nouveau permis ».

 

Vincent Guinot, Avocat associé au Barreau de Paris, Cabinet Lacourte Raquin Tatar

 


Notes de référence :

1. À notre connaissance, il n’existe que des décisions de rejet : CAA Nantes, 30 décembre 2014, n° 13NT01278, motivant le rejet des conclusions indemnitaires compte tenu du caractère non-suspensif du recours contre l’autorisation d’urbanisme ; Bordeaux, 16 décembre 2014, n° 13BX02549 ; Nantes, 14 novembre 2014, n° 13NT00180 ; Marseille, 20 mars 2014, n° 13MA02236, condamnant le requérant à une amende pour recours abusif au titre de l’article R. 741-12 du CJA mais rejetant néanmoins les conclusions indemnitaires, au motif que le permis avait fait l’objet d’autres recours ; Marseille, 20 mars 2014, n° 13MA02161 : idem, condamnation du (même) requérant à une amende civile, reconnaissance du caractère « abusif » de l’action au sens de l’article L. 600-7, mais rejetant les conclusions indemnitaires, au motif que le titulaire du permis « ne justifie pas du caractère excessif de [son] préjudice au regard de celui qu’aurait pu causer un recours exercé dans des conditions n’excédant pas la défense des intérêts légitimes d’un quelconque requérant » (sic).

2. À l’instar de ce qui existe, par exemple, pour les logements locatifs sociaux.

3. « Construction et droit au recours : Pour un meilleur équilibre », Rapport d’avril 2013


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