Analyse des spécialistes / Urbanisme

Loi Alur : comment les collectivités vont gérer la fin de l’instruction déléguée à l’État des autorisations d’urbanisme ?

Publié le 2 octobre 2014 à 17h27 - par

L’instruction des autorisations d’urbanisme par les services de l’État pour le compte des collectivités a toujours été assez ambivalente, à l’image du rôle de l’État dans la décentralisation : assistance et tutelle.

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Camille MialotCamille Mialot

Assistance, l’instruction des autorisations d’urbanisme est d’une haute technicité. Elle nécessite tout à la fois une très bonne maîtrise des textes applicables et des documents d’urbanisme opposables, toujours plus nombreux, et surtout une excellente compréhension des dossiers d’autorisation et des plans. Instruire une autorisation d’urbanisme, c’est faire du droit en 3D et en temps limité car les délais d’instruction sont tout autant contraints que contraignants pour le service instructeur.

Tutelle, l’avis donné sur le dossier, avis simple certes, a toujours été accompagné de la sanction potentielle du déféré préfectoral. Autrement dit : « Monsieur le Maire vous êtes libre de délivrer cette autorisation ou non, mais si vous ne suivez pas l’avis des services de l’État, vous vous exposez à une annulation par le juge administratif sur demande du Préfet ».

L’article 134 de la loi Alur du 24 mars 2014, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2015, modifie les seuils de mise à disposition gratuite des services de l’État. Cette modification concernerait environ 10 000 communes.

Avant le maire ou le président de l’établissement public compétent pouvait disposer gratuitement des services déconcentrés de l’État pour l’étude technique des autorisations d’urbanisme, lorsqu’une commune comprenait moins de 10 000 habitants ou lorsque l’établissement public de coopération intercommunale compétent groupait des communes dont la population totale était inférieure à 20 000 habitants. Désormais, seules les communes de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’un EPCI de plus de 10 000 habitants pourront en bénéficier tout comme les EPCI compétents regroupant moins de 10 000 habitants.

Pour faire face à ce changement très rapide, l’instruction du gouvernement du 3 septembre 2014 relative à la filière ADS (Application du Droit des Sols) présente des mesures d’accompagnement. Sachant qu’au fond, la réforme est purement financière : transférer les charges de personnel de l’État aux collectivités sachant que les collectivités ne souhaitent pas nécessairement recruter ces anciens agents de l’État.

L’instruction du 3 septembre prévoit diverses mesures. D’abord une mission d’information et de sensibilisation des collectivités concernées par le retrait. Puis un « encouragement » à la mutualisation au niveau intercommunal par la constitution de « centres mutualisés d’instruction » sachant qu’à notre sens – bien que l’instruction n’y fasse pas référence – l’instruction peut être déléguée à un service commun communal visé à l’article L. 5211-4-2 du CGCT résultant de la loi Mapam. Ensuite le recrutement des agents de l’État qui devra être « favorisé », d’abord par détachement puis recrutement.

Plus spécifiquement, dans la logique générale de contractualisation des rapports États-Collectivités, une convention de transition, mentionnée à l’article 134 de la loi Alur, pourra être conclue.

Son contenu est détaillé dans l’instruction précitée du 3 septembre : définition des conditions de mise à disposition des services étatiques jusqu’au 1er juillet 2015, formations des agents qui vont être en charge de l’instruction du droit des sols et même un « compagnonnage » par les agents de l’État, utilisation par la collectivité du logiciel ADS2007 déjà utilisé par l’État qui permettra une interface dans la gestion de la fiscalité de l’urbanisme.

Disons-le, cette instruction du 3 septembre fleure bon la mauvaise prose des services centraux qui n’ont jamais vu la couleur d’un formulaire cerfa, le flou conceptuel domine : convention de transition, compagnonnage, incitation à la mutualisation. En résumé, la fin de la mise à disposition des services de l’État c’est « demerden sie sich ! ».

Camille Mialot, Avocat spécialiste en droit public au sein de Brandi Partners, Maître de Conférences à l’École de Droit de SciencesPo Paris


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