Analyse des spécialistes / Urbanisme

2018, année du PLU intercommunal

Publié le 3 février 2014 à 23h10 - par

Qui dessinera la ville de demain ? C’est un des sujets sensibles abordés dans le projet de loi « Alur » pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, adopté en 2e lecture par le Sénat le 31 janvier 2014.

2018, année du PLU intercommunal

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Hugues Moutouh, avocat associé chez August & DebouzyHugues Moutouh Louis-Narito Harada, Avocat, Cabinet August & DebouzyLouis-Narito Harada

La loi de décentralisation de 1983 prévoit que « le plan d’occupation des sols est élaboré à l’initiative et sous la responsabilité de la commune », compétence qui peut être déléguée à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) (art. 50 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983). En l’état actuel des textes, seules les métropoles et les communautés urbaines ont de plein droit, en lieu et place des communes, la compétence relative au plan local d’urbanisme (PLU) et aux documents d’urbanisme en tenant lieu (c’est-à-dire le plan de sauvegarde et de mise en valeur). À l’inverse, pour les communautés d’agglomérations et les communautés de communes, ce transfert de compétence est facultatif (article L. 5211-17 du CGCT).

L’article 63 du projet de loi Alur vise à inverser la logique actuelle : à compter de 2018, le PLUi devient la règle, le PLU l’exception.

L’ambition du PLU intercommunal

La loi SRU 13 décembre 2000 a reconnu la possibilité d’élaborer des PLU à l’échelle de plusieurs communes (cf. article L. 123-1 du Code de l’urbanisme).

La loi Grenelle II du 12 juillet 2010 a incité les communes à transférer leur compétence PLU à la communauté de commune ou d’agglomération sans les y contraindre (article L. 123-6 du Code de l’urbanisme).

Quatre ans plus tard, le projet de loi Alur franchit un pas « historique », celui du transfert automatique de compétence, en vue de l’élaboration, partout en France, de PLUi.

Le PLUi a pour ambition d’aménager le territoire à une échelle plus pertinente que l’échelle communale. Cette prise de recul permettrait de mieux intégrer les problématiques environnementale et sociale, le PLUi pouvant tenir lieu de plan local de l’habitat (PLH) et de plan de déplacement urbain (PDU).

En appelant une réflexion d’ensemble sur l’équilibre territorial, il éviterait les effets de concurrence entre communes, certaines visant à construire plus vite que le voisin les nouveaux logements ou équipements. De fait, cela permettrait de lutter contre l’étalement urbain et le mitage. Enfin, l’idée est également de mutualiser les moyens financiers et d’ingénierie pour élaborer le document d’urbanisme.

À une échelle supérieure (rassemblant au moins deux EPCI), le projet de loi Alur renforce par ailleurs le rôle du schéma de cohérence territoriale (SCOT) comme document d’urbanisme intégrant l’ensemble des objectifs et documents de rang supérieur. Le PLUi n’aura ainsi qu’un seul « document maître » à suivre. En somme, entre le PLUi et le SCOT, la ville de demain sera dessinée par les EPCI.

À ce jour, seules 14 communautés d’agglomération et 175 communautés de communes exercent la compétence PLUi (soit respectivement 7 % et 8 % de chaque catégorie de communauté). Devant cette situation, la ministre Cécile Duflot soutient que « l’intercommunalité nous rendra plus forts », faisant valoir que l’immense majorité des 36 000 communes ne sont couvertes par aucun document d’urbanisme et dépendent de ce fait du règlement national d’urbanisme.

Même s’il reste compétent pour délivrer les permis de construire, la perte automatique de cette compétence fondamentale pour le maire a naturellement suscité une levée de boucliers, en particulier dans les communes rurales, à l’heure même de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité au 1er janvier 2014 (cf. circulaire du 8 août 2013 relative à la mise en œuvre du dispositif codifié à l’article L. 5210-1-2 du CGCT).

Avant la commission mixte paritaire, passe d’armes entre l’Assemblée nationale et le Sénat

Les débats ont été intenses, sur le principe du transfert automatique d’abord. Sans surprise, nombre de sénateurs ont fustigé le discrédit jeté par le projet de loi sur les maires, qui passent pour incapables de gérer leur propre territoire.

Le 31 janvier 2014, au moment où l’on écrit ces lignes, le Sénat vient de voter l’article 63 en deuxième lecture. Les amendements de suppression de l’article 63 – qui tendaient donc au statut quo – ont été rejetés de justesse (154 pour, 179 contre). Le principe du transfert automatique est donc admis. Il aura lieu à l’échéance d’un délai de trois ans après la publication de la loi, avec clause de « revoyure » en cas de blocage à cette échéance.

Le second point litigieux porte sur la minorité de blocage permettant de faire échec au transfert automatique à la communauté de communes ou d’agglomérations.

En 2e lecture le 16 janvier, l’Assemblée nationale a voté une minorité de blocage haute : le transfert de compétence n’aura pas lieu si au moins 45 % des communes représentant au moins 45 % de la population s’y oppose.

Le 31 janvier, le Sénat est revenu sur son premier texte, avec une minorité de blocage plus accessible aux maires qui tiennent à conserver cette compétence : 25 % des communes représentant 10 % de la population.

L’affaire se réglera en commission mixte paritaire. À défaut, l’Assemblée nationale aura le dernier mot. Une chose demeure certaine : dans quelques années, le PLU intercommunal sera la règle.

Hugues Moutouh, Avocat associé
et Louis-Narito Harada, Avocat, Cabinet August & Debouzy


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