Analyse des spécialistes / Urbanisme

Les modifications apportées au droit de préemption commercial par la loi Pinel

Publié le 10 juin 2014 à 11h03 - par

Raphaël Crespelle et Karelle Diot analysent et décryptent pour Weka les changements apportés au droit de préemption commercial par la loi sur l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises (TPE), adoptée en Commission mixte paritaire le 5 juin 2014.

Les modifications apportées au droit de préemption commercial par la loi Pinel
Raphaël CrespelleRaphaël CRESPELLE Karelle DiotKarelle DIOT

Afin de préserver une offre commerciale de proximité, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a élargi le droit de préemption des communes en leur permettant de préempter, sur un périmètre délimité, des fonds commerciaux ou artisanaux, des baux commerciaux ou des terrains que leurs propriétaires souhaitent céder.

Cinq ans plus tard, ce droit a été étendu aux sociétés publiques locales d’aménagement.

La loi sur l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises (TPE) présente des avancées dans trois domaines : elle ouvre le droit de préemption commercial à d’autres acteurs locaux (voir 2) et elle précise la liste des documents et des informations devant accompagner la déclaration d’intention d’aliéner (1). Par ailleurs, afin de prendre en compte les difficultés rencontrées par les communes pour rétrocéder les biens préemptés, le délai de deux ans accordé au titulaire du droit de préemption pour y procéder, est porté à trois ans en cas de mise en location gérance du fonds de commerce ou artisanal (3).

1. Les nouvelles informations dans la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) et les nouveaux documents communiqués

Faute d’informations suffisantes dans la DIA, les communes ne sont pas en mesure d’apprécier la valeur des fonds en cours de cession, et par voie de conséquence, d’user de leur droit de préemption commercial dans des conditions satisfaisantes.

Dans le souci d’informer au mieux le titulaire du droit de préemption, la loi prévoit que le vendeur devra désormais préciser dans la DIA, outre le prix et les conditions de la cession, l’activité de l’acquéreur pressenti, le nombre de salariés du cédant ainsi que la nature de leur contrat de travail.

L’indication de l’activité de l’acquéreur pressenti doit permettre au titulaire du droit de préemption de savoir si l’affectation commerciale du bien doit être maintenue, même s’il n’existe aucune obligation, pour l’acquéreur, en ce sens. Le vendeur sera également tenu de communiquer le bail commercial, ainsi que le chiffre d’affaires lorsque la cession portera sur un bail commercial ou un fonds artisanal ou commercial.

Si la communication du chiffre d’affaires est effectivement indispensable pour évaluer un fonds de commerce, il peut être regretté que ce ne soit pas celui des trois dernières années comme en droit commercial. En effet, le vendeur pourrait être tenté de ne communiquer que les  informations qui lui sont les plus favorables.

2. La délégation du droit de préemption commercial des communes

Le droit de préemption commercial, prérogative du conseil municipal, ne pouvait jusqu’alors être délégué qu’au maire (article L. 2122-22 21 ° du Code général des collectivités territoriales) ou aux sociétés publiques locales d’aménagement (article L. 327-1 du Code de l’urbanisme).

Or, ce droit était peu utilisé par les communes en raison du manque de crédits. Le nouveau texte permet de le déléguer à d’autres acteurs de la vie locale disposant de moyens humains et financiers plus importants tels que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) y ayant vocation et dont elles sont membres, si ces derniers en sont d’accord. Dorénavant, cette délégation bénéficiera également aux sociétés d’économie mixte, aux concessionnaires d’une opération d’aménagement et aux titulaires du nouveau contrat de revitalisation artisanale et commerciale créé par le même texte, par les communes ou par subdélégation des EPIC.

Cette délégation pourra porter sur une ou plusieurs parties du périmètre de sauvegarde délimité par le conseil municipal ou être ponctuelle (accordée à l’occasion de l’aliénation d’un fonds, d’un bail commercial ou d’un terrain).

3. L’extension du délai de rétrocession en cas de mise en location-gérance du fonds de commerce ou du fonds artisanal

Le titulaire du droit de préemption commercial disposait de deux ans à compter de l’acquisition du bien préempté pour trouver un repreneur. Cependant, dès lors que la commune doit respecter une procédure de mise en concurrence pour trouver un repreneur et que le nombre de candidats potentiels est limité dans certains secteurs d’activité, ce délai de deux ans s’est souvent avéré insuffisant.

La loi prévoit donc de le porter à trois ans pourvu que le fonds soit mis en location-gérance.

Dans la mesure où ces dispositions se suffisent à elles-mêmes, elles entreront en vigueur lors de la publication de la loi, sans qu’il soit nécessaire de les compléter par un décret d’application.

 

Raphaël CRESPELLE, Avocat en droit public associé au sein du cabinet FTPA
et Karelle DIOT, Avocat, réseau FTPA


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