Analyse des spécialistes / Urbanisme

Quels outils financiers pour soutenir l’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette ?

Publié le 9 septembre 2022 à 11h00 - par

Le 29 juin 2022, le sénateur Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial des crédits de la mission « Cohésion des territoires » (logement et urbanisme) a rendu un rapport1 de son contrôle budgétaire sur les outils financiers en vue de l’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN). Quelles sont ses propositions ?

Quels outils financiers pour soutenir l’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette ?

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L'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN)
L'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN)
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L’article 191 de la loi « Climat et résilience » fixe l’obligation pour les territoires de réduire de moitié, par rapport à la période entre 2011 et 2021, le rythme de consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers d’ici à 2031. L’enjeu étant, d’ici 2050, d’arriver à une absence d’artificialisation nette2. En 2022, un décret relatif à la nomenclature des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents d’urbanisme3 est paru au JORF du 30 avril. C’est dans ce contexte que le rapport du sénateur Jean-Baptiste Blanc s’inscrit.

1. L’objectif de zéro artificialisation nette, sans définition, ni modèle

Le sénateur estime que l’objectif zéro artificialisation nette n’a pas trouvé son modèle économique. Le développement économique et démographique s’est fait jusqu’à présent en consommant toujours plus de sols (densité moyenne des grandes villes multipliée par 8 depuis 1870 alors que la population a été multipliée par 4). De plus, il y a eu un basculement de valeur entre les terres agricoles et urbaines et la croissance considérable de la valeur du foncier lors des 20 dernières années. Ces tendances pourraient croître par l’intensification de l’exode urbain en conséquence de la crise sanitaire (les SAFER ont constaté en 2021 que les transactions de terres à urbaniser ont augmenté de 23,5 % en un an).

En outre, le sénateur considère que la loi « climat et résilience » énonce que toute artificialisation devra être accompagnée de la renaturation d’une surface équivalente et pose l’obligation que la consommation d’espace dans les dix prochaines années soit inférieure de moitié par rapport aux dix précédentes années. Or, le législateur n’a pas défini les outils pour mettre en œuvre ces principes, ni dans cette loi, ni dans la loi de finances pour 2022.

2. Les moyens à pourvoir pour l’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette

Selon le sénateur, la définition d’un modèle de financement budgétaire et fiscal est donc nécessaire. Il existe des dispositifs utiles mais insuffisants, à renforcer : identification du montant des crédits budgétaires affectés à l’objectif ZAN difficile, renforcement nécessaire des établissements publics fonciers dont l’indicateur présente une dimension de lutte contre l’artificialisation par le recyclage urbain, extension du recours au fond friches.

Les collectivités ne sont pas adaptées à l’atteinte de cet objectif, la compétence d’urbanisme relève du niveau communal. Les ressources des collectivités ont été bouleversées par la suppression de la taxe d’habitation. Désormais, la principale ressource fiscale des collectivités est une part de TVA. Des injonctions contradictoires sont visibles par le nécessaire accroissement du stock de logements sociaux tout en réduisant la consommation d’espace.

Le sénateur propose les huit orientations suivantes :

  • pérenniser et étendre le fonds friches ;
  • favoriser la voie contractuelle pour l’accompagnement de l’État ;
  • créer un guichet unique pour les collectivités et particuliers ;
  • créer un comité d’observation et de prospective ;
  • poser un principe d’orientation majoritaire des aides budgétaires et fiscales vers la sobriété foncière ;
  • favoriser la maîtrise publique du foncier ;
  • ajouter un critère ZAN dans les aides du Fonds national d’aide à la pierre (FNAP) ;
  • prévoir un indicateur de performance consacré à l’utilisation des crédits de l’État en faveur du ZAN.

La loi « Climat et résilience » a posé un principe fort, sans définir les outils financiers permettant sa mise en œuvre. L’enjeu est de trouver un équilibre entre le besoin de logement et la sauvegarde de l’environnement. Gageons que le Gouvernement et le Parlement sauront corriger cette lacune en s’appuyant sur les conclusions du rapport de Jean-Baptiste Blanc afin d’établir un partenariat fort entre l’État et les collectivités locales.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Rapport d’information n° 743 (2021-2022) de M. Jean-Baptiste Blanc, fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 juin 2022.

2. Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (1), NOR : TREX2100379L, JORF n° 0196 du 24 août 2021, Texte n° 1.

3. Décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme, NOR : LOGL2201338D, JORF n° 0101 du 30 avril 2022, Texte n° 62.

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