40 ans de la FPT, et après ?

Publié le 30 janvier 2024 à 9h00 - par

Lors d’un colloque organisé par le CNFPT pour le 40e anniversaire de la loi du 26 janvier 1984, différents acteurs de la fonction publique territoriale ont salué ce texte fondateur ayant créé le statut de la FPT et les garanties qu’il apporte. 40 ans, l’âge de la maturité mais qui n’empêche pas des besoins de changement et de simplification.

40 ans de la FPT, et après ?
Crédit © CNFPT / Le CNFPT a organisé, le 26 janvier 2024, un colloque pour célébrer le 40e anniversaire de la loi du 26 janvier 1984 ayant créé le statut de la FPT.

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Loi de transformation de la fonction publique
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Un consensus existe sur le constat mais pas forcément sur les moyens d’y parvenir. Plus qu’un nouveau projet de loi, il est demandé des mesures réglementaires rapides (grilles indiciaires, concours…) et de vrais moyens pour activer le levier clé de la rémunération.

Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) voulait marquer le coup. Pour le 40e anniversaire de la loi du 26 janvier 1984 créant le statut de la FPT, il a organisé le 26 janvier dernier un colloque en distanciel sur le sujet, avec plus de 450 personnes connectées. « Essentiel, ce texte fondateur est intrinsèquement lié à la décentralisation », clame François Deluga, le président du CNFPT.

Aujourd’hui, la FPT ce sont 1,9 million d’agents, plus de 44 000 employeurs, 244 métiers et 76 % d’agents de catégorie C dont la moitié dans la filière technique. « Ces agents sont en première ligne dans la délivrance des services quotidiens à la population et dans la gestion des crises. Avec les collectivités, ils portent 80 % du service public dans notre pays », affirme-t-il. La loi du 26 janvier 1984 leur a conféré des devoirs et des droits protecteurs liés à la nature même de leurs fonctions.

« De vrais fonctionnaires au service de l’intérêt général »

« Au moment de l’adoption de loi, j’étais assistant parlementaire d’un député de la majorité », se souvient François Deluga, avec une pointe d’émotion. Pour replonger dans l’histoire, Anicet Le Pors, ministre de la Fonction publique entre 1981 et 1984, et ancien conseiller d’État, était l’invité du colloque du 26 janvier. Malgré ses 92 ans, « le père du statut » défend avec toujours autant de passion et de fougue la loi du 26 janvier 1984 ayant permis de faire des territoriaux de « vrais fonctionnaires au service de l’intérêt général ». Et de se remémorer : « J’avais été frappé dans mon enfance par le cantonnier de mon village breton se déclarant avec un peu de gêne assimilé fonctionnaire ».
« Il ne pouvait plus y avoir deux systèmes de fonction publique dans le pays, tous devaient être reconnus comme des fonctionnaires à part entière », martèle Anicet Le Pors. Résultat : la création d’un édifice de quatre grandes lois. Tout d’abord, le statut général de la fonction publique avec la loi du 13 juillet 1983 (droits et obligations des fonctionnaires, système de carrière, grilles indiciaires communes) qui vise à concilier unité et diversité. Elle sera suivie d’une loi pour chacun des trois versants.

L’apport du statut ne fait pas débat. « C’est un cadre qui permet aux agents et aux employeurs territoriaux d’exercer leurs missions, reconnaît Murielle Fabre, secrétaire générale de l’Association des Maires de France (AMF) et maire de Lampertheim (Bas-Rhin). Il garde aujourd’hui toute sa force pour protéger et garantir la neutralité du service public ».

Choix du système de la carrière

Sur le même registre, Christophe Couderc (Fédération des services publics de la CGT), président du Conseil national d’orientation du CNFPT, met en avant « l’exercice de missions par les agents en dehors de toutes pressions pour un service public local de qualité partout sur le territoire ». Il estime que « le statut de la FPT, tant attaqué, protège avant tout les citoyens de l’arbitraire, du favoritisme et des passe-droits ».
Dans son témoignage, Anicet Le Pors insiste sur l’importance du choix fait du système de la carrière. « Cette construction avec les principes d’égalité, d’indépendance et de responsabilité a été soutenue à l’unanimité des syndicats mais avec la réserve des élus craignant de voir rognées leurs responsabilités. Heureusement, les choses ont bien évolué depuis et j’en suis ravi », souligne l’ancien ministre de la Fonction publique. Christophe Couderc rappelle que « la séparation du grade et de l’emploi est au cœur du principe de la carrière, notamment à travers la mise en place de garanties statutaires ».

Moderniser et assouplir le statut

Trop rigide le statut ? « Faux, rétorque François Deluga, Quand on dit cela, c’est qu’on n’en veut pas ». Mais cela ne l’empêche pas de reconnaître des évolutions nécessaires. Il plaide ainsi pour revoir les concours et « améliorer l’accès à la FPT pour qu’elle soit à la couleur du pays ». « Le statut n’est pas rigide mais structurant », ajoute Françoise Descamps-Crosnier, présidente du comité national du FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique) en évoquant le besoin de modifier les modalités d’accès. Elle propose d’ouvrir la négociation sur la modification du contenu des concours, les CDI (en avoir plus ou au contraire les intégrer ?), l’intégration ou non des contractuels, l’élargissement du dispositif du Pacte (parcours d’accès aux carrières de la fonction publique) aux catégories A et B…
« Le statut garde toute sa force pour protéger le service public et garantir sa neutralité mais il est parfois contraignant », considère pour sa part Murielle Fabre. Elle appelle ainsi à « une vraie réforme et pas juste à des pansements ». « Il faut le désépaissir et l’assouplir pour l’adapter au contexte actuel et aux besoins des employeurs, notamment compte tenu des problèmes d’attractivité », plaide-t-elle. « Un statut qui ne bouge pas pour s’adapter risque à terme de mourir », admet également le président du CNFPT.

50 modifications législatives

La loi du 26 janvier 1984 a déjà connu pas moins de 50 modifications législatives dont la dernière date de 2021 avec la création du Code général de la fonction publique. Des révisions jugées « normales » par Anicet Le Pors pour s’adapter à la société même si « elles peuvent parfois être malveillantes comme la « loi Galland » du 13 juillet 1987 sur la FPT qui a remplacé le mot corps par le mot cadre ». Se voulant confiant dans l’avenir, l’ancien ministre estime que la FPT, « après avoir été le maillon faible de la fonction publique en est aujourd’hui le point fort en étant le lieu privilégié de la construction démocratique ».

Si les différents intervenants du colloque du CNFPT s’accordent sur la nécessité de faire évoluer le statut, tous refusent en revanche l’idée d’une rémunération au mérite, remis sur le devant de la scène par le gouvernement ces dernières semaines. « Elle existe déjà avec le CIA (complément indemnitaire annuel) », pointe François Deluga.

Autre point d’accord entre eux : la question centrale de la rémunération. « Compte tenu des difficultés financières des collectivités, il faut absolument leur redonner une autonomie financière et créer un nouveau système des finances locales », insiste le président du CNFPT. Un constat partagé par Murielle Fabre qui regrette que cette demande ne soit pas entendue. Pour Christophe Couderc, « il n’y pas débat, il faut revaloriser le point d’indice et refondre les grilles indiciaires ». Pour ces dernières, tous dénoncent le problème de leur tassement qui amène de plus en plus d’agents à se retrouver payés au niveau du SMIC ou très légèrement au-dessus. Un handicap important pour l’attractivité de la FPT.

Transitions professionnelles

« Même la mission d’Éric Wœrth sur la décentralisation reconnaît que l’État doit donner plus de responsabilités et de moyens aux collectivités », avance Françoise Descamps-Crosnier. Des moyens supplémentaires également nécessaires, selon elle, pour améliorer les politiques en faveur de l’égalité professionnelle femmes/hommes et des personnes en situation de handicap. « La loi a déjà apporté des modifications pour améliorer l’égalité dans les emplois de direction mais le ruissellement automatique n’existe pas, affirme-t-elle. Il faut une égalité à tous les nouveaux, notamment via la GEPEC (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences) ».
La présidente du FIPHFP met aussi en avant les besoins importants en matière de prévention face à l’augmentation des maladies professionnelles et des reconversions. « Les élus sont percutés par ce sujet des reconversions professionnelles », estime François Deluga. Il donne l’exemple des ATSEM subissant des TMS (troubles musculo–squelettiques) au-delà de 50 ans, « ce qui signifie des situations difficiles pour les agents et des coûts considérables pour la collectivité ». « Les transitions professionnelles constituent un sujet prioritaire pour le CNFPT qui propose des formations et des parcours qualifiants », tient-il à préciser.

Renforcer le rôle du maire employeur

Christophe Couderc défend une transition professionnelle choisie avec la possibilité de changer de métier et de bénéficier d’un accompagnement. « La réforme des retraites aggrave encore la situation avec d’autant plus de besoins de formation et d’accompagnement, insiste-t-il. L’État va devoir prendre ce problème à bras le corps et trouver les moyens nécessaires pour financer le fonds national de prévention de l’usure professionnelle ».

Défendant l’affirmation du rôle du maire employeur, pour permettre « des réponses opérationnelles », Murielle Fabre plaide pour « agir sur toutes les voies d’accès sans les mettre forcément en concurrence ». Et de détailler certaines propositions de l’AMF : « Une réforme des concours est légitime et passe par une modernisation des épreuves mais aussi par le développement du 3e concours ou l’accès sur titre. Il ne faut pas non plus négliger le levier de l’apprentissage. Le recrutement des contractuels doit être possible quand cela est nécessaire pour pallier aux difficultés de recrutement comme pour les secrétaires généraux de mairie ».

Peu d’attentes sur le projet de loi

Quelles attentes vis-à-vis du (probable) projet de loi de réforme de la fonction publique ? « Rien », répond sans ambages François Deluga. Au-delà du reproche de ne pas avoir été consulté sur le texte préparé par Stanislas Guerini et de ne toujours pas connaître ses grandes lignes, le président du CNFPT estime que « la majorité des dispositions que nous demandons relèvent du domaine réglementaire et ne nécessitent donc pas de loi, exceptées deux ou trois mesures comme la transposition de l’accord de juillet 2023 sur la PSC (protection sociale complémentaire) dans la FPT ou la création d’un fonds national sur l’usure professionnelle ».

Sur la préparation du projet de loi, dénommé « APR » (accès, parcours, rémunération), qui devait initialement être présenté courant février, Murielle Fabre rappelle le « travail conséquent » fourni par la Coordination des employeurs territoriaux et les propositions remises alors au ministre Stanislas Guerini. « Il faut dans la FPT un pilotage faisant confiance aux employeurs en les responsabilisant davantage, notamment pour faciliter les avancements et les mobilités professionnelles », argumente la secrétaire générale de l’AMF.

Enfin, sur l’idée d’instituer des recrutements directs en CDI ou de supprimer le système en catégories A, B et C, la réponse de François Deluga est nette et claire : « Il en est hors de question ».

Philippe Pottiée-Sperry


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